
Le cartulaire de Moon: Paradis, Enfer ou la question du salut personnel au XVe siècle.
Le cartulaire de la paroisse de Moon rédigé après la guerre de Cent-Ans, à partir de 1477-78, contient une centaine d’actes de fondation de messes anniversaires, dites obits, en mémoire de la mort des défunts, pour le salut de leurs âmes.
Fiche Résumé,
Le cartulaire de Moon et la fondation d’obits, la question du Salut de l’âme
Ce cartulaire de la paroisse de Moon rédigé à partir de 1477 aborde la question du Salut de l’âme à travers la centaine de fondations d’obits, messes anniversaires, à la mémoire du défunt. Au XVe siècle, début XVIe siècle, la vie terrestre n’était qu’une étape dans le voyage de l’âme vers l’Au-Delà. Il fallait se garder du péché et obtenir la rémission de ceux-ci pour assurer son salut personnel.
Leur âme allait-elle rejoindre le Paradis ou serait-elle vouée à la damnation et à l’Enfer ?
Par la célébration de messes anniversaires (obits) de leur trépas, par les prières et les dons, il était possible d’atteindre plus rapidement le Paradis et de quitter le Purgatoire, un enfer provisoire. Les paroissiens de l’époque craignaient ce jour du Jugement de leur âme, et d’être refusés comme élus de Dieu, d’être voués aux supplices de l’Enfer pour l’éternité, un enfer représenté à l’époque par les danses macabres et sur les tympans des entrées d’églises.
Seuls face à la mort, les paroissiens de Moon, s’assuraient, dans la création de leur obit, d’être entourés et accompagnés, dans cette marche vers le Salut, par leurs proches, leurs parents, leurs amis et bienfaiteurs, mort ou vivants.
L’obit : un cérémonial élaboré et personnel.
A Moon, les plus forts contributeurs furent les membres du clergé et la famille Cauvelande, seigneurs en partie de Moon à la fin du XVe siècle et initiateurs de ce cartulaire. Les familles notables de la paroisse, clercs, membres du trésor de l’église de Moon, participèrent également à la fondation de leurs propres obits.
La célébration de l’obit était l’objet d’exigences précises de chaque fondateur. A la messe de Requiem, s’ajoutaient souvent l’office des matines et celui des vigiles. Le coustour était sollicité pour sonner les cloches et le trésor de l’église, pour allumer le luminaire pendant la célébration. Chaque obit était personnel. Chaque cérémonial était personnalisé. La date de la célébration de l’obit retenue était souvent celle du jour anniversaire de leur trépas, ou celle d’un Saint qui était sollicité, ou celle d’un cycle religieux comme le temps du Carême, de la Passion et de Pâques, ou de la Toussaint ou de l’Avent et de Noël. Beaucoup espéraient par l’intercession des Saints ou de la Vierge Marie, Sainte patronne de l’église de Moon, obtenir le pardon de leurs péchés.
Piété religieuse, attachement à son église et souci de reconnaissance sociale.
La célébration de l’obit avait un coût, que seuls les plus aisés pouvaient payer. La répartition de la rente annuelle donnée à l’église respectait souvent la règle d’un tiers pour le prêtre curé, deux tiers pour les clercs aidant aux chