Aux poilus de Moon sur Elle morts pour la France

Aux poilus de Moon sur Elle morts pour la France

7 avril 2022 0 Par Gilbert LIEUREY

Centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918 Gilbert Lieurey, octobre 2018

Fiche : résumé de l’article

Lors de sa séance du 26 septembre 1920, le conseil municipal de Moon sur Elle approuvait le plan et le devis du Monument à la mémoire des soldats morts pour la France. Le Monument comporte 38 noms de poilus de Moon morts au cours du conflit 1914-18, mais sur la plaque de l’Eglise, ce sont 42 noms qui figurent.

L’ampleur du nombre de victimes

La France a perdu 1 350 000 hommes pendant ce conflit, pertes auxquelles il faut ajouter d’autres victimes, les blessés et les mutilés de guerre. Pour la Manche, le nombre de morts est estimé à environ 19 000 tués. Pour Moon sur Elle, qui avait une population de 726 habitants avant la guerre, le chiffre se monte à 38 morts selon le Monument aux morts. 21 poilus, soit plus de la moitié de la liste gravée sur le Monument, avaient moins de 25 ans à leur décès. Pour la génération des 98 jeunes nés à Moon entre 1884 et 1899 en âge d’aller au front et dont nous avons pu trouver les traces de leur mobilisation, la proportion est de 21 % de tués, soit plus d’un jeune sur cinq.

La grande majorité était des journaliers et domestiques ou des cultivateurs, mobilisés dans l’infanterie, régiments envoyés en première ligne. De nombreux poilus de Moon avaient fait leur service militaire au 136e Régiment d’Infanterie basé à Saint-Lô, régiment envoyé sur le front. L’instituteur de Moon-sur-Elle des années 1890 à 1919, Léopold Gautier perdit ses 2 fils, étudiants. Peu de noms de cheminots apparaissent sur cette liste de 38 morts, car à partir de l’automne 1914, les cheminots furent retirés du front et affectés aux voies ferrées, jugées stratégiques dans une guerre d’usure. N’oublions pas les prisonniers, au moins une quinzaine de poilus originaires de Moon ou vivant sur Moon, ont été faits prisonniers. Certains sont restés près de 4 ans en captivité.

Le deuil des familles, « qu’ils reposent en paix »

Faire le deuil pose la question d’une sépulture sur laquelle la famille puisse se recueillir. Sur le front, de simples croix de bois signalaient les tombes. Après la guerre, l’Etat procéda à l’identification des corps et en mai 1920, il décida de créer des cimetières nationaux sur le front, pour regrouper les tombes. Les rapatriements furent autorisés. Au cimetière de Moon, 4 tombes individuelles existent.

A Moon sur Elle, une première réunion des Anciens combattants s’est tenue en mairie le 15 mai 1920, en vue de constituer une association et un bureau. Il fut décidé d’organiser une fête patriotique à l’occasion de l’inauguration du Monument qui sera érigé à la mémoire des enfants de la commune tombés au champ d’honneur. Le 15 août 1920, la municipalité de Moon organise une fête en l’honneur de ses poilus avec le concours de la musique de Saint-Clair.

Le monument aux morts de Moon sur Elle

Lors de sa séance du 26 septembre 1920, le conseil municipal de Moon sur Elle, sous la présidence de son maire Alexis Pignolet, approuve le plan et le devis du Monument à la mémoire des soldats morts pour la France. Présenté par Monsieur Morel-Huet, entrepreneur à Neuville-Vire, le projet se monte à 3346,50 francs.

Situé au cimetière de Moon, le Monument a la forme d’un obélisque et porte pour emblèmes, une Croix catholique sur la face avant, la Palme du combattant et la Croix de guerre à l’arrière. S’ajoute une dédicace gravée « Moon à ses enfants morts pour la France – 1914-1919».

La plaque du Monument comporte 38 noms de poilus de Moon morts au cours du conflit 1914-18.

17 des poilus dont le nom est gravé sont « des enfants de Moon » nés à Moon. Bernard Maurice (1886-1915) né au Quesnot – cultivateur avec ses parents 28 ans Capelle Lucien (1895-1918) né à La Fotelaie, domestique, parents cultivateurs 23 ans Degouet Florent (1890-1914) né à La Croix sous l’Ange, fils de cheminot, maçon – 24 ans Decaen Aimé (1896-1917) né à La Gare, menuisier, père restaurateur à La Gare – 21 ans

Decaen Emile (1892-1914) né à La Gare, employé de commerce à Carentan, père restaurateur– 21 ans

Gouye Charles (1879-1914) né au Caperdu, jardinier sur Lison, marié à Marie Labonde, 2 enfants en 1914 – 35ans

Groult Joseph (1886-1914) né à La Gare, fils de cheminot, cheminot sur Carentan, marié à Gabrielle Marie – 28 ans

Jeanne Charles (1895-1918) né au Village Pignolet, famille de charpentiers – 22 ans

Lahaye Clément (1886-1915) né route de Cerisy, domestique – 24 ans

Langlois Emile (1895-1916) né à La Croix sous l’Atre, domestique à Moon puis à Bavent – 21 ans Lecanu Alexandre (1891-1915) né au village La Lande, cultivateur avec ses parents – 24 ans Lemarquand Louis (1896-1918) né à La Croix de Moon, domestique – 21 ans

Lemerre Paul (1894-1915) né à La Fauconneterie, domestique, parents cultivateurs – 20 ans Poirier Georges (1892-1915) né à La Pomme d’Or, cultivateur avec ses parents – 22 ans Pitrey Henri (1898-1918) né au Quesnot, cultivateur, père a été cantonnier de Moon – 20 ans

Simion Albert (1886-1915) né au Quesnot, domestique puis cheminot à Caen fin 1910, parents sur Lison après 1906 – 29 ans

Simion Léon (1891-1917) né à La Lande, boucher à Carentan, parents sur Lison après 1906 – 26 ans

21 poilus dont le nom est gravé sont nés hors de Moon sur Elle :

Canton de Saint-Clair Né à Airel

Houssin Victor (1898-1918) domestique agricole sur Sainte-Marguerite – 19 ans Lesellier Edmond (1894-1915) maçon, parents sur Moon, père charpentier – 22 ans Né à Cerisy-La-Forêt

Malherbe Léon (1882-1917) domestique, marié à Marie François en 1908 – 34 ans

Né à La Meauffe

Charles Gustave (1899-1918) chez ses grands-parents, village Le Quesnot – 19 ans

James Louis (1886-1914) cultivateur village Le Caperdu, marié à Marguerite Daguet, 1 enfant en 1914

– 27 ans

Né à Saint-Clair sur Elle

Lenoir Charles (1879-1914) cultivateur La Chapelle du Mesnil-Vitey, marié à Marie James, 1 enfant en 1914 – 35 ans

Né à Saint-Jean de Savigny

Lefoulon Jean-Baptiste (1888-1918) cultivateur avec ses parents à Moon – 30 ans

Né à Villiers-Fossard

Lelaizant Edmond (1873-1916) domestique à Moon, veuf de Louise Leboeuf – 43 ans

Centre-Manche

Né à Montmartin en Graignes

Folliot Emmanuel (1875-1916) domestique, marié à Elisa Letellier en 1913, sans enfant – 40 ans

Né à Saint-Fromond

Grandcamp Eugène (1881-1914) domestique, marié à Alvina Marie, 1 enfant en 1914 – 33 ans

Né à Marigny

Lemoigne Alphonse (1885-1914) domestique, marié à Eugénie Lemercère, 2 enfants en 1914 – 28 ans

Né à Saint-Martin de Bonfossé

Bernard Georges (1890-1915) domestique à Moon – 25 ans

Né à Saint-Samson de Bonfossé

Gautier André (1890-1918) étudiant, fils de l’instituteur de Moon – 28 ans

Gautier Léon (1895-1919) étudiant, fils de l’instituteur de Moon – 23 ans

Calvados, le Bessin

Né à Montfréville

Allix Léonce (1891-1914) domestique à Moon, grands-parents originaires de Moon – 23 ans Allix Edmond (1893-1915) journalier à Moon, grands-parents originaires de Moon – 22 ans Né à Neuilly la Forêt

Pignolet Eugène (1872-1918) cultivateur, veuf d’Angèle Pottier, cousin du maire de Moon– 45 ans

Né à Saon

Lepoultier Ernest (1888-1916) briquetier – 27 ans

Né à Caen

Marcel Emile (1891-1917) fils de cheminot, domestique puis cheminot – 25 ans

Né à Longueville

J. Germain Aucun J. Germain n’a été trouvé

Proposition avec quelques réserves : Emile Germain (1893-1919), né à Longueville dont les parents sont venus habiter à Moon après 1896. Son père est décédé à Moon en 1907. Emile Germain est briquetier et réside à Moon avec sa mère en 1913. Mais son décès est transcrit à Cartigny-L’Epinay et son nom figure au Monument aux morts de Cartigny. Sa mère y a-t-elle déménagé pendant la guerre ? – 26 ans

Région parisienne

Né à Malakoff

Maugendre Ernest (1893-1917) horloger, parents arrivés à Moon après 1904, père briquetier – 23 ans

Nous constatons que ces 21 poilus viennent pour la grande majorité de communes proches, situées dans le Centre-Manche (14) dont 9 du canton de Saint-Clair sur l’Elle, ou situées dans le Bessin région du département voisin le Calvados (6). Seul un poilu vient d’une région plus éloignée. Ernest Maugendre né à Malakoff près de Paris, il a suivi ses parents venus à Moon au début du XXe siècle, son père étant briquetier. A ses 20 ans, en 1913, Ernest Maugendre était horloger.

Comment expliquer cette mobilité locale de la population au début du XXe siècle ?

Sur les 21 poilus nés hors de Moon sur Elle, la profession exercée était :

Domestiques, journaliers agricoles9étudiants2
Cultivateurs4horloger1
Briquetiers2mécano cheminot1
Maçon1non identifiée1

La grande majorité sont des journaliers et domestiques agricoles qui se louent dans les fermes et sont amenés à se déplacer selon le travail. Lors de la fête de la Madeleine en juillet, se tenait traditionnellement la fête de la louerie des domestiques comme à Saint-Lô ou à Isigny. A Vouilly le 30 juin 1919 était la louerie des ouvriers agricoles comme à Formigny lors de sa foire le 1er juillet 1919, ou à Cerisy ou à Littry toujours en juillet.

Par exemple, Emmanuel Folliot né à Montmartin-en-Graignes en 1875 était domestique à Saon en 1895, puis à Montmartin-en-Graignes en 1902. Il passe entretemps à Lison en été 1906, arrive à Moon en 1909 puis à Saint-Gilles de septembre 1912 à mars 1913 et revient sur Moon comme domestique chez Mr Hervieu au village de la Ballolière. Edmond Lelaizant né à Villiers-Fossard en 1873 est domestique à Moon en 1893, à La Vacquerie en 1898, à Cavigny en 1899, à Planquery en 1901, à Ryes, Balleroy en 1902 et 1904, puis à Planquery en 1907, les parents vivant sur Moon.

