André Bonneau, jeune parachutiste en 1943, engagé dans les campagnes d’Italie et de France pendant la Seconde Guerre mondiale.

André Bonneau, jeune parachutiste en 1943, engagé dans les campagnes d’Italie et de France pendant la Seconde Guerre mondiale.

6 avril 2022 0 Par Gilbert LIEUREY

La victoire des Alliés se dessinait enfin au mois d’août dans la Bataille de Normandie. Ce fut dans ce contexte que les Alliés décidèrent d’ouvrir un second front le 15 août 1944 avec un débarquement, en Provence, dans le sud-est de la France. André Bonneau, habitant de Moon et résident aujourd’hui (2014) au Quartier de la Gare, participa à la campagne d’Italie et à la campagne de France, particulièrement dans les Vosges.

En 1941-42, André Bonneau servait en Tunisie dans l’Armée de l’Air française. Il avait été envoyé en mars 1941 sur une base française en Tunisie, affecté notamment à la garde d’un parc de camions. Il en profita pour passer ses permis et fut même détaché pendant 6 mois auprès des civils afin d’assurer la formation aux permis de conduire.

d’Airel à la Tunisie

En 1940, André Bonneau, jeune habitant d’Airel âgé de 18 ans et fils de cheminot, travaillait au garage Legoueix à Saint-Lô. Faire des farces aux Allemands, dit André Bonneau, c’était par exemple prendre le tabac belge trouvé sous des sièges de véhicules allemands. Oui, mais verser du sucre dans les réservoirs, c’était beaucoup plus grave. Les Allemands commencèrent à enquêter sur ce qu’ils considéraient comme des actes de sabotage. Le patron du garage conseilla alors au jeune André de s’éloigner car les soupçons des occupants risquaient de se resserrer.

André Bonneau décida de passer en zone libre pour éviter la menace d’une arrestation et acheta un billet de train Lison – Tours. A Tours on lui indiqua une ferme en direction de Loches, proche de la ligne de démarcation. Il fallait éviter les patrouilles allemandes, et à 11h du matin, à travers les vignes, André Bonneau  franchit la ligne de démarcation. Récupéré de l’autre côté, un taxi attendait, André Bonneau descendit ensuite vers Marseille et prit contact avec son frère qui résidait en Algérie. Mais ce dernier lui déconseilla l’Algérie, car il n’y avait pas de travail. Il fallait vivre. Une solution s’engager dans l’armée. Il rejoignit Toulouse, passa les tests et fut admis dans l’Armée de l’Air qui l’envoya après sa formation en Afrique du Nord, Tunisie.

En 1941, il bénéficia une fois d’une permission « obligatoire », ainsi l’appelle-t-il,  qui lui fit revoir la Normandie, mais avec une mission très discrète. Observer les blockhaus et les systèmes de défense allemands. De retour à Airel, il devait être contrôlé tous les jours et pointer auprès des autorités allemandes, chaque matin à 8h. Les Occupants s’interrogèrent sur ses passages en zone interdite, zone vers la  côte qui commençait dès Lison. Il tenta de justifier ses déplacements par des visites à des amis et à de la famille. Dans la réalité,  il se rendit sur le littoral vers Grandcamp et Port-en-Bessin pour obtenir des informations. Aussi face aux suspicions allemandes et la peur  d’être fusillé, il préféra repartir assez vite et discrètement vers sa base d’affectation.

Parachutiste au 1er RCP

En novembre 1942, les événements s’accélérèrent avec le débarquement des Américains en Afrique du Nord dans le cadre de l’Opération Torch le 8 novembre. Les Allemands de l’Afrika Korps de Rommel prirent alors position en Tunisie. L’amiral Esteva, le Résident Général de France en Tunisie,   obéissant à Vichy mit à disposition les bases aériennes aux pilotes allemands, alors qu’Alger, après quelques hésitations, se rallia aux Américains et à la Résistance. Juin commandant des forces françaises d’Afrique du Nord ordonna le 14 novembre aux soldats français engagés en Tunisie de résister aux Allemands. André Bonneau nous rapporte qu’ils attendaient l’ordre d’incendier dans la nuit  les avions de Rommel qui étaient sur la base, mais l’ordre ne vint jamais. Esteva restait fidèle à Vichy. En 1945 l’amiral fut jugé et condamné pour trahison.

Les soldats de Tunisie, dont André Bonneau, se replièrent alors en Algérie puis au Maroc à Oujda, contrôlés désormais par les Alliés. Il fut proposé à André de suivre une formation de parachutiste, ce qu’il accepta volontiers. Au cours des entrainements, un exercice faillit se terminer une fois très mal. Le parachute dorsal avait vrillé, et le parachute ventral de secours était troué sur un quart de la surface. La réception fut très brutale, il évita miraculeusement la mort mais il avait les pieds … bien bleus. Il obtint son brevet de commando para et fut breveté sous le numéro 650.

André Bonneau entra dans le 1er Bataillon parachutiste du 1er RCP (Régiment des Chasseurs Parachutistes) de l’Armée de l’Air française créé au Maroc en février 1943 et rattaché au commandement américain avec la 82e Airborne US. André dut repasser le brevet para américain.

La campagne d’Italie.

En juillet 1943, les Américains débarquèrent en Sicile ouvrant le front d’Italie. André Bonneau parachuté sur la Sicile,  fit notamment des missions de reconnaissance comme éclaireur et comme démineur. Ce qui le marqua le plus, ce furent les civils, des femmes et des enfants, victimes de stylos, de thermos piégés par les troupes de Mussolini.

