Moon village gaulois

Moon village gaulois

7 avril 2022 0 Par Gilbert LIEUREY

Fiche : résumé de l’article

Magodunum

Selon la toponymie, science qui étudie l’origine des noms de lieux, Moon serait un nom d’origine gauloise, Magodunon (Magodunum), signifiant champ, marché sur une hauteur. La vallée de l’Elle est encaissée, dominée par les collines. En conséquence nous devons prononcer Môn, et non Moun à l’anglaise. Certes la légende était jolie, un capitaine anglais avait installé son camp dans la vallée de l’Elle, lors de la guerre de Cent-Ans. Il admira le clair de lune qui se levait sur la vallée et donna le nom de moon au village. Une légende, puisque le nom de la paroisse de Moon existait déjà, bien avant ces événements.

les Bajocasses

Aucun trace archéologique de l’époque gauloise n’a été trouvée pour confirmer cette origine gauloise. Reste à imaginer ce village, situé entre les forêts de l’intérieur de la bordure occidentale du Bessin et les marais qui s’ouvrent vers le Cotentin. Ce village se trouvait à la croisée des chemins entre celui de Briovère (Saint-Lô) à la mer, et celui de la vallée de l’Elle s’ouvrant vers les marais. Le peuple des Bajocasses occupait le Bessin alors que celui des Unelles s’était développé dans le Cotentin. Les Unelles avec leur chef Viridovix s’étaient révoltés en 57 avant JC, mais furent écrasés l’année suivante par les légions romaines. Non loin du village de Moon, un oppidum situé à Saint-Jean de Savigny, pouvait servir de refuge. Les fonctions d’un oppidum n’étaient pas que défensives, il pouvait abriter des artisans, un marché.

La conquête romaine

Après la conquête romaine, une administration romaine organisée en cités fut mise en place et des chefs-lieux centraux furent créés. Moon-sur-Elle releva de la civitas des Bajocasses et d’Augustodurum (future Bayeux) créée sous l’empereur Auguste. Jusqu’à la révolution française, la paroisse de Moon relevait de l’évêché de Bayeux et du Bessin.

Article

En cet été de l’an 57 avant notre ère, les villageois de Magodunon (version celtique) ou Magodunum (version latine)  s’affairaient fort dans les champs. Les récoltes s’annonçaient bonnes. Les greniers surélevés sur des poteaux en bois, afin d’éviter l’humidité et les rongeurs, ainsi que les silos enterrés venaient d’être préparés. 

Nos habitants commencèrent par la récolte des blés dit vêtus comme l’amidonnier, l’épeautre, et les blés engrain, le froment. Certes ces céréales étaient moins productives que nos blés actuels, mais rustiques résistant bien aux aléas météorologiques. Suivraient les autres céréales, orge, seigle, avoine. Plusieurs parcelles étaient consacrées aux pois, fèveroles, lentilles, ers et vesces. Ces légumineuses apportaient des protéines végétales non négligeables dans la ration alimentaire des habitants de cette Gaule du Nord-Ouest, sans oublier les légumes des jardins. 

Evocation du village gaulois de Magodunum dans la vallée de l’Elle.

Cette polyculture, assez complexe dans ses rotations, et intensive, nécessitait une main d’œuvre                nombreuse mais  nourrissait bien la population (1). Les paysans gaulois disposaient déjà d’un outillage en fer : faucille pour les récoltes, faux pour les foins, bêche, houe et soc d’araire pour les cultures, hache et serpe pour défricher. Les forgerons gaulois avaient une très grande réputation dans la maîtrise du travail du fer. 

Les paysages de cette vallée de l’Elle ressemblaient fort à celui de notre bocage du XIXe siècle : un territoire organisé en parcelles, enclos, jardins, haies vives desservis par tout un réseau de chemins creux. 

La vallée de l’Elle à Magodunum se caractérisait par des coteaux en pente douce enrichis de placages de limons sur le versant sud (photo ci-contre)

Le versant nord, plus abrupt, se prêtait moins aux cultures. Quant aux hauteurs, la toponymie actuelle laisse penser à des terres moins favorables : au Nord, Les Landes Bosquets, Le Taillis et La Fotelaie (haye = bois),  au Sud vers le carrefour actuel de Saint-Clair, La Lande. Les moutons, les chèvres et les bovins pouvaient être menés à ces pacages. 