4 cultivateurs ont suivi leurs parents fermiers venus de communes voisines. Louis James né à La Meauffe s’installe avec ses parents cultivateurs à Moon dans les années 1890. Son père Constant James est conseiller municipal pendant la guerre. Jean-Baptiste Lefoulon né en 1888 à Saint-Jean de Savigny arrive à Moon au début du XXe siècle, à La Croix de Moon. Son père Alphonse Lefoulon est élu conseiller municipal en décembre 1919. Charles Lenoir est né à Saint-Clair sur Elle en 1879. Enfant de cultivateurs de la région, son grand-père est né à Moon et son père à Sainte-Marguerite d’Elle. Eugène Pignolet de Neuilly la Forêt, est cultivateur à Lison, sa mère veuve en 1895 s’établit à Moon, où réside sa famille et son cousin Alexis Pignolet maire pendant la guerre. Il se marie en 1899 aux Champs de Losque avec Angèle Pottier fille de cultivateur. En 1908 il quitte la région pour s’installer sur Paris.

Les tuileries jouent aussi un rôle attractif, puisque 3 sont venus travailler comme briquetiers: Ernest Lepoultier né en 1888 à Saon (14), Emile Germain né à Longueville (14) en 1893, briquetier résidant sur Moon en 1913. Quand à Ernest Maugendre horloger à ses 20 ans, il a suivi son père briquetier, un breton passé d’abord par Malakoff où existaient à proximité, à Vanves, de nombreuses carrières.

Quant aux 2 étudiants, André Gautier et Léon Gautier, ils étaient les fils de Léopold Gautier, instituteur public dans les années 1890 à 1919 à Moon sur Elle qui rejoint la commune des Oubeaux (14) en automne 1919 lors de sa retraite. Le père fut aussi le secrétaire de mairie de la commune de Moon.

Sur les 17 poilus nés à Moon, la profession exercée était :

Domestiques et journaliers agricoles7cheminot1
Cultivateurs4Boucher1

Employé de commerce                                  1                             Maçon, charpentier, menuisier 3

La majorité travaillait dans le monde agricole comme journaliers, domestiques ou cultivateurs: les jeunes Maurice Bernard au Quesnot, Alexandre Lecanu au village La Lande, Georges Poirier à La Pomme d’Or et Henry Pitrey au Quesnot étaient cultivateurs sur Moon avec leurs parents. 2 autres jeunes Lucien Capelle et Paul Lemerre étaient domestiques et leurs parents cultivateurs.

Sur ces 17 jeunes poilus, 4 exercent leur métier à l’extérieur de Moon et contribuent à ce mouvement de mobilité géographique constaté : Emile Decaen, fils d’Alphonse Decaen restaurateur au Quartier de la Gare, était employé de commerce à Carentan. Joseph Groult, fils de cheminot, était ajusteur- mécano cheminot sur Carentan, Léon Simion, fils de Léon Simion journalier sur Moon puis à Lison, exerçait le métier de boucher à Carentan. Emile Langlois, fils de Marie Langlois domestique à Moon, était lui-même employé sur une tuilerie à Bavent (Calvados).

Peu de noms de cheminots apparaissent sur cette liste de 38 morts. Les cheminots sont retirés du front à partir de l’automne 1914 et furent affectés aux chemins de fer, jugés stratégiques par l’Etat-major, car le pays entrait dans une guerre d’usure qui s’annonçait longue et totale. Les cheminots ont été en conséquence moins exposés à la mort que les soldats envoyés au front.

Les cheminots étaient une population particulièrement mobile en raison des gares d’affectation. Beaucoup des jeunes nés à Moon ont quitté Moon ou suivi leurs pères cheminots partis vers d’autres gares comme Carentan, Caen, Rouen ou Paris.

Néanmoins 3 cheminots figurent sur le Monument aux morts.

Monde agricole (jour de marché place des Alluvions de Saint-Lô), monde cheminot (gare de Lison), monde des briquetiers (tuilerie de Lison)

Des jeunes mobiles localement

Si nous élargissons l’étude aux jeunes hommes nés à Moon entre 1884 et 1899 dont nous avons retrouvés leurs traces, ils avaient 19 à 35 ans entre 1914 et 1918, nous constatons bien cette mobilité à l’échelle locale.

Seulement un quart de ces jeunes vivaient encore dans la commune de Moon à leurs 20 ans, soit 33 jeunes hommes comptabilisés, les deux tiers travaillant dans le monde agricole.

Domestiques agricoles14tuileries2
Cultivateurs9chemins de fer3
Métiers de l’artisanat4employé de commerce1

Après la guerre, la mobilité professionnelle va jouer encore plus car plusieurs journaliers et domestiques agricoles (6 comptabilisés) se font embaucher à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest.

Les trois autres quarts de ces jeunes ont quitté la commune avant l’âge de leurs 20 ans, soit 88 jeunes hommes comptabilisés. Ils résident dans des communes du :

Centre-Manche et arrondissement de Bayeux33
Reste Normandie18
Hors Normandie12
Communes non identifiées (à leurs 20 ans)18

Cette mobilité se limite cependant, pour la moitié de ces jeunes, à des communes proches ou relativement proches de Moon, communes essentiellement rurales. En effet nous y retrouvons une majorité de domestiques agricoles et cultivateurs (25). Dans le reste de la Normandie et hors Normandie, ce sont surtout des fils de cheminots (13) partis sur d’autres gares comme Caen, Rouen, Le Mans, Châtellerault ou Région parisienne.

Enfin cette analyse se confirme lorsque l’étude porte sur les jeunes qui résident à Moon au moment de leur conscription, mais nés hors de Moon entre 1884 et 1899.

33 sur les 45 recensés, soit les trois quart, viennent de la région de Moon

Communes proches de Moon18autres régions de Basse-Normandie10
Autres communes du Centre-Manche8Bretagne1
Ouest du Calvados7Région parisienne1
Ces jeunes venus sur Moon exerçaient les métiers de :
Domestiques agricoles15cheminots7bâtiment, horloger, mécano8
Cultivateurs8briquetiers4autres (étudiants, …)3

Cette mobilité locale pose un problème : celui du choix des noms à graver sur la plaque du Monument aux morts qui porte l’inscription aux enfants de Moon morts pour la France.

Question : quels noms inscrire sur la plaque du Monument aux morts de Moon commandé en septembre 1920 par la municipalité ?

Retenir uniquement ceux nés à Moon? Prendre en compte ceux ayant vécu à Moon ? Prendre en compte ceux dont les parents vivent à Moon ? Sans oublier ceux dont les actes de décès n’ont pas été encore transcrits à l’Etat-civil de la commune en cette année 1920 ?

La conséquence : des différences sont enregistrées entre la plaque gravée sur le Monument aux morts réalisée à l’initiative de la mairie et la plaque posée à l‘Eglise, financée généralement par les paroissiens,

38 noms figurent sur le Monument aux morts, 42 noms sur la plaque de l’Eglise.

Plaque des 38 noms au Monument aux morts / Plaque des 42 noms à l’église de Moon

La plaque de l’Eglise n’a pas retenu 3 noms gravés sur le Monument aux morts :

Paul Lemerre, pourtant enfant de Moon, travaillait comme domestique à Moon à la veille de la guerre. Il avait 20 ans quand il fut mobilisé à l’été 1914. Ses parents Octave Lemerre et Blanche Lesueur mariés à Litteau s’étaient installés peu de temps après leur mariage à Moon en 1894 sur une ferme au village de la Fauconneterie, où vivait déjà l’oncle de Paul, Louis Lemerre.

Paul Lemerre est porté disparu lors des combats en Artois le 26 juin 1915 à Aix en Voulette à l’âge de 21 ans, sa disparition fit l’objet d’un avis de décès en mairie ce mois de juin 1915. A la fin de la guerre, en janvier 1919 par un avis dans la presse locale, son père Octave Lemerre rechercha les circonstances de sa disparition en faisant appel à des témoignages éventuels de poilus. Le tribunal établira l’acte de décès officiel en 1921, acte de décès transcrit en mairie de Moon le 28 septembre 1921.

Ernest Maugendre, né à Malakoff le 10 novembre 1893 en région parisienne n’arrive à Moon dans le quartier de la Gare qu’après 1904. Il a suivi ses parents, son père étant briquetier. Son père travaillait sur Vanves où existaient plusieurs carrières. Les Maugendre n’étaient pas de la région, le père Edouard

Maugendre était un breton d’Ile et Vilaine et sa mère Zélie Pauly était originaire de la région de Nancy. Le jeune Ernest Maugendre était horloger au moment de sa mobilisation.

Sergent en avril 1916, il est porté disparu lors des combats à la côte 344 près de Samogneux dans la Meuse le 19 septembre 1917 à l’âge de 23 ans. L’acte de décès est transcrit à Moon le 12 novembre 1920. Maugendre porte bien le prénom d’Ernest sur l’acte transcrit en mairie et non l’initiale R gravée sur la plaque du Monument. Sa mort fut mentionnée à Moon en mairie par un avis de septembre 1917.

Germain J aucun Germain portant un prénom commençant par J., mort à la guerre, n’a été trouvé sur la région.

Certes, 2 familles Germain vivaient sur Saint-Clair et Saint-Fromond, 2 frères Pierre et Jules Germain, qui étaient cultivateurs. Mais aucun de leurs enfants ayant un prénom commençant par J ne fut tué à la guerre. Nous retrouvons comme fils tués, Aimé Germain âgé de 22 ans sur le Monument de Saint- Clair et Constant Germain âgé de 26 ans sur le Monument de Saint-Fromond.

Par contre un Emile, Paul, Victor Germain briquetier et domicilié à Moon en 1913 avec sa mère Eugénie Eude, veuve, résidait bien sur Moon. Son père Paul Germain est d’ailleurs décédé à Moon en 1907. Ils venaient de Longueville dans le Bessin où Emile Germain était né le 23 janvier 1893. L’acte de décès fut transcrit en mairie de Cartigny L’Epinay et son nom gravé sur le Monument aux morts de Cartigny L’Epinay. Sa mère a-t-elle déménagé sur Cartigny pendant le conflit ?

Emile Germain effectue son service militaire à partir du 26 novembre 1913 au 25e RI et il est mobilisé en août 1914. Blessé le 6 octobre 1914 au pied gauche par éclat d’obus, à Beaumain (62), il est blessé de nouveau, à l’avant-bras le 4 septembre 1916 à Chilly (Somme). Il est cité à l’Ordre du Régiment en août 1917. A nouveau évacué en janvier-février 1918, il est renvoyé en renfort en mai 1918. Hospitalisé à l’hôpital mixte de Caen en janvier 1919, il y décède le 14 avril 1919, à l’âge de 26 ans.

7 noms de la plaque de l’église n’ont pas été inscrits sur la plaque du Monument aux morts :

Certains de ces soldats figurent sur d’autres Monuments aux morts

M. Douesnel décédé en 1918 : un Fernand Douesnel et non M Douenel comme inscrit sur la plaque de l’église, figure sur le Monument aux morts de Lison. Né en 1897 à Lison, il est tué au combat de Saint-Maur et Roy sous Metz (Oise) le 10 août 1918 à l’âge de 21 ans. L’acte de décès est transcrit en mairie de Lison le 25 avril 1919. Ses parents étaient épiciers à La Pomme d’Or à Moon avant leur mort. Le jeune Fernand était lui-même commis-épicier. Sa mère Albérie Douesnel est décédée en décembre 1920 à Moon à l’âge de 52 ans et son père Jean Louis Douesnel originaire de Moon est décédé en janvier 1921 à l’âge de 49 ans. Le jeune frère André, né à Lison en 1905, se maria dans les années 20 à Lison.