Après le passage du détroit de Messine, les Alliés remontèrent l’Italie du Sud et libérèrent Rome en juin 1944. André y a vu le Pape. Les Français commandés par Juin se distinguèrent au cours de cette campagne, à la bataille du Monte Cassino qu’ils remportèrent en mai, ouvrant la route de Rome. André Bonneau n’y participa pas directement, le commandement utilisant plutôt une infanterie légère, dit André, celle de troupes coloniales notamment les tirailleurs marocains et tunisiens.

La campagne de France

Le débarquement en Provence eut lieu le 15 août. Le 1er  REP qui ne participa pas à ce débarquement, fut parachuté le 4 septembre sur Valence et il remonta du sud vers le nord– est de la France. André Bonneau fut particulièrement marqué par la campagne des Vosges fin septembre, octobre 1944.

Il est encore ému à l’évocation de ces combats qui ont duré plus de 3 semaines, de nombreux soldats y ont laissé la vie. André Bonneau se retrouva souvent

désigné pour des missions de reconnaissance à l’avant, participa à des combats rapprochés dans la prise des villages, alla chercher des copains blessés pour les ramener. André Bonneau salue encore le courage des infirmières qui n’ont pas hésité à passer par des chemins minés, pour venir chercher les blessés.

André évoque trois faits où il échappa de peu à la mort.

Les Vosges sont un massif très boisé. Une fois une grenade lancée vers lui par un Allemand dans un combat rapproché rebondit sur le sapin et retomba du côté allemand. Une autre fois une mine avait sauté lors du passage de la colonne. Devant lui, derrière lui des soldats s’écroulèrent, tués par la déflagration. André Bonneau en sortit sauf.

Lors de la montée sur le col du Ménil, il fit parti d’un groupe de 6 hommes chargé d’un barrage à l’arrière, près d’une maison, pour empêcher les Allemands de suivre. Ils virent alors 6 chars allemands arriver, les blindés s’arrêtèrent devant le barrage. Que faire ? A 6 hommes, le rapport de force était disproportionné. La dernière heure était arrivée, pensait-il. Les Français déclenchèrent un tir de fumigènes et, surprise, les chars étaient repartis sans tirer.

L’homme avait du caractère. Après avoir libéré un village dans les Vosges, il était 4h du matin, son officier supérieur ordonna une revue pour 10 heures du matin. Les hommes étaient exténués, fatigués, ne tenaient plus debout. André protesta et bouscula son supérieur hiérarchique. Bien noté par ses supérieurs et défendu par son capitaine, il évita de graves sanctions. Il redevint simple deuxième classe, mais  retrouva son grade de caporal en fin de guerre.

La campagne pour le 1er REP se termina en Alsace, avec notamment les terribles combats de Jebsheim en janvier 1945, une position clé ouvrant la route sur Colmar, alors verrouillée par les Allemands. L’attaque fut confiée au 1er RCP, une boucherie selon André, 33 morts et 147 blessés sur 511 chasseurs. Aujourd’hui il existe une plaque érigée à Jebsheim. Elle rappelle le sacrifice des Libérateurs, soit 176 morts et 512 blessés par cette bataille.

mémorial de Jebsheim (Alsace)

La démobilisation et le service de déminage

La capitulation allemande le 8 mai 1945 marqua la fin de la guerre. André fut démobilisé et le

1er RCP rejoignit sa base à Pau. Au total, André a fait 40 sauts dans sa carrière militaire. Avec tristesse, il rappelle qu’à la fin de la guerre peu d’anciens du 1er REP, ceux de 1943, avaient survécu. Ses faits d’armes et son courage ont été reconnus notamment par la Croix de Guerre, qu’il obtint le 27 janvier 1945 pour la campagne d’Alsace, par la Médaille de la campagne d’Italie, par la Médaille des Anciens Combattants et par la plus prestigieuse, la Médaille Militaire.

Campagne d’Italie Croix de Guerre (Alsace) Médaille de Combattant

Médaille Militaire

Après la guerre, fort de son expérience, il travailla de 1945 à 1947 au service des démineurs volontaires, et a opéré dans la Manche, la Sarthe, le Calvados, l’Aisne, … Pour cela Il suivit d’abord un stage : explosifs – déminage. Chaque équipe était constituée d’un chef démineur, d’un démineur et de 12 prisonniers allemands… . Ses blessures, ce ne furent pas la guerre, mais les opérations de déminage. Par 2 fois il fut blessé et aujourd’hui il a encore des éclats dans la poitrine et la tête. Sa fierté, c’est celle d’avoir déminé la plus grosse bombe dans la

Manche, fichée dans la glaise près de Brécey, une bombe aussi grande que la hauteur de la pièce de sa maison, dit-il.

Je voudrai remercier André Bonneau d’avoir accepté de consacrer quelques moments pour apporter ce témoignage. De l’émotion notamment sur la dernière campagne, celle des Vosges, mais aussi de la bonne humeur lors de récits d’anecdotes. « Je ne suis pas un héros, j’ai fait ce que j’avais à faire … » dit simplement André Bonneau. Un merci également à sa famille qui accepté d’apporter leur aide. Sa petite fille, Céline Bonneau, a rédigé un mémoire de master de recherche en 2013 (Université d’Orléans) sur l’histoire de son grand-père.

Gilbert Lieurey, 2014