Le fond de la vallée portait des prés de fauche et nourrissaient quelques chevaux. Quant aux porcs, ils étaient élevés dans les enclos du village. Le bœuf et le porc étaient les viandes les plus consommées. Les charcuteries gauloises très réputées présentaient une grande diversité.

Le village actuel de Moon-sur-Elle sur le coteau nord et la vallée de l’Elle

Les travaux et les recherches  des archéologues nous montrent qu’aujourd’hui nous sommes bien loin des images véhiculées par l’histoire traditionnelle ou par la BD d’Astérix, celles d’une Gaule « chevelue » couverte de forêts ou d’un Obélix consommant des sangliers. Certes la chasse était pratiquée, mais le cerf, le lièvre figuraient davantage dans les restes retrouvés, que les sangliers. Le chien pouvait être parfois consommé, de quoi traumatisait Idéfix et son maître Obélix.

De nombreuses fermes gauloises isolées constituaient  dans le paysage rural une trame sociale et économique des campagnes. Ces fermes abritaient au sein d’un enclos, entouré d’un fossé et bordé d’un talus, la maison principale d’habitation de forme rectangulaire, des bâtiments agricoles annexes dont les greniers, caves, voire un atelier artisanal (four, forge) sans oublier les jardins. Cette organisation interne des fermes fut confirmée par les fouilles archéologiques comme à Agneaux (ferme du IIIe siècle avant J.-C.), à Hébécrevon (ferme du 1er siècle avant J.-C.) ou à Pont-Hébert (ferme du IIe siècle avant J.-C  lors du chantier du contournement de Saint-Lô en 1997-2000 (2). 

Village de la Croix de Moon : l’ancien chemin vers Bayeux, après le moulin

Selon la toponymie, Moon un village gaulois

Notre village Magodunum était situé à la croisée de chemins, au bord de l’Elle, la rivière des aulnes. 

Le premier des chemins qui reliait Briovère (Saint-Lô) à la mer devait franchir cette vallée de l’Elle. Sur le vieux cadastre              Napoléon            de           Moon, nous retrouvons la mention du vieux chemin de Saint-Lô qui venait par Le MesnilRouxelin et Villiers-Fossard et menait vers la mer en longeant le rebord occidental du Bessin, en passant par Airel, Neuilly-laForêt et Isigny. La route actuelle Saint-Lô – Lison – Isigny ne fut construite qu’à la fin du XVIIIe, début XIXe siècle. 

A la croisée, l’autre chemin suivait la vallée. Ce dernier allait des marais et de la Vire vers l’intérieur des terres et le cœur du Bessin. La toponymie actuelle a conservé cette notion de carrefour dans le nom du village de Moon,  la Croix de Moon  (croix entendue comme carrefour).

Au  cours du IIe siècle avant J-C, avec le développement économique et démographique, des agglomérations ouvertes, faites de bourgs ou de villages (vicus) à la trame relâchée, émergèrent aux carrefours des chemins et au bord des rivières (1). 

Magodunon (forme celtique) Magodunum (forme latine) signifierait selon les toponymistes, champ puis marché  ou agglomération (magos) sur une hauteur, voire une forteresse (dunon). La vallée de l’Elle est encaissée, elle est dominée par  des collines. Ce nom serait à rapprocher de Moing (Loire), Moings (Charente maritime), Mohon (Ardennes), Mehun sur Yèvre (Cher), Meung sur Loire (Loiret), Mouen (Calvados), Mauzun (Puy de Dôme) (3).

La belle histoire d’une origine anglaise ne peut tenir. Lorsque les Anglais débarquèrent au début de la Guerre de Cent-ans à Barfleur en 1346, ils traversèrent la Normandie en la pillant, brûlèrent Carentan, puis firent le siège de Saint-Lô. Cette dernière fut prise le 22 juillet 1346. Au cours du siège, un capitaine anglais qui avait établi son camp au bord de l’Elle, fut charmé par la vallée et son clair de lune. Il appela le lieu Moon sur Elle, la lune sur l’Elle. Or le nom de Moon était déjà attesté bien avant, au XIIIe siècle.
Prononcer le nom de Moon « Moun » à l’anglaise est une erreur historique.