F. Grenier décédé en 1914 : François Grenier, né en 1889 à Saint-Georges la Rivière, fut tué le 22 août 1914 en Belgique à Châtelet Tardiennes lors de l’offensive allemande à l’âge de 24 ans. Au retour de son service militaire en 1912, il vient à Moon où son frère aîné Jacques est cultivateur à La Couture. François épouse en 1913 à Moon Louise Costard âgée de 21 ans. En 1914 il est domestique à Bures (Calvados). Son acte de décès a été transcrit à Bures (hameau de Troarn aujourd’hui) et son nom est gravé sur le Monument aux morts de Bures sur Dives. François Grenier a passé peu de temps sur Moon alors que son frère Jacques s’y est établi en 1909 et fut élu conseiller municipal en décembre 1919. Son jeune frère Louis était charretier à Moon en 1914.

E. Jouanne décédé en 1918. Emile Jouanne est décédé à Caen le 19 octobre 1918 des suites de maladie, à l’hôpital de Caen. Né à Villiers-Fossard le 17 octobre 1880, il est le fils d’Eugène Jouanne (décédé avant 1918) et de Marie Briard (décédée avant 1900). Domestique à Saint-Jean des Baisants en 1900, Il se marie à Marie Girard, résidante à Moon. Il fait son service au 136e RI en novembre 1901 mais il est réformé en mars 1903 pour tuberculose. Déclaré bon pour le service auxiliaire en 1915, Il est détaché à la société de gaz et électricité à Rennes en 1915, puis au 129e RI, affecté à Dives sur mer en octobre 1916 à la société électrométallurgique. L’acte de décès est transcrit à Moon le 22 novembre 1918. A t’il été inscrit sur un Monument aux morts ? Aucune trace, côté Manche.

E. Lahaye décédé en 1914. Ernest Lahaye était le frère de Clément Lahaye tué en octobre 1915 et dont le nom figure sur le Monument aux morts de Moon comme sur la plaque de l ‘église de Moon. Ernest Lahaye, né en février 1884 à Sainte-Marguerite en limite de Moon, s’était installé à Saonnet où il travaillait comme charpentier et avait épousé Gabrielle Marie en septembre 1910. Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Saonnet. Décédé en octobre 1914, il laisse 2 orphelins Yvonne et Jules âgés de deux ans et un an.

D. Marie décédé en 1917 : Désiré Marie figure sur le Monument aux morts de Saint-Clair sur Elle. Né en 1883 à La Meauffe, il est charpentier. Il se marie à Moon en 1906 avec Félicie Jeanne et devient le beau-frère de Charles Jeanne également charpentier. Ce dernier est tué à l’ennemi en août 1918 à l’âge de 22 ans et son nom est inscrit sur le Monument de Moon. Désiré Marie est porté disparu deux ans auparavant le 21 mai 1916, mais la plaque de l’Eglise indique 1917. L’acte de décès est transcrit à Saint-Clair en mai 1920.

J. Martin décédé en 1918 : Juste Martin, né à Sainte-Marguerite d’Elle le 24 décembre 1888, réside à Moon en 1908 où il est cultivateur avec ses parents Paul Martin et Victoire Hervieu. Il effectue son service au 2e RI à Granville d’octobre 1909 à septembre 1911. Il retourne sur Sainte-Marguerite en 1912. Son père Paul Martin était conseiller municipal de Moon pendant la guerre. Mobilisé en 1914, devenu sergent, Juste Martin décède des suites de ses blessures à l’hôpital de Belfort le 4 mars 1918. L’acte de décès est transcrit à Baynes et son nom est gravé sur les Monuments aux morts de Baynes et de Sainte-Marguerite d’Elle.

C. Charles décédé en 1916, non identifié malgré les recherches.

L’inscription des prénoms, source de confusions

Le choix de Moon sur Elle de ne porter que l’initiale du prénom sur les plaques du Monument et de l’Eglise a rendu plus complexe l’identification de quelques poilus.

Il est courant au XIXe et au début du XXe siècle que la personne ait pour prénom d’usage, soit le second ou troisième prénom qui figure à l’Etat-civil, et non son prénom officiel à l’Etat-civil, soit le premier prénom. La gravure a retenu le prénom usuel pour 3 poilus.

Allix E. : Edmond Allix a pour premier prénom officiel Jules, Edmond étant son second prénom. D’ailleurs la plaque de l’église a retenu l’initiale J.

Lefoulon JB : Jean-Baptiste Lefoulon a pour premier prénom officiel Gustave, Jean-Baptiste étant son second prénom. La plaque de l’église reprend également le prénom d’usage JB.

Malherbe L : Léon Malherbe a pour premier prénom officiel Eugène, Léon étant son second prénom. La plaque de l’église reprend également le prénom d’usage L

Au moins 2 erreurs sur l’initiale du prénom ont été commises sur le Monument aux morts. Il y a désaccord entre l’acte de naissance ou de décès enregistré à l’Etat-civil, acte officiel, et la gravure sur la plaque.

Lemoigne G. : Alphonse Lemoigne a pour prénoms Alphonse, Aimable dans son acte de décès transcrit en mairie de Moon. D’ailleurs la plaque de l’église reprend bien l’initiale A et non G.

Maugendre R. : Ernest Maugendre a pour prénoms Ernest, Edouard dans son acte de décès transcrit en mairie de Moon et non un prénom commençant par R. Certes phonétiquement Ernest peut s’entendre R’nest !

Germain J. : la recherche sur la Manche et le Calvados n’a pas abouti avec un prénom commençant par

J. Par contre nous avons vu qu’il existe un Emile Germain briquetier à Moon en 1913 et résidant avec sa mère à Moon. Certes son nom est marqué sur le Monument aux morts de Cartigny l’Epinay où son acte de décès a été transcrit. Mais comme nous le verrons ensuite, il arrive qu’un poilu ait été inscrit sur deux monuments.

Sur la plaque de l’église 2 erreurs ont été faites.

Douesnel M. : Fernand, Lucien Douesnel, et non M. Douesnel, commis épicier lors de sa mobilisation est décédé en août 1918. Ses parents résidaient à Moon comme épiciers à la Pomme d’Or, avant leurs morts en 1920-21. L’acte de décès fut transcrit à Lison en avril 1919 et son nom fut inscrit sur le Monument aux morts de Lison où résidait son jeune frère André, et non sur celui de Moon, André et Fernand sont natifs de Lison.

Charles L. (1918) : Gustave Charles décédé en 1918, avait pour prénom Gustave, Raymond, Louis à l’Etat-civil comme sur sa tombe encore présente au cimetière. La plaque de l’église a retenu l’initiale L Charles. Louis était-il le prénom usuel ?

11 noms gravés sur le Monument aux morts de Moon sont inscrits également sur d’autres Monuments aux morts de la région.

André Gautier : Monument aux morts des Oubeaux (Calvados)

Léon Gautier : Monument aux morts des Oubeaux (Calvados)

Leur père Léopold Gautier instituteur à Moon depuis les années 1890 arrive aux Oubeaux en automne 1919 après son départ en retraite. Il est élu conseil municipal en cette fin 1919 aux Oubeaux mais il décède en mars 1921 à l’âge de 58 ans. Le 9 juin 1922, le corps d’André Gautier exhumé du cimetière de Dourdan est inhumé au cimetière des Oubeaux en présence de sa mère et de sa sœur. Son frère Léon décédé à son domicile le 1er février 1919 y fut également enterré.

Emile Germain : Monument aux morts de Cartigny l’Epinay

Originaire de Longueville (14), sa mère veuve et lui-même briquetier résidaient à Moon en 1913

Charles Gouye : Monument aux morts de Lison

Né à Moon, il se marie à Lison avec Marie Louise Labonde en 1906 où ils ont 3 enfants.

Joseph Groult : Monument aux morts de Carentan

Né à Moon dans une famille cheminote, il est mécanicien cheminot à Carentan en 1910 où il se marie avec Gabrielle Marie en 1910.

Victor Houssin : Monument aux morts de Sainte-Marguerite d’Elle

Originaires d’Airel, les parents sont domestiques à Moon puis à Sainte-Marguerite en 1917.

Louis James : Monument aux morts d’Airel

Son nom est inscrit aux côtés de son beau-frère Emile Daguet. Louis James avait épousé en 1913 Marguerite Daguet et ils avaient eu une petite fille en juin 1914. Marguerite Daguet perd son mari en septembre 1914 et son frère Emile en octobre 1914. Elle se retire sans doute sur Airel, commune natale de sa famille, et s’y remarie en 1920.

Emile Langlois : Monument aux morts de Bavent (Calvados)

Emile Langlois, né à Moon, avait rejoint Bavent avant sa mobilisation en 1914, où des tuileries et poteries étaient en activité.

Charles Lenoir : Monument aux morts de Saint-Clair sur Elle

Originaire de Saint-Clair, il se marie à Moon avec Marie James en juillet 1913.

Albert Simion : Monument aux morts de Lison

Léon Simion : Monument aux morts de Lison

Nés à Moon, la famille Simion s’installe en 1906 sur Lison. Albert était cheminot sur Caen depuis 1910. Léon était boucher à Carentan.

Charles Jeanne sur le Monument de Graignes et Maurice Bernard sur celui de Saint-Fromond ne sont que des homonymes sans lien avec ceux de Moon.

2 décès transcrits en mairie de Moon n’ont pas été retenus sur les plaques.

Désiré Poutrel

Son acte de décès est transcrit à Moon le 28 avril 1918, plusieurs mois après sa mort le 1er mai 1917 à Auberive (Marne) suite à un violent bombardement dans le Bois des Marmites. Né le 20 mars 1893 à Saint-Sauveur Lendelin, son père Armand Poutrel est chauffeur cheminot et réside à Moon depuis le début du XXe siècle. Son frère André Poutrel est né à Moon le 21 février 1902. Désiré Poutrel, ouvrier mécanicien à Périers en 1913, est incorporé le 26 septembre 1913 au 10e RA. Blessé en septembre 1915 à Vienne le Château, il reçoit la Croix de guerre. Il passe au 207e RA en avril 1917. Son nom est gravé sur le Monument aux morts de Mesnilbus, commune du canton de Saint-Sauveur Lendelin.

Edmond Le Berruyer

Son acte de décès est transcrit à Moon le 20 octobre 1922, après le jugement du Tribunal du 26 août 1922, mais son nom figure sur le Monument aux morts de Cartigny L’Epinay (Edmond Berruyer). Il est tué le 29 mai 1918 au Bois de Mareuil en Dôle.

Né le 4 août 1890 à Cartigny-L’Epinay, Edmond est le fils d’Amand Le Berruyer, maçon décédé en 1901 à Moon et de Mélanie Marie dit Picquenard. En 1910-14 Edmond Le Berruyer était domestique chez Mr Anquetil à Moon sur Elle. Sa mère Mélanie Marie dit Picquenard veuve Le Berruyer était-elle

repartie sur Cartigny ? Un Edmond Le Berruyer est inscrit également sur le monument de Saint- Germain d’Elle mais aucun lien avec celui de Moon.

1914-1918, La grande guerre

L’ampleur du nombre de victimes

La France a perdu 1 350 000 hommes pendant ce conflit, pertes auxquelles il faut ajouter d’autres victimes, les blessés et les mutilés de guerre. Pour la Manche, le nombre de morts est estimé à environ 19 000 tués. Pour Moon sur Elle, qui avait une population de 726 habitants avant la guerre lors du recensement de 1911, le chiffre se monte à 38 morts selon le Monument aux morts.

Ce lourd bilan représente pour :

La France :          3% de sa population       –              17 % des hommes en âge d’aller se battre

La Manche :       4 % de sa population     –              environ 20 % des hommes en âge d’aller se battre Moon sur Elle : 5 % de sa population                  –              environ 22 % des hommes en âge d’aller se battre

Nos régions rurales furent très éprouvées, puisqu’un poilu sur 5 dans la Manche fut tué, voire un peu plus d’un poilu sur 5 pour Moon.

Si nous élargissons nos estimations aux 98 jeunes nés à Moon entre 1884 et 1899 en âge d’aller au front et dont nous avons pu trouver les traces de leur mobilisation, la proportion est comparable avec un peu plus de 21 % de tués :

Mobilisés tués :                 21

Mobilisés survivants : 77 dont

  • 8 exemptés
  • 11 prisonniers
  • 5 blessés pensionnés après-guerre
  • 36 saufs et/ou blessés sans pension
  • 5 détachés aux chemins de fer, aux industries et à la police
  • 12 à la situation indéterminée faute d’informations suffisantes.

Comment expliquer ces pertes plus élevées que la moyenne française ?

Nos poilus de Moon étaient majoritairement des cultivateurs et des domestiques agricoles mobilisés dans l’infanterie, régiments envoyés en première ligne. Nombreux poilus de Moon ont fait leur service militaire au 136e Régiment d’Infanterie basé à Saint-Lô.

Sur les 38 morts de Moon :

Régiments d’infanterie :                               30                           Régiments du Génie :                      2

Régiments de dragons (chevaux) :            3                             Régiments d’artillerie :                   2

Non renseigné :                                                 1

Au total, seuls 7 poilus relevaient de régiments autres que ceux de l’infanterie. 5 sont décédés des suites de maladies (pleurésie, tuberculose, grippe, mort subite). Par exemple, Les frères Gautier, étudiants, fils de l’instituteur de Moon Léopold Gautier, ont été mobilisés dans les Régiments d’artillerie au 59e et au 2e RA. Ils moururent de maladie, pleurésie évoluant en tuberculose, André en octobre 1918 âgé de 28 ans, Léon en février 1919 âgé de 23 ans. Seulement 2 furent tués sur le front, ils appartenaient au Génie. Charles Jeanne charpentier dans le civil est affecté comme sapeur mineur dans le 9e Régiment du Génie. Il est tué par un éclat d’obus en août 1918 dans l’Oise. Joseph Groult affecté au 8e Régiment du Génie est tué en octobre 1914 en Artois.

C’est l’infanterie qui a payé le plus lourd tribut dans ce conflit de 1914-18 car ses régiments furent envoyés en première ligne, à l’assaut des tranchées adverses, lors des grandes offensives.

Le 136e Régiment d’Infanterie de Saint-Lô où sont de nombreux poilus de Moon sur Elle.

L’invasion de la France en 1914

Dès l’été 1914, lors de l’invasion allemande de la France et de la Belgique suivie de la contre-offensive française en septembre appelée la bataille de la Marne, Moon perdit en moins de 3 semaines ses premiers soldats. Alphonse Lemoigne du 336e RI fut tué dans les Ardennes le 30 août, Emile Decaen du 54e RI fut tué le 6 septembre à Beauzée dans la Meuse, Louis James du 47e RI tomba le 8 septembre à Fère Champenoise et Eugène Grandcamp du 136e RI le 16 septembre à Verzenay près de Reims.

Alphonse Lemoigne fut le premier tué de Moon sur Elle le 30 août 1914 à Tourteron dans les Ardennes dans la bataille des frontières après le retrait des Français de Belgique. Alphonse Lemoigne fut porté d’abord présumé blessé, puis prisonnier avant d’être porté disparu. Son acte de décès après jugement

du tribunal fut transcrit à Moon en avril 1921. Alphonse Lemoigne s’était marié en 1910. Ouvrier agricole, il était arrivé à Moon en 1910. Il laisse 2 orphelins âgés de 4 et 2 ans.

Fiche militaire d’Alphonse Lemoigne / Invasion allemande en été 1914

La guerre des tranchées, l’échec des percées de 1915 à 1917

En 1915 les armées franco-anglaises lancèrent 4 grandes offensives pour rompre le front fortifié par le système des tranchées. Toutes échouèrent. Lors de la bataille d’Artois de mai à juillet 1915 près d’Arras, en un mois 4 soldats de Moon y trouvèrent la mort. L’objectif était la crête de Vimy mais l’offensive devait s’attaquer à tout un système de tranchées fortifiées par les Allemands appelées le

« labyrinthe ». C’est là que furent portés disparus, le même jour, le 16 juin à Roclincourt, Alexandre Le Canu, adjudant au 2e RI et Jules Allix 2e classe au 2e RI. Non loin, à Aix Voulette-Souchez, 10 jours plus tard fut également porté disparu Paul Lemerre du 119e RI. Le 16 juillet, ce fut Georges Poirier du 36e RI tué dans le même secteur à Neuville Saint-Vaast. Ils avaient 24 ans, 22 ans, 20 ans et 22 ans. Par contre aucun poilu de Moon ne fut tué lors de la bataille de Verdun entre février et novembre 1916.

En 1917, lors de l’offensive au Chemin des Dames sur le plateau de Craonne, en Champagne, 108 000 soldats français furent tués, portés disparus ou blessés en un mois. 3 poilus de Moon furent tués. Eugène Malherbe fut tué le 7 avril 1917 à Berry au Bac (Aisne), Désiré Poutrel maître ouvrier au feu dans l’artillerie à la 26e batterie du 207e RAC tué le 1er mai dans son abri au Bois des Marmites à Auberive (Marne) et Emile Marcel porté disparu au Mont-Haut (Marne).

La contre-offensive de l’Entente et la victoire de 1918

L’année 1918 marquée par les dernières offensives allemandes et la contre-offensive française victorieuse fut particulièrement meurtrière, 9 soldats de Moon y laissèrent la vie. Lucien Capelle du 132e RI fut tué lors de l’offensive allemande le 30 mars dans la Somme à Guerbigny. Lors de la contre- offensive lancée par Foch qui dégagea Paris et aboutit à la retraite des Allemands Louis Lemarquand du 412e RI furent tués le 21 juillet et Victor Houssin du 2e RI le 23 juillet près de Villers Cotterets.

Charles Jeanne sapeur mineur du 9e Rgt du Génie le 20 août, Henri Pitrey mitrailleur du 94e RI le 20 septembre décédèrent des suites de leurs blessures. Jean-Baptiste Lefoulon du 4e Rgt des Dragons de mourut le 31 octobre de la grippe espagnole, épidémie virulente arrivée en septembre. André Gautier du 59e RA le 15 octobre à l’hôpital de Dourdan (78) et Eugène Pignolet sapeur du 6e Rgt du Génie le 10 novembre, veille de l’armistice, à l’hôpital de Lures (Haute-Saône) décédèrent des suites de maladie contractée en service. Gustave Charles décéda à Moon chez ses grands-parents au village Quesnot le 26 novembre 1918 et Léon Gautier décéda aux Oubeaux de sa maladie en février 1919.

Deux des poilus tués ont été envoyés dans l’Armée d’Orient qui se battait dans les Balkans au nord de la Grèce. Emile Langlois du 176e RI est embarqué en mai 1915 pour les Dardanelles. Après l’échec de l’attaque contre les Turcs, l’armée franco-britannique se replie au nord de la Grèce. Blessé au combat par balle, il décède en février 1916 dans le village de Popli situé en Macédoine grecque. Sa sépulture est aujourd’hui au cimetière de Bitola en République de Macédoine.

Mobilisé en août 1914, Jean-Baptiste Lefoulon, d’une famille de cultivateurs, embarque à Toulon à la fin de l’année 1916 pour être envoyé en Grèce par Salonique. Après plus d’un an sur le front des Balkans, Il est rapatrié en France en janvier 1918. Deux mois plus tard, en mars, il repart sur le front français, participe à l’offensive victorieuse mais il décède 11 jours avant l’armistice rattrapé par l’épidémie de la grippe espagnole à l’âge de 30 ans. Il avait survécu à toutes les épreuves de la guerre depuis 1914 en France et en Orient. Sa pierre tombale encore présente dans le cimetière de Moon sur Elle perpétue la mémoire de ce sacrifice. Sa mère Elvine née Guérin qui a perdu déjà un fils en 1912, Adolphe décédé de tuberculose à l’âge de 23 ans, s’éteint en juillet 1920 à l’âge de 59 ans.

Louis Gouix né à Moon au Hameau Marly en 1896 et qui a survécu, mobilisé en avril 1915, fut envoyé aussi dans l’Armée d’Orient en novembre 1917 avec le 35e RI. Après la guerre il fut affecté à Bizerte en Tunisie d’où il fut rapatrié pour paludisme. Démobilisé en février 1920, il se maria en mai 1920 à Moon. Il reçut la médaille serbe en 1932. Louis Grenier,jeune frère de François Grenier disparu en août 1914, né en 1891 et charretier à Moon avant la guerre fit également la campagne d’Orient de février 1915 à avril 1918. En 1922 il s’installe sur Le Dézert.

Plaque de l’église : palme et inscription « à nos glorieux soldats morts pour la France »

Nos glorieux soldats morts pour la France

Les hauts faits de guerre, les actes de bravoure faisaient l’objet de distinctions par des citations à l’ordre du jour du Régiment. Les autorités décidèrent à partir d’avril 1915 de distinguer ces hauts faits par une médaille de valeur militaire. Ce fut la Croix de guerre, une croix de bronze clair à 4 branches, 2 épées croisées avec au centre une tête de la République. Des distinctions sont fixées selon le niveau de citation : étoile de bronze pour citation à l’ordre du Régiment ou de la Brigade, d’argent pour citation à l’ordre de la Division, vermeil pour citation à l’ordre du Corps d’armée.

7 de nos morts ont reçu la Croix de guerre avec étoile de bronze. Dès septembre 1914, ceux tombés glorieusement pour la France, Emile Decaen et Eugène Grandcamp se sont vus décerner la Croix de guerre, tout comme Maurice Bernard tombé au champ d’honneur en février 1915 et Alexandre Le Canu, adjudant, tombé en juin 1915 à Roclincourt. Ce dernier avait été distingué, 2 mois avant, en

recevant la Croix de Saint-Georges de Russie en avril 1915. Emile Marcel, déjà 2 fois blessé, porté disparu en mai 1917, est honoré de la Croix de guerre « mort glorieusement pour la France ».

D’autres ont été distingués par leur bravoure : Lucien Capelle, déjà blessé en été 1916, reçut la Croix de guerre en mai 1917 « n’a pas hésité quoique déjà blessé à se porter en avant des lignes et sous le feu de l’ennemi pour aller chercher un camarade blessé«. Il est cité à nouveau à l’ordre de son régiment en novembre 1917 « a poursuivi crânement jusque dans ses réseaux un ennemi dont il avait découvert la présence près du petit poste où il veillait, a réussi à prendre et a rapporté le chevalet de lance- grenades « Lucien Capelle est tué le 30 mars 1918 à l’âge de 23 ans

Croix de guerre et médaille militaire Tombeau d’Alexandre Le Canu Cimetière de Moon sur Elle

A titre posthume, Emile Decaen, Emile Marcel et Eugène Malherbe obtinrent la Médaille militaire, la plus haute distinction pour des hommes de rang et sous-officiers. Eugène Malherbe tué le 7 avril 1917 est cité « tombé glorieusement au front suite à un bombardement violent », Médaille militaire attribuée à titre posthume en 1922.