Magodunum, un village du peuple des Bajocasses

Le peuple des Bajocasses occupait le territoire du Bessin actuel, allant de la Vire à l’Ouest, à l’Orne à l’Est. Si les Gaulois appartenaient à une même civilisation, celle des Celtes, partageant une culture, une religion, une langue, des coutumes et un mode de vie communs, ils restaient divisés politiquement en tribus. La Gaule, c’était une soixantaine de peuples dirigés par leurs élites aristocratiques guerrières. Les oppositions étaient incessantes entre clans rivaux, entre tribus. Les guerres amenaient souvent ces peuples à s’affronter ou à nouer des alliances. Jules César sut parfaitement exploiter ces rivalités.

Magodunum occupait la lisière occidentale du territoire bajocasse qui s’ouvrait sur la Vire et des marais insalubres, dont les chenaux étaient régulièrement inondés par la mer lors des marées. Au-delà vivait le peuple des Unelles commandé par Viridovix. Vers l’Est étaient les Lexovii et au Sud-Est les Viducasses. 

Situé à  l’Est de la Vire, Magodunum serait donc plutôt un village bajocasse qu’un village des Unelles (4). Moon-sur-Elle relevait du Bessin et de l’évêché de Bayeux avant la Révolution française de 1789. Sur une carte de 1675 dressée par l’abbé Jean Petite, Moon est intitulée Moon en Bessin.

La fin du IIe siècle et le premier siècle avant J-C virent également la construction de places fortifiées, les oppida. L’oppidum traduisit l’émergence originale de noyaux urbains sur des hauteurs, protégés  par des remparts (1). L’espace s’articulait autour de quartiers organisés : habitations, artisanat (forgerons, textile, céramique …), commerces, sanctuaire. Avec le développement démographique, économique et des échanges, les oppida devinrent le lieu du pouvoir et de réunion (élites aristocratiques guerrières, druides, commerce et centres religieux). 

A moins d’une heure de marche, nos villageois de Magodunon pouvaient se réfugier  à l’oppidum du Castel situé à Saint-Jean de Savigny, en amont de la vallée. Ce promontoire rocheux barré  dominait la vallée de l’Elle et le ruisseau de la Branche, au sein de terres plus vallonnées et boisées. Un rempart de 250 m de long à parement de pierres (5), haut de 4 m,  et précédé d’un fossé à fond plat protégeait le dernier côté. Cet éperon barré qui daterait de la fin du IIe, début premier siècle (6) présente une dimension modeste,  5 ha 50 (5). Fut-il voué uniquement à une fonction défensive ? Ou fut-il occupé de façon permanente en abritant un habitat, des résidences aristocratiques, un centre cultuel?

Oppidum de Castel sur Saint-Jean-de-Savigny dominant l’Elle et le ruisseau de la branche et son rempart

Le village de Magodunum et l’oppidum de Saint-Jean-de-Savigny commandaient la vallée de l’Elle face aux marais et au territoire du peuple des Unelles.

La vallée de l’Elle (à gauche) et la vallée de la Branche avec l’oppidum à l’arrière-plan (à droite)
Le rempart vu de l’intérieur de l’oppidum (à gauche) et l’intérieur de l’oppidum (à droite)
Sur la photo, le rempart (à gauche) précédé de son fossé boisé (à droite)

Quant à l’oppidum central des Bajocasses, Castillon, il remplissait, outre les fonctions défensives, les fonctions de centre politique, religieux et économique de la tribu. Il se situait sur un plateau au bord de la Drôme, au Sud-Ouest de Bayeux et daterait de la fin du IIe siècle avant J.-C.. Sa superficie très vaste est évaluée à 35 ha (4).

Les Bajocasses disposaient également d’un port,

Port-en- Bessin, qui contrôlait avant la conquête Monnaie gauloise des Bajocasses. Le romaine l’une des routes maritimes vers le Sud de monnayage s’est développé avec le IIe siècle avant J.-C. et l’essor des échanges. l’Angleterre (8). Cette voie et le port étaient protégés par l’oppidum du Mont Castel (Port) et du site fortifié du Mont Cavalier (Commes), sites chevelure à boucles et au revers un remontant au bronze final et début de l’âge du fer cheval conduit par un oiseau. (800 avant J-C).