Une vingtaine de poilus nés à Moon et qui ont survécu à la guerre se sont vus décerner la Croix de guerre. Jules Cauche enfant de Moon né en 1886, parti sur Versailles en 1909, a été cité à l’ordre à l’ordre de sa Division le 14 juin 1918 « a montré beaucoup de courage et de sang-froid et d’habileté lors de la mise en place du dispositif de rupture d’un pont, a été blessé à son poste » et reçu la Croix de guerre avec étoile d’argent. En novembre 1918, toujours dans son Régiment du Génie, il est à nouveau cité de façon prestigieuse non à l’ordre de son Régiment mais de son Corps d’armée « s’est particulièrement fait remarquer dans la construction et le lancement de passerelles sous le feu de l’ennemi, faisant partie d’une équipe chargée d’ouvrir le passage à l’infanterie à travers les réseaux d’une position puissamment organisée, est parti avec les premiers éléments d’assaut, a brillamment rempli sa mission et contribuer à faire des prisonniers ». II est distingué de l’étoile vermeil de la Croix de guerre. En 1931 il reçoit la Médaille militaire, la médaille la plus élevée pour un soldat du rang.

Enfin la Croix de guerre peut être décernée à titre collectif. Comme 2985 communes entre 1917 et 1931, la commune de Moon a reçu cette Croix de guerre qui figure sur le Monument aux morts.

La génération du feu

Henri Pitrey accroupi à droite de la mitrailleuse au 294e RI

Henri Pitrey de la classe 1918 et Paul Lemerre de la classe 1914 n’avaient que 20 ans. Victor Houssin de la classe 1918 est tué à l’âge de 19 ans à Villers-Cotterets lors de la contre-offensive française qui conduisit les Allemands à se replier sur leurs frontières.

Jusqu’en 1914 les classes étaient incorporées à l’âge de 20 ans. Face aux grandes pertes humaines, les suivantes furent incorporées dès l’âge de 19 ans. Henri Pitrey fut incorporé dès mai 1917 à l’âge de 19 ans et après sa formation, il est envoyé au 94e RI en décembre 1917 tout comme Victor Houssin arrivé au 28e RI en décembre 1917. La classe de 1919 née en 1899 fut incorporée dès avril 1918. Gustave Charles de la classe 1919 soldat réformé n’a pas été mobilisé sur le front, il décède en novembre 1918 chez ses grands-parents à Moon.

Plus les classes d’âge sont jeunes, plus le chiffre des pertes s’élève. En France, la classe d’âge née en 1894 qui avait 20 ans en 1914 a vu un quart de ses effectifs tué.

Age des 38 poilus à Moon, tués à la guerre:

25 ans et moins :21de 31 ans à 35 ans :4
De 26 à 30 ans :10plus de 35 ans :3

21 poilus, soit plus de la moitié de la liste gravée sur le Monument, avaient moins de 25 ans à leur décès, dont une majorité âgée de 21-22-23 ans.

La classe 1915 née à Moon, celle qui avait 20 ans en 1915, a vu 1 poilu sur 2 disparaître lors du conflit. Sur les 8 jeunes mobilisés, 4 furent tués : Lucien Capelle né sur la Fotelaie, domestique, tué en 1918, Charles Jeanne né au village Pignolet, charpentier, tué en 1918, Emile Langlois né à la Croix sous l’Atre, domestique à Bavents, décédé en 1916, René Lefrançois qui s’est installé à Airel, domestique, tué en 1917 (sur le monument aux morts d’Airel). S’y ajoute le fils de l’instituteur de Moon, Léon Gautier, né sur Saint-Sanson de Bonfossé, décédé au début de 1919.

3 des 38 morts ont seulement plus de 35 ans : Emmanuel Folliot du 80e RIT tué en première ligne en février 1916 à l’âge de 40 ans, Edmond Lelaizant du 22e RIT décédé de ses blessures en 1916 à l’âge de 43 ans, Eugène Pignolet sapeur au 6e Rgt du Génie, décédé en 1918 à l’âge de 45 ans, des suites de maladie. Les RIT sont des régiments d’infanterie territoriaux où étaient mobilisés les plus de 30 ans qui restaient théoriquement à l’arrière. Très vite pour combler les trous, ils furent envoyés sur les premières lignes notamment pour les actions indirectes : gardes, prisonniers, ravitaillement, entretien, brancardiers, …

Les registres des matricules militaires

Ces registres contiennent de nombreuses informations sur les conscrits. Ainsi ces jeunes poilus étaient plus petits que les jeunes de nos générations. Les trois quarts des poilus dont le nom est gravé sur le Monument aux morts mesuraient moins d’1,70 m. La majorité, un sur trois, mesurait entre 1,61 m et 1,65 m. Seulement trois dépassaient 1,72 m.

Les registres des matricules militaires nous informent également sur l’état sanitaire des conscrits. La tuberculose faisait encore beaucoup de ravages. Les termes de « pleurésie », « bronchite chronique »,

« bronchite suspecte » revenaient régulièrement. Les 2 fils de l’instituteur de Moon sont décédés des suites de pleurésie. André Gautier est réformé en 1916 mais reste affecté à des tâches militaires administratives jusqu’à sa mort en octobre 1918. Son frère Léon, ajourné en 1914, est mobilisé en 1916 mais dès l’été 1917 il séjourne dans les hôpitaux et décède chez lui début février 1919.

Albert Decaen, instituteur, autre fils du restaurateur de La Gare, qui a fait toute la guerre et qui a vu la disparition de ses deux frères Aimé et Eugène dans la guerre, meurt en janvier 1923 à l’âge de 35 ans au sanatorium d’Amélie-les-Bains (Pyrénées Orientales). Les conditions de la guerre dans les tranchées favorisaient les bronchites et les pleurésies propices à la tuberculose. Pierre Jouanne cheminot, prisonnier en août 1914, malade, rapatrié en juillet 1918, meurt de tuberculose en 1921 à l’âge de 28 ans. Le frère de Georges Bernard qui a fait la campagne d’Orient en Grèce de novembre 1915 à avril 1919, décède de la tuberculose en 1930 à l’âge de 38 ans.

Jean-Baptiste Lefoulon dont la tombe est au cimetière de Moon, avait perdu son frère Adolphe en 1912 décédé de la tuberculose à l’âge de 23 ans. Jean-Baptiste Lefoulon qui fit toute la guerre fut lui- même rattrapé par la grande épidémie de la grippe espagnole dont il décède le 31 octobre 1918.

Enfin les registres nous informent sur le niveau d’instruction des conscrits : sur les 38 poilus

Niveau 1 (ne sait pas lire, écrire)1
Niveau 2 (sait lire, écrire)10
Niveau 3 (sait lire, écrire, compter)22
Niveau 4 (niveau de l’enseignement secondaire)1
Niveau 5 (niveau de l’enseignement supérieur)1
Rubrique non renseignée3

La quasi-totalité des conscrits ont le niveau 2-3 car ils sont tous passés par l’école de la Troisième République obligatoire depuis 1881. Les nuances de niveau 2 ou 3 sont difficiles à saisir dans la réalité, car elles dépendent parfois de la déclaration du conscrit, parfois de l’appréciation du préposé aux écritures. Seuls les 2 fils de l’instituteur de Moon ont un niveau supérieur, André Gautier a le brevet d’enseignement supérieur et Léon Gautier est titulaire du baccalauréat et entament des études supérieures.

A nos fils, nos frères

Le conflit laisse de nombreuses familles endeuillées. Une vingtaine de nos poilus avaient 25 ans ou moins de 25 ans. Certaines familles ont perdu plusieurs enfants. La famille Lemoigne originaire de Marigny perd 3 de ses 5 fils. Alphonse Lemoigne domestique à Moon depuis septembre 1910, marié à Eugénie Lemercère, est porté disparu à l’âge de 28 ans, dès le premier mois des combats, le 30 août 1914 dans les Ardennes. Son frère Pierre, porté disparu un mois plus tard le 4 octobre dans les combats de l’Artois, décède de ses blessures en janvier 1915 à l’âge de 24 ans. Il est enterré par les Allemands à Neuville-Vitasse dans le Pas-de-Calais. Edmond le troisième frère est porté disparu en juin 1915 dans la bataille de l’Artois à Roclaincourt, tué à l’ennemi à l’âge de 22 ans. Elisa Lemoigne, la mère, veuve, a perdu 3 fils en moins d’un an. Les frères Pierre et Edmond Lemoigne sont inscrits sur le Monument aux morts de Marigny.

5 familles perdent 2 fils. Le restaurateur au Quartier de la Gare depuis 1882, Alphonse Decaen, perd 2 de ses fils. Emile tué en septembre 1914 dans la Meuse à l’âge de 21 ans, Aimé mort de ses blessures en octobre 1917 à Verdun. Le père qui décéde en janvier 1918, ne verra pas la mort de son troisième fils, Albert, instituteur, qui fit toute la guerre. Blessé, une balle au bras en septembre 1914, Albert reçut ensuite la Croix de guerre en 1917. Il décéda de maladie en janvier 1923 à l’âge de 35 ans.

Léopold Gautier, l’instituteur de Moon, qui partit ensuite aux Oubeaux lors de sa retraite, voit la disparition de ses 2 fils, André et Léon mobilisés en 1914 et 1916, morts des suites de maladie en octobre 1918 et en février 1919 à l’âge de 28 ans et de 23 ans. Léopold Gautier, le père, leur survit peu, il décède en mars 1921 à l’âge de 58 ans.

Louis Lemarquand, fils du garde-champêtre de Moon, père veuf décédé en décembre 1915, est tué en juillet 1918 à l’âge de 21 ans, alors que son frère Ernest était prisonnier. Le cantonnier de la commune, Gustave Pitrey perd son fils Henri âgé de 20 ans en septembre 1918. Son premier fils Albert âgé de 21 ans en revient, mais blessé par 2 fois en mai 1918 par un éclat d’obus et en octobre 1918 par balle.

Plusieurs membres du conseil municipal perdent un membre de leur famille. Constant James perd son fils Louis porté disparu en septembre 1914 âgé de 27 ans, Amand Le Canu perd son fils Alexandre en juin 1915 porté disparu à l’âge de 24 ans, Paul Martin perd son fils Juste en mars 1918 âgé de 29 ans. Quant au maire Alexis Pignolet, il voit la mort de son cousin Eugène, décédé la veille de l’armistice en 1918 âgé de 45 ans. Parmi les nouveaux élus en décembre 1919, Alphonse Lefoulon a perdu son fils Jean-Baptiste âgé de 30 ans l’année précédent en octobre 1918 et Jacques Grenier a perdu son frère François âgé de 24 ans en août 1914. Sans oublier le secrétaire de mairie, Léopold Gautier instituteur, qui a perdu ses 2 fils André en octobre 1918 et Léon début février 1919.

La famille Allix, originaire de Longueville (14) mais dont les grands-parents paternels sont de Moon, perd Léonce en novembre 1914 mort à l’âge de 23 ans de ses blessures dans le Nord de la France, et Edmond porté disparu en juin 1915 à Roclincourt lors de la bataille d’Artois à l’âge de 22 ans. Ils étaient tous les deux journaliers.

Les frères Simion nés à Moon, la famille s’installant sur Lison au début du XXe siècle, décèdent au cours du conflit, en janvier 1915 pour Albert à l’âge de 29 ans et en janvier 1917 pour Léon à l’âge de 25 ans. La famille Lahaye résidant à Moon en limite de Sainte-Marguerite d’Elle, perd 2 garçons sur 3, Clément, domestique à Moon, tué dans la Marne en octobre 1915 à l’âge de 24 ans et Ernest, charpentier et marié à Saonnet (14), mort en octobre 1914 à l’âge de 30 ans. Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Saonnet. Quant au frère aîné, Jules ouvrier agricole sur Moon, il est renvoyé dans ses foyers, un mois avant la mort de son jeune frère Clément, en septembre 1915 après blessure à la cuisse droite par balle en septembre 1914 et hospitalisation.

La famille Lefoulon, cultivateurs à Moon, qui ont déjà perdu leur fils cadet en 1912, décédé de tuberculose à l’âge de 23 ans, est touchée à nouveau en 1918 par la perte de leur deuxième fils, Jean- Baptiste âgé de 30 ans. Une tombe au nom des 2 fils est encore érigée dans le cimetière de Moon.

La famille Jeanne, des charpentiers, voit Charles Jeanne, né au village Pignolet en 1895, tué en 1918 à l’âge de 22 ans et son beau-frère Désiré Marie, charpentier également, tué en 1916. Désiré Marie, marié à Moon en 1906 à Félicie Jeanne, a son nom inscrit sur la plaque de l’église de Moon et sur le Monument aux morts de Saint-Clair sur Elle.

A nos pères, nos maris

7 poilus étaient mariés lors de la mobilisation en été 1914 et 2 étaient veufs. Ils laissent au moins 7 orphelins. La famille Lemoigne déjà éprouvée par la perte de 3 fils, laisse plusieurs orphelins. A 24 ans, Alphonse Lemoigne s’était marié en 1910 à Fervaches avec Eugénie Lemercère de Moon. Tué en 1914, il laisse 2 enfants à Moon, Georges âgé d’à peine 4 ans et Marie âgée de 2 ans.

Charles Gouye, tué en octobre 1914, s’était marié en 1906 avec Marie Labonde et laisse 2 orphelins sur Lison: Maurice âgé de 6 ans et Suzanne âgée de 4 ans. Le frère de Clément Lahaye, Ernest a quitté Moon pour Saonnet où il se marie avec Gabrielle Marie en 1912. Décédé en octobre 1914, il laisse 2

jeunes orphelins : Yvonne âgée de 2 ans et Jules âgé d’1 an. Eugène Grandcamp, cultivateur à La Maison Neuve, tué en septembre 1914 laisse une petite fille, Elise, âgée 3 ans et demi.

Louis James marié à Marguerite Daguet a une petite Suzanne née en juin 1914. Le père est tué 2 mois plus tard lors de la bataille de la Marne la veille de ses 28 ans. Sa femme Marguerite perd son frère Emile résidant à Airel, un mois après. Charles Lenoir, marié à Moon en 1913 avec Maria James, est tué le 9 novembre 1914. Il venait d’avoir un fils Charles né 2 mois avant, le 14 septembre. Louis James et Charles Lenoir étaient beaux-frères et venaient tout juste d’être papas.

François Grenier venait de se marier un an plus tôt à Moon en juin 1913 avec Louise Costard domestique à Moon. Emmanuel Folliot s’était marié en octobre 1913 avec Elisa Letellier et Charles Lenoir s’était marié en juillet 1913 avec Maria James. Ces 3 poilus qui venaient de se marier à Moon en 1913, veille du conflit, sont tués l’année suivante à l’automne 1914.

Les oubliés, les prisonniers

Au moins une quinzaine de poilus originaires de Moon ou vivant sur Moon ont été faits prisonniers. Certains sont restés près de 4 ans en captivité.

Au cours de l’été 1914, les Allemands attaquent les Français en envahissant la Belgique, un pays qui était neutre. Les Français, surpris, se replient jusqu’à la bataille de la Marne qui stoppe les Allemands en septembre 1914. Pas moins de 8 poilus concernant Moon sont faits prisonniers en cet été et automne 1914 lors de la bataille des frontières et de l’invasion allemande.

  • Emile Lemarquand soldat du 36e RI de la classe 1913 né à Moon, journalier dont le père veuf vit à Moon est fait prisonnier le 22 août sur le front belge. Son frère Louis Lemarquand inscrit au Monument de Moon est tué en 1917, 3 ans plus tard.
  • Pierre Jouanne cheminot à la gare de Lison, soldat de la classe 1912 au 7e RA, est fait prisonnier le lendemain, soit le 23 août.
  • Désiré Foucher soldat du RI de Granville de la classe 1906, né à Moon, employé de commerce à Saint-Lô et dont la famille vit à Moon est fait prisonnier à Mailly en Champagne le 9 septembre alors qu’il « était resté caché dans les lignes allemandes pour prodiguer des soins à son lieutenant blessé ».
  • Auguste Lenoir, cultivateur, soldat de la classe 1903 au RA de la coloniale de Cherbourg, est fait prisonnier le 7 septembre à Maubeuge. Cette ville du Nord assiégée depuis le 28 août s’était rendue le 8 septembre. Plus de 32 000 soldats français sont faits prisonniers. Son frère Charles Lenoir inscrit au Monument de Moon est tué 2 mois plus tard en novembre 1914 en Belgique.

Des enfants natifs de Moon et qui habitent dans la région figurent aussi sur les listes de prisonniers de cette année 1914.

  • Sur le secteur du Molay–Littry avec Alphonse Tréfeu, employé chez Gervais après la guerre, soldat de la classe 1906 au 1er RI de la coloniale, fut fait prisonnier également à Maubeuge le 7 septembre.
  • Ernest Gilles cultivateur sur Airel, soldat de la classe 1908 au 36e RI, est fait prisonnier le 17 septembre à Brimont dans la Marne.
  • Paul Rauline engagé en 1913, sergent, soldat de la classe 1908 au 25e RI de Cherbourg, est fait prisonnier à Rossignol Luxembourg en Belgique le 22 août 1914.
  • Aimable Tallopin habitant en région parisienne à Saint-Maur, soldat de la classe 1907 au 6e Régiment de Dragons est fait prisonnier ce même jour au même lieu, dans la bataille appelée bataille des frontières. 5000 Français furent faits prisonniers à Rossignol.

1915, 1916 et 1917 sont caractérisées par une guerre de position, dite guerre des tranchées. De grandes offensives sont lancées pour percer les lignes de tranchées adverses. Toutes échouèrent. Des dizaines de milliers de morts sont dénombrés. Des poilus sont faits prisonniers dans les lignes adverses.

En 1915

  • Charles Yon né à Moon, soldat de la classe 1907 au 136e RI, tuilier puis cheminot sur Moon, est fait prisonnier le 16 janvier 1915 à Blangy au cours de la première bataille d’Artois.
  • Alphonse Marie né à Moon, soldat de la classe 1913 au 2e régiment de Zouaves, domestique sur Formigny, est fait prisonnier en Belgique le 22 avril 1915 lors de la deuxième bataille des Flandres dans la région d’Ypres.

En 1916

  • Désiré Lemière né à Moon, soldat de la classe 1905 au RI de Cherbourg, cultivateur sur Littry, sur Sainte-Marguerite après la guerre, porté disparu a été fait prisonnier le 13 octobre 1916 à Chaulnes lors d’une des batailles les plus sanglantes de la grande guerre sur la Somme.
  • Henri Tréfeu né à Moon, soldat de la classe 1908 au 25e RI, domestique sur Littry, est fait prisonnier également à Chaulnes lors de la même bataille, le même jour.

En 1918 la guerre de mouvement reprend avec plusieurs offensives lancées par les Allemands sur Paris lors du printemps 1918. Elles échouent et la contre-offensive de l’Entente lancée en juillet 1918 aboutit au recul des Allemands et à leur défaite.

  • Ernest Lerouvillois né à La Meauffe de la classe 1915 domestique à Moon, soldat de la classe 1915 au 140e RI, porté disparu, a été fait prisonnier le 24 avril 1918.
  • Gustave Rauline né à Moon, cultivateur sur Moon, soldat de la classe 1917 au 233e RI, porté disparu a été fait prisonnier le 29 mai 1918.
  • Camille Degouet né à Airel, couvreur à Moon, soldat de la classe 1916 au 41e RI, est porté disparu. Il a été fait prisonnier 31 mai 1918 à Vierzy dans l’Aisne lors de la seconde bataille de la Marne. L’offensive allemande est stoppée fin juin 1918.
  • Aimé Lefrançois né à Sainte-Marguerite, journalier sur Moon puis cheminot après-guerre, soldat de la classe 1910, porté disparu, a été fait prisonnier le 11 septembre 1918 près de Vendreuil (La Fère dans l’Aisne) lors de la contre-offensive française lancée depuis juillet 1918. Aimé Lefrançois a fait toute la guerre et fut blessé par 3 fois. Il a été décoré de la Croix de guerre avec 3 étoiles de bronze et reçut en 1929 la médaille militaire.

De l’armistice du 11 novembre 1918 à la Fête de la Victoire le 14 juillet 1919

L’armistice marque enfin la cessation des combats au grand soulagement des familles mais le traité de paix n’est pas encore signé. L’Etat-major craint cependant que les Allemands repliés sur leurs frontières mettent fin à l’armistice après une période de répit, pour reprendre l’offensive. Les soldats ne sont pas alors immédiatement démobilisés. Ils doivent rester sur les frontières de la France et en Alsace- Lorraine reconquise, avec notamment une armée d’occupation sur le Rhin. Dans l’attente de garanties sur la paix et de la signature du traité de paix qui a eu lieu fin juin 1919 à Versailles, les poilus ne furent que démobilisés progressivement au printemps et à l’été 1919 selon leurs classes. Les classes de 1894

à 1897 sont démobilisées dès février. Les classes plus jeunes, de 1907 à 1917 sont démobilisées entre fin juillet et septembre 1919. Restent alors les classes dites actives de 1918-19. Ce n’est qu’à la fin du mois d’août 1919 que les soldats du 136e RI regagnèrent leur casernement à Saint-Lô.

Les prisonniers furent rapatriés à leur dépôt militaire, notamment sur Rennes, au cours du mois de décembre 1918, amenés par bateaux dans les ports comme à Cherbourg, Le Havre, … Seuls 2 poilus hospitalisés au cours de leur captivité ont pu être libérés avant. Ils avaient été remis à la Croix-Rouge et passèrent par la Suisse. Désiré Lemière et Pierre Jouanne sont ainsi rapatriés en juillet 1918. Pierre Jouanne décède en novembre 1921 à Sainte-Marguerite des suites de pleurésie à l’âge de 29 ans. Après une permission de quelques semaines dans leurs familles, les anciens prisonniers furent réaffectés dans leurs régiments, avant la démobilisation au printemps ou été 1919.

Des poilus décédèrent encore après l’armistice du 11 novembre 1918, des suites de leurs blessures ou de maladie. Gustave Charles, soldat réformé, décède chez ses grands-parents comme on l’a vu, à l’âge de 19 ans. Léon Gautier le second fils de l’instituteur de Moon décède le 1er février 1919 aux Oubeaux, après son séjour dans les hôpitaux militaires ou mixtes de Cherbourg et de Saint-Lô en été 1917 pour pleurésie. Emile Germain décède à l’hôpital mixte de Caen en avril 1919 où il fut envoyé en janvier 1919. Quant à Eugène Pignolet, cousin du maire de Moon, il décède la veille de l’armistice à l’hôpital militaire de Lure en Haute-Saône des suites de maladie contractée en service. Il avait 45 ans et servait comme sapeur au 6e Régiment du Génie.