La Guerre des Gaules

En cet été de l’an 57 avant J-C, nos villageois de Moon s’inquiétaient des mouvements des légions romaines de Jules César. Après être intervenu victorieusement en 58 à l’appel du peuple gaulois des Eduens face à l’intrusion du peuple gaulois des Helvètes et après avoir repoussé une invasion germanique menée par Arioviste, César décida de maintenir les légions romaines sur le territoire gaulois pour leurs quartiers d’hiver. 

En 57 il poussa l’occupation vers les territoires du Nord, la Gaule belge, et vers l’Ouest la Gaule armoricaine. Pendant l’hiver 57-56, des réquisitions de blés furent imposées pour nourrir les légions romaines.
« le blé manquant (…), il (le jeune Crassus, légat de César) envoya un bon nombre de préfets et tribuns militaires chez les peuples voisins pour y chercher du blé : entre autres, Titus Terrasidius fut envoyé chez les Essuvii …) (7).
Dans sa Guerre des Gaules, Jules César n’a jamais cité le peuple des Bajocasses, il parle des Essuvii, peuple qui n’a pas été identifié par les historiens. L’hypothèse actuelle est que les Essuvii représenteraient les tribus entre la Vire et
l’Orne : nos Bajocasses (Bessin), les Viducasses (plaine de Caen et Bocage) et les Sagiens (Orne, région de Sées).Lors des révoltes de 56 et 52 avant J.-C., Jules César parle
des Lexovii (entendus cette fois-ci comme Lexoviens, Viducasses et Bajocasses). Il faut attendre Pline l’Ancien au premier siècle pour lire la première mention des Bajocasses.

Buste de Jules César (100 – 44 avant J.-C.) trouvé dans le Rhône en 2007 à Arles

L’occupation du pays et ces réquisitions provoquèrent un soulèvement des peuples armoricains à l’initiative des Vénètes, peuple gaulois de marins de la région de Vannes.

 « ils (les Vénètes)  s’assurent pour cette guerre l’alliance des Osismes (Finistère), Lexovii (Lisieux), des Namnètes (Nantes), des Ambiliates (Vendée), des Morins (Nord), des Diablintes (Mayenne), des Ménapes (Belgique) ». Jules César avec la flotte de Brutus vainquit et soumit les Vénètes, « Celui-ci résolut de les châtier sévèrement pour qu’à l’avenir les barbares fussent plus attentifs à respecter le droit des ambassadeurs. En conséquence, il fit mettre à mort tous les sénateurs et vendit le reste à l’encan (esclaves) »(7).

Pendant ce temps, le légat Sabinus fut envoyé avec 3 légions pour écraser la révolte des Unelles qui avaient à leur tête le chef Viridovix. 

»il commandait aussi à toutes les cités révoltées, d’où il avait tiré une armée, et fort nombreuse ; peu de jours après l’arrivée de Sabinus, les Aulerques Eburovices (Eure) et les Lexovii, ayant massacré leur sénat, qui était opposé la guerre, fermèrent leurs portes et se joignirent à Viridovix » (5). Notre tribu les Bajocasses, tout comme les Viducasses, ne sont pas mentionnées par César mais il est fortement possible qu’ils étaient inclus dans les Lexovii.

« Sabinus, sur une hauteur, (…) ayant harangué ses troupes, donne le signal (…) ; tout cela fit que dès le premier choc les ennemis cédèrent et prirent la fuite. Gênés dans leurs mouvements, poursuivis par les nôtres dont les forces étaient intactes, ils perdirent beaucoup de monde ; ceux qui restaient furent harcelés par la cavalerie, qui n’en laissa échapper qu’un petit nombre »(7). La bataille a-t-elle eu lieu à l’oppidum du Mont-Castre (Lithaire) ou plutôt le Petit-Celland, site fortifié près d’Avranches. Quel fut le sort des vaincus ? Ont-ils subi le même sort que les Vénètes ? 

Après ses victoires, à la fin 56 avant J.-C., César ramena son armée (dechez les Belges) et lui fit prendre ses quartiers d’hiver chez les Aulerques et les Lexovii (dont nos Bajocasses et les Viduccasses ), ainsi que chez les autres peuples qui venaient de nous faire la guerre ».  

En 54 avant J.-C. après l’expédition de César en Bretagne (Angleterre) installa ses quartiers d’hiver sur le continent. 

«  comme cette année la récolte de blé, en raison de la sécheresse, était maigre en Gaule, il fut contraint d’organiser l’hivernage de ses troupes autrement que les années précédentes, n distribuant les légions dans un plus grand nombre de cités. Il en envoya (…) une troisième chez les Essuvii (notre territoire avec lesBajocasses, Viducasses et Sagiens) avec Lucius Roscius (…) celle de Lucius Roscius avait été chargée de conduire (la légion) dans une région tout à fait pacifiée et très tranquille » (7). 

Par  contre Le légat Sabinus, vainqueur de Viridovix Bouclier gaulois au musée de Bibracte) et en 56 avant J.-C., fut tué pendant cet hiver  de 54 d’un carnyx, trompette de guerre au musée avant J.-C. par la révolte des Eburons (Belges, Liège)d’Alésia (photos 2020) et leur chef Ambiorix.

Photo de la statue de Vercingétorix à Alise-Sainte-Reine (Alesia)

Lors de la dernière grande révolte menée par Vercingétorix en 52 avant J.-C., ce dernier assiégé dans Alésia renvoya ses cavaliers pour chercher des secours. Parmi les peuples appelés, les Lexovii fournirent  3 000 hommes (dont Bajocasses et Viducasses), les tribus armoricaines,  dont les Unelles, apportèrent   un  contingent de 20 000 hommes à l’armée gauloise de secours. Cette armée échoua à libérer Alésia et Vercingétorix donna   sa reddition. Les dernières révoltes de l’an 51 avant J.-C. furent réprimées et marquèrent la fin de la guerre des Gaules.

La romanisation et la province impériale de la Lyonnaise

Les traces d’une occupation militaire romaine dans les premiers temps chez les Bajocasses après la conquête ont été repérées récemment sur l’oppidum du Mont-Castel (Port-en-Bessin (8). Ce site avec celui du Mont Cavalier (Commes) commandait l’une des routes maritimes transmanche vers le sud de la Bretagne (Angleterre) avec le port de Port-en-Bessin.

Sous l’empire romain proclamé en 27 avant J.-C. par Auguste, une administration romaine fut mise en place par la création d’un réseau administratif de cités romaines qui diffusèrent le mode de vie romain. 

Le territoire de la civitas s’organisa à partir de la création d’un chef-lieu central, relai administratif au sein des anciennes tribus. Pour la tribu des Bajocasses et notre village Magodunum, fut fondée la cité d’Augustodurum (la future Bayeux) sur le modèle des villes romaines. Son nom signifierait le forum  d’Auguste. Non loin de ce chef-lieu des Bajocasses, s’élevait déjà sur le mont Phaunus (Saint-Vigor-leGrand) un fanum, un sanctuaire important pour la tribu des Bajocasses et haut-lieu cultuel druidique. 

Quant aux oppida situés sur les hauteurs, ils furent abandonnés au profit de ces cités romaines  plus centrales,  mieux situées sur un axe de communication ou d’un cours d’eau.  L’oppidum de Castillon fut abandonné en conséquence.

Les civitas des tribus gauloises armoricaines relevèrent de la province impériale de la Lyonnaise. A partir de l’an 12 avant J.-C., chaque année, la soixantaine de nations gauloises envoyèrent des délégués dans la capitale gallo-romaine Lugdunum (Lyon). Ces notables gaulois assemblés au sein d’un conseil des Gaules devaient rendre un culte aux divinités romaines et prêter allégeance à l’empereur sur l’autel d’Auguste.

La construction ou le renforcement d’un réseau routier fut un autre relai de la romanisation. Les voies romaines avec leurs bornes miliaires reprirent souvent d’anciens chemins gaulois. L’axe ancien « le chemin haussé » Rouen, Lisieux, Vieux, Baie des Veys, Valognes, Cherbourg passait par Bayeux (carte romaine de la table de Peutinger). Notre village se situait d’ailleurs à une quinzaine de km au Sud de cette voie. Des rameaux pouvaient se greffer sur cette voie romaine majeure. 

Table de Peutinger (fin XIIe siècle) copie de cartes romaines des IIIe et IVe siècles

Situation de Magodunum sur la carte, proche de la voie romaine Alauna (Valognes),

Crociatonum (St-Côme du Mont ?), Augustoduro (Bayeux), Aregenue (Vieux), Le Mans. Vieux (Aregenua) la cité capitale des Viducasses (9), située au carrefour du chemin haussé et de l’axe venant  des pays de la Loire, put connaître, par sa position,  un développement plus important que notre cité des Bajocasses au cours des trois premiers siècles, avant de disparaître au profit d’Augustodurum lors de la crise du IIIe siècle. Le nom de Bajocasses n’est mentionné pour la première fois qu’au premier siècle après J.-C. par l’auteur latin Pline l’Ancien (23-79), tué lors de l’éruption du Vésuve.

Les fermes gauloises à l’habitat dispersé disparurent au cours du premier siècle, remplacées par les domaines gallo-romains, appelés villae, centres de production agricole et artisanale. La pars rustica était consacrée aux bâtiments agricoles voire artisanaux ainsi qu’à l’habitat des personnels. La pars rustica abritait la maison du maître. Toutefois, à côté de ces grands domaines existaient de petites fermes, ainsi que des agglomérations secondaires.

Des communes ont conservé à travers leurs toponymes s’achevant par –y, les noms de ces propriétaires de villae composés de la manière suivante : nom du propriétaire + suffixe –acum. Le nom du propriétaire a pu être d’origine gallo-romaine, soit un  romain ou un gaulois romanisé, ou d’origine romane. Au cours de l’empire la langue parlée se différencia peu à peu du latin écrit. Ce latin vulgaire donna naissance au roman.Carte des communes avoisinantes de Moon-sur-Elle ayant un toponyme d’origine gallo-romain ou roman. Nous nous sommes appuyés sur les ouvrages de toponymie de René Lepelley (1993), François de Beaurepaire (1986), Marie-Thérèse Morlet(1985) et Albert Dauzat et Charles Rostaing (1963).Amigny : domaine d’Aminius (nom galloromain roman). 

Bérigny : domaine de Berinius  (nom gallo-romain, à moins que germanique si l’anthroponyme est Bero).

Blagny  (St-Martin de): domaine de Blannius (nom roman).

Cartigny : domaine de Cartinius (galloromain roman).

Castilly : domaine de Castillius (galloromain).

Cavigny :   domaine de Cavinius ou Cavannius (nom gallo-romain).

Cerisy : domaine de Cerisius ou Ceretius (gallo-romain) voire Cesarius.

Littry : domaine de Lister (nom roman).

Neuilly : domaine de Nobilus ou Novilius (nom roman).

Savigny (St-Jean de)  : domaine de Savinius ou Sabinius (nom gallo-romain).

Semilly (La Barre de) : domaine de Similius (nom gallo-romain).

Vouilly :   domaine de Vollius (nom roman).

Avec la romanisation s’ouvraient pour nos territoires gaulois trois siècles de paix et de prospérité.

Sources : 

  • 1)Les Gaulois : qui étaient-ils vraiment ? (Cahiers de science et vie n° 125 octobre 2011). 
  • 2)5000 ans d’histoire aux portes de Saint-Lô, Archéologie préventive et aménagement du territoire (2000).
  • 3)F. Beaurepaire : les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche (1986).
  • 4)histoiredelamanche.free (Eric Leconte 2003).
  • 5)Enquête sur les enceintes gauloises de l’Ouest et du Nord (Paul Marie Duval 1959).
  • 6)L’âge du fer en Basse-Normandie : article sur les sites fortifiés de hauteur de la Tène finale ; article sur les  éperons barrés et petites enceintes du bronze final et premier âge du fer (Presse Universitaire de Franche-Comté 2011). 
  • 7)La guerre des Gaules de Jules César.
  • 8)Les Gaulois sous les pommiers (Cahier du temps du Conseil général du Calvados, 2009).
  • 9)Le peuple des dunes sous la direction d’Anthony Lefort (OREP éditions 2021).
  • 10)Musée archéologique de Vieux