C’est lors du 14 juillet 1919, date de la Fête nationale, qu’est célébrée la Victoire. A Paris, le défilé à l’Arc de Triomphe voit passer d’abord les mutilés, puis les 2 maréchaux Joffre et Foch suivis de Pétain. Arrivent ensuite les Armées alliées et enfin l’Armée française. A Isigny sur mer, les maisons sont pavoisées et un drapeau de la Victoire est remis à la commune en la mairie. Fête foraine, retraite aux flambeaux et grand bal populaire sont au programme des réjouissances. Les morts ne sont pas oubliés. En l’église de Grandcamp une grand-messe est célébrée en leur hommage.

Le deuil des familles, « qu’ils reposent en paix », (inscription de la plaque de l’église)

Faire le deuil pose la question d’une sépulture sur laquelle la famille puisse se recueillir. Sur le front, de simples croix de bois signalent les tombes. Après la guerre, l’Etat procède à l’identification des corps, car de nombreuses tombes sont isolées et des corps ont été mal identifiés.

Le rapatriement des corps du front vers le cimetière communal n’est pas encore autorisé début 1920 car même si les corps sont identifiés, l’Etat invoque la pénurie des transports déjà insuffisants pour les besoins économiques. Les familles sont autorisées à se rendre en pèlerinage sur la tombe du mari, du fils ou du frère tombé au champ d’honneur. L’ayant-droit pouvait bénéficier d’une réduction de 50 % sur le billet de train depuis l’été 1919.

En mai 1920 l’Etat décide de créer des cimetières nationaux sur le front pour regrouper les tombes. Les rapatriements sont autorisés, mais face à des entreprises aux pratiques peu scrupuleuses, l’Etat décide en septembre 1920 de prendre les opérations de rapatriement des corps à sa charge si les familles le souhaitent ; une demande à formuler avant le 15 février 1921.

En mars 1921, arrive à Lison l’un des premiers convois avec 2 wagons chargés de 42 cercueils de poilus de la Manche. Le 5 août 1921 le corps de Monsieur Victor Lebeurier, tué en sur la Meuse, qui était maire de la commune de Saint-Clair, est inhumé à Saint-Lô. Le corps d’André Gautier, décédé en octobre 1918 à Dourdan, dont le nom figure sur les Monuments de Moon et des Oubeaux est inhumé au cimetière des Oubeaux en présence de sa mère Madame Léopold Gautier et de sa sœur, le 9 juin 1922

A Moon, c’est le mercredi 19 juillet 1922 qu’est inhumé le corps de Maurice Bernard, brancardier au 336e RI, tué en février 1915. Les obsèques eurent eu lieu en présence d’une foule nombreuse, de la société des Anciens combattants de Moon précédée de la fanfare de Saint-Clair. Monsieur Ladroue, chef de la musique de Saint-Clair, a rendu hommage à Maurice Bernard qui avait fait partie de la fanfare pendant 10 ans.

La société d’Anciens combattants avait d’ailleurs tenu son assemblée générale annuelle le dimanche précédent, le 16 juillet. Elle avait émis, lors de sa réunion, le vœu de voir s’achever les travaux projetés d’ornementation du Monument aux morts.

Au cimetière de Moon sur Elle, 4 tombes de poilus existent encore aujourd’hui :

La famille de Maurice Bernard avait demandé après la guerre, l’exhumation du corps de leur fils Maurice Bernard tué en février 1915 à Souains dans la Marne, afin de l’inhumer au cimetière communal de Moon en juillet 1922 « A notre cher fils Maurice Bernard mort pour la France le 17 février 1915 à l’âge de 28 ans – regrets éternels ». A titre posthume Maurice Bernard avait reçu la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Celle de Jean-Baptiste Lefoulon décédé à l’hôpital de Bergues dans le Nord des suites de la grippe espagnole le 31 octobre 1918 et celle de Gustave Charles décédé à Moon le 26 novembre 1918.

Gustave Charles est décédé 15 jours après l’armistice chez ses grands-parents au Quesnot. Soldat de la classe 1919 il fut réformé. A pour inscription sur sa tombe « A notre frère – Gustave, Raymond, Louis Charles – dcd 26 9bre 1918 âgé 19 ans – mort pour la France – regrets de toute sa famille ».

Ce frère est Georges Charles, né en février 1898 à La Meauffe, frère qui se marie en 1922 à Moon avec Henriette Leviennois. Les 2 frères étaient nés en 1898 et 1899 chez leur oncle Ange Marie car leurs parents à l’époque étaient domestiques à Quetteville près d’Honfleur comme cocher et cuisinière. La mère devenue veuve est domiciliée sur Moon en 1918.

Quant à Alexandre Lecanu porté disparu lors de l’offensive en Artois en juin 1915, son nom a été gravé sur le caveau familial encadré par les 2 médailles : la Croix de guerre et la Médaille militaire.

Sépultures de Maurice Bernard, Jean-Baptiste Lefoulon, Gustave Charles et d’Alexandre Le Canu.

La question des portés disparus lors des combats rendait le deuil encore plus difficile pour les familles. Octave Lemerre fait paraître dans la presse locale en janvier 1919, l’Avenir du Bessin et Cotentin et le journal d’Isigny réunis, cet avis : « Monsieur Octave Lemerre à Moon sur Elle serait très reconnaissant à des militaires rapatriés qui pourraient lui donner des nouvelles de son fils Paul Lemerre soldat du 119e RI, 12e Cie, 3e Section, secteur postal 81, disparu dans la nuit du 25 au 26 juin 1915 à Aix-Voulette Souchez » le Tribunal actera 6 ans plus tard, en août 1921, le décès officiel de Paul Lemerre. Les tribunaux pour rendre ces jugements vont s’appuyer sur les informations transmises par les autorités militaires. Les décisions judiciaires furent ensuite transcrites à l’Etat-civil de la commune où résidait le poilu.

Ces décisions furent encore nombreuses après la guerre. A Moon trois notifications de ces jugements du tribunal sont transcrites en 1920 (Charles Gouye disparu en octobre 1914, Louis James disparu en septembre 1914, Ernest Maugendre disparu en septembre 1917), cinq transcriptions en 1921 (Georges Bernard, Alexandre Lecanu, Paul Lemerre tous les 3 disparus en juin 1915, Alphonse Lemoigne disparu en août 1914, Emile Marcel disparu en mai 1917), 3 en 1922 (Edmond Leberruyer tué en mai 1918, Allix Edmond disparu en 1915, Capelle Lucien tué en 1918) et une en 1937 (Louis Lemarquand disparu en juillet 1918).

Nécropoles nationales et carrés militaires

Pour la grande majorité des combattants morts pour la Patrie, les corps ont été regroupés et reçurent une sépulture proche des lieux de combat, dans les nécropoles ou le carré militaire d’un cimetière.

Nécropole de Notre-Dame de Lorette à Ablain-Saint-Nazaire (Pas de Calais) sur le front de l’Artois proche de la crête de Vimy

Georges Bernard (tombe n° 18413) – Emmanuel Folliot (tombe n° 7281) – Paul Lemerre (tombe n°1876)

Notre-Dame de Lorette en Artois, fut un champ de bataille disputé entre octobre 1914 et septembre 1915. L’Anneau de la mémoire inauguré en 2014 porte sur 5000 plaques d’acier, 579 606 noms de soldats de toutes nationalités tombés dans le Nord – Pas-de-Calais en 1914-18.

Nécropole de La Targette à Neuville-SaintVaast (Pas de Calais) sur le front de l’Artois proche de la crête de Vimy

  • Edmond Allix (tombe n°7255) – Edmond Lesellier (tombe n° 2424)

Cimetière de Sailly-Labourse (Pas de Calais) sur le front de l’Artois

  • Joseph Groult (tombe n° 5 dans le carré militaire)

Nécrople de Zuydcotte (Nord) sur le front des Flandres, près d’un hôpital militaire.

  • Allix Léonce (tombe n°1106)

Nécropole de Tracy le Mont (Oise) proche du front de la Somme

  • Charles Jeanne (tombe n°1631)

Cimetière de Meaux (Seine et Marne) sur le front de la Marne

  • Léon Simion (carré militaire)

Nécropole de Soupir (Aisne) sur le front en Champagne près du Chemin des Dames

  • Louis Lemarquand (tombe 4061)

Nécropole de Slllery (Marne) sur le front en Champagne près de Reims

  • Eugène Grandcamp (tombe n° 694)

Nécropole de Saint-Thomas en Argonne (Marne) sur le front en Argonne

  • Clément Lahaye (tombe n° 1763)

Nécropole de La Forestière à La Chalade (Meuse) en Argonne

  • Ernest Lepoultier (tombe n°1054)

Nécropole de Rembercourt sur Maisne (Meuse) près de Bar le Duc en Argonne

  • Emile Decaen (tombe n° 626)

Nécropole de Glorieux à Verdun (Meuse)

  • Aimé Decaen (tombe n° 1623)

Nécropole de Glacis le Château à Belfort

  • Eugène Pignolet (tombe n° 56)

Cimetière Ouest de Rouen (Seine maritime)

  • Edmond Lelaizant (rang 6, tombe n° 34)

Cimetière de Forges-les-Eaux (Seine maritime)

  • Henri Pitrey (carré communal)

Nécropole de Bitola en République de Macédoine sur le front des Armées d’Orient dans les Balkans

  • Emile Langlois (tombe n° 1408)

Pupilles de la Nation et secours aux familles

La première guerre mondiale laisse de nombreuses familles sans soutien familial. La loi de juillet 1917 créa les Pupilles de la Nation destinées aux orphelins de guerre adoptés par la Nation. Le pupille se voit accorder des aides pour les études, la protection de la santé, l’accès à l’emploi. La petite Marie Lemoigne née en 1912 ou le petit Charles Lenoir né en 1914 sont reconnus pupilles de la Nation.

Avec la loi de février 1915, une dizaine de familles parents de poilus tués, des petits cultivateurs, domestiques ou cheminots, ont pu recevoir un secours après la mort d’un de leur proche : 6 veuves (Alvina Grandcamp, Marguerite James, Eugénie Lemoigne, Marie Lenoir, Louise Grenier, Gabrielle Lahaye), 5 parents (de Maurice Bernard, de Florent Degouet, de Clément Lahaye, d’Edouard Lesellier et d’Albert Simion) ont reçu chacun un soutien de 150 francs.

Le temps du Souvenir s’installe

Dès octobre 1919, des fêtes du Souvenir sont organisées selon les initiatives locales. Fêtes patriotiques comme à Littry le 12 octobre, à Formigny le 19, à Lison le 21, aux Oubeaux le 29 octobre 1919 ou à Trévières le dimanche 23 novembre 1919. A Longueville dont est originaire Emile Germain, les mêmes cérémonies, messe, Te Deum, diplômes, banquet, eurent lieu le dimanche 7 novembre.

C’est dans ce contexte que des souscriptions pour l’élévation d’un Monument aux Morts furent lancées. Dès mai 1919, Lison lance une souscription sous la direction d’un Comité constitué de conseillers municipaux, de notables de la commune et du curé de la paroisse. Le Monument aux morts est érigé le jour de la fête du Souvenir du 21 octobre 1919, la mairie était pavoisée, les habitations étaient décorées, la musique de Saint-Clair était présente. Le cortège se dirigea vers l’église trop petite pour contenir toute la foule assemblée. Après la messe, dans le cimetière le Monument est béni dans un grand recueillement et parmi les discours, celui de Monsieur Jamot président du Comité. Enfin des diplômes sont remis aux familles des soldats défunts et un vin d’honneur est offert aux Anciens combattants.

A Sainte-Marguerite d’Elle, le Conseil municipal vote en août 1919 un crédit de 3 000 francs et lance une quête publique. Charles Gervais propriétaire de la laiterie de Sainte-Marguerite donne, en septembre 1919, 1 000 francs pour la souscription du Monument aux morts. En octobre 1919, le Monument aux morts est commandé auprès de l’industriel Mr Pachy de Vire. Le Comité du Monument est autorisé, en mai 1920, à encaisser les sommes de la souscription publique qui a donné une somme 8 727 francs, selon les 4 listes des souscripteurs publiées dans la presse locale. Le monument est réceptionné en gare de Lison début septembre 1920 et l’inauguration officielle se déroule le 3 octobre 1920 avec messe, musique de Saint-Clair, banquet, et vêpres. La bénédiction de la plaque de l’église eut lieu ce même jour.

Cette année, le 11 novembre 1920 marquait le deuxième anniversaire de l’Armistice mais aussi celui du cinquantième anniversaire de la Troisième République. Le 11 novembre est instituée fête du Souvenir.

A Moon sur Elle, une première réunion des Anciens combattants se tient en mairie le 15 mai 1920 en vue de constituer une association et un bureau. Il est décidé d’organiser une fête patriotique à l’occasion de l’inauguration du Monument qui sera érigé à la mémoire des enfants de la commune tombés au champ d’honneur. La date n’était pas encore arrêtée.

Le 15 août 1920 la municipalité de Moon organise une fête en l’honneur de ses poilus avec le concours de la musique de Saint-Clair. Après la messe un banquet a été servi par Monsieur Yvrande restaurateur à Moon. Puis l’après-midi les vêpres furent célébrées et un vin d’honneur fut offert aux poilus en mairie. Des divertissements et jeux divers étaient également prévus au programme avec un feu d’artifice pour clôturer la journée. Le mois suivant, le 26 septembre 1920, Le conseil municipal vote un crédit de 3346.50 francs pour le Monument aux Morts retenu auprès de l’entreprise de Neuville-

Vire. Ce Monument a t’il été inauguré en cette fête du Souvenir du 11 novembre 1920 ou l’année suivante?

Le Monument aux morts pavoisé et la plaque dans l’église de Moon placée entre la statue de Jeanne d’Arc, canonisée le 16 mai 1920 à Rome et la statue de Sainte Thérèse de Lisieux envers laquelle une dévotion s’est fortement développée.

Dans les bourgs de la région, de nombreux Monuments aux Morts sont inaugurés à la mémoire des héros. Ce fut le cas à Saint-Clair avec l’inauguration du Monument le 8 novembre 1920. A Cerisy la Forêt ce fut le 21 mai 1920. Si dans de nombreuses petites communes nous trouvons de simples obélisques comme monuments, dans les villes et les gros bourgs ou chefs-lieux de canton des monuments plus élaborés et plus onéreux sont érigés.

Monuments aux morts de Lison – Sainte-Marguerite d’Elle – Moon sur Elle – Saint-Clair sur Elle

Le monument de Saint-Clair est en calcaire réalisé par 2 sculpteurs de Caen ; un poilu, en tenue militaire et armé, serein mais plein de détermination à assurer la défense de la Patrie. Une attitude toute patriotique avec ses mains appuyées sur un casque allemand et un coq gaulois au pied du monument. Pendant la Seconde Guerre mondiale, face à cet affront, les Allemands lui ont coupé les bras.

13 novembre 1921, fête cantonale à Saint-Clair sur Elle

A Saint-Clair sur Elle, Une fête cantonale en l’honneur des Anciens combattants de 14-18 se déroule le dimanche 13 novembre 1921 en présence de chacune des communes dont Moon avec leur drapeau et du général Bülher, commandant la subdivision. La messe en musique, le matin, est suivie du banquet le midi. Au programme de l’après-midi, cérémonie au Monument aux Morts, inauguré l’année précédente le 8 novembre 1920, remise de décorations, assemblée générale des Anciens combattants

et réunion des Anciens combattants du canton. Le soir sont projetés des films patriotiques dans le cadre d’une grande séance de cinéma offerte aux habitants. Nous trouvons ainsi diverses manifestations pour l’anniversaire de l’armistice dans toute la région.

A Paris, l’Assemblée nationale débattait du projet de faire du 11 novembre une journée Fête nationale et fériée intitulée fête du Souvenir. La loi est votée en octobre 1922 et depuis, une cérémonie dans chaque commune est organisée.

Une cérémonie du 11 novembre aux Oubeaux où ont été enterrés 2 poilus de Moon, les frères Gautier.

La vie chère

Pendant le conflit, la vie avait été de plus en plus éprouvante avec les réquisitions et des productions tournées vers l’effort de guerre. La question de la gestion du ravitaillement des populations fut l’une des tâches confiées aux mairies. Des cartes d’alimentation avec des tickets de pain, des coupons de sucre ont été instituées. La situation perdure après la guerre. Ainsi à Moon, la Commission des cartes d’alimentation existait encore en mai 1924.

Avec des denrées rares et un franc qui se déprécie, les prix montent plus vite que les salaires. La spéculation des accapareurs et marchands de gros accroit le mécontentement. En 1919, ils achètent le beurre, les œufs directement aux producteurs et sur les marchés, pour les expédier par train vers Paris et les départements sinistrés du Nord et de l’Est où ils les revendent au prix fort, 18 voire 20 francs la livre de beurre. La municipalité d’Isigny pour ravitailler ses habitants, décide en février 1919 de réquisitionner du beurre au prix de 9,50 francs pour le revendre au détail au prix de 11,20 francs mais les producteurs ne veulent le lâcher qu’à 16 francs sur le marché d’Isigny.

Face à la forte inflation, les prix sont taxés en ce début 1919 avec un prix maximum fixé : 9.50 francs la livre de beurre, 0.45 francs le litre de lait ou 0.90 franc le camembert de 300 grammes par exemple. En août 1919, des manifestations contre la vie chère éclatent sur les marchés de la région comme à Isigny le 13 août. L’affichage des prix devient alors obligatoire et des contraventions sont prévues au cas où les prix sont dépassés. Ainsi le boucher de Moon est

condamné à une amende de 16 francs en mars 1920 par le tribunal de Bayeux pour défaut d’affichage du prix des denrées.

A la fin de 1919 le ravitaillement et les prix restent toujours une préoccupation majeure pour les populations. Si le prix du beurre redescend à 7 francs la livre, il reste cher. Le prix du pain est fixé à 1.25 franc les 2 Kg en octobre 1919 mais atteint 1.90 franc au début de 1920. Puis le prix du pain se stabilise à 1 franc le kilo environ L’hectolitre de cidre qui coûtait 8 francs avant la guerre, atteint les 60 francs en mai 1919 pour redescendre à 20 francs en septembre 1919.

Face à la vie chère, les salaires augmentent mais ne suivent pas l’inflation. Un journalier qui gagnait autour d’1.50 franc par jour en 1914 voit son salaire journalier passait à 5 à 6 francs en été 1918. Pour une femme journalière, le salaire moyen est passé d’1.25 franc à 2.50 à 3 francs. Le cantonnier de Sainte-Marguerite démobilisé, de retour en 1919, obtient que son salaire mensuel passe à 150 francs en janvier 1919, puis à 200 francs en mars 1920, et à 280 francs en mai 1922. En octobre 1919, la commune de Moon se voit attribuer une somme de

823.75 francs pour les dépenses résultant de l’état de guerre. Le conseil décide de répartir cette somme entre le garde-champêtre, Monsieur Rivière qui a remplacé Monsieur Lemarquand décédé, à hauteur de 200 francs, le secrétaire de mairie Monsieur Gautier à hauteur de 400 francs pour vie chère, et les frais de ravitaillement pour 150 francs.

L’Etat a lancé un appel à la solidarité et à la générosité des habitants pour ravitailler les populations des départements dévastés du Nord et de l’Est. Sous l’autorité du Préfet de la Manche, un train de 20 wagons, chargés de 3 400 poules et de 1 300 lapins collectés, quitte la gare de Lison pour le département de l’Aisne en juin 1919. Il est escorté par 9 soldats chargés de la garde du train et de la nourriture des animaux.

Les communes du Nord-Est de la France peuvent être parrainées et aidées pour faire face aux pénuries et aux destructions. Le canton de Saint-Clair a adopté la commune de Breuil. Le conseil municipal de Moon vote par 2 fois, en mai 1921 et en juillet 1922, un secours de 350 francs. Est-ce la commune de Breuil dans la Somme totalement détruite par les bombardements allemands ?

Les années 1920, la vie reprend

La vie reprend progressivement son cours au début des années 20. Si seulement six mariages furent célébrés pendant la durée du conflit dont un seul de 1914 à 1916, sept mariages sont célébrés dès 1919, dix en 1920 et douze en 1921. Quatre veuves de nos poilus se remarient.

La commune enregistre un pic de naissances en 1920-21 avec 18 naissances en 1920 et 21 naissances en 1921. La moyenne avant-guerre était autour d’une quinzaine de naissances pour tomber à une dizaine au cours des années 1915-16-17-18 et 19.

Les poilus rentrés reprennent leur place. Monsieur Georges Leboulanger hôtelier à Sainte-Marguerite d’Elle sur le Quartier de la Gare, et qui vient d’être démobilisé, annonce dans la presse locale d’Isigny du 3 mai 1919 la réouverture de son établissement l’Hôtel de l’Ouest à la gare de Lison, avec service restauration, chambres, écuries et garages.

Les Tuileries de Beauvais ont racheté en 1920 les tuileries de Lison, d’Airel et de Saint-Fromond aux Etablissements Couvreux. La nouvelle société annonce en novembre 1920 que 60 logements ouvriers

seront construits à Lison. Le 25 décembre 1921, la nouvelle société avec Monsieur Dupont pour directeur organise un Arbre de Noël pour ses ouvriers dans une salle de l’usine d’Airel. Des jouets et des gâteaux ont été distribués par le père Noël aux 150 enfants présents avec leurs parents. En soirée un concert vocal et instrumental fut donné, suivi par une pièce de théâtre comique « la nouvelle Bonne » jouée par des employés de l’usine de Saint-Fromond.

Le premier Tour de France d’après-guerre passe à Isigny le 1er juillet 1919 vers midi 30. Henri Pélissier remporte cette deuxième étape, longue de 364 km, à Cherbourg en 15h 54 minutes. Les coureurs avaient quitté Le Havre à 2h 30 du matin. En juin 1921 le tour du Bessin partant de Bayeux rassemble 7 coureurs. Louis Marguerite de Moon sur Elle termine deuxième.

La vie reprend, mais les deuils et la vie chère pèsent sur les populations. Les années d’avant-guerre furent désormais perçues comme celles des belles années, celles de la « Belle Epoque ».

Gilbert Lieurey

Sources :

  • Etat-civil de Moon et registre du Conseil municipal.
  • Archives de la Manche et du Calvados (Etat-civil, registres des matricules militaires, compte rendus de conseils municipaux de Sainte-Marguerite, presse).
  • L’avenir du Bessin et du Cotentin et le journal d’Isigny de 1919 à 1924 (Archives du Calvados)
  • Site Internet mémoire des hommes (première Guerre Mondiale)
  • Les Manchois dans la Grande Guerre (Patrick Fissot) 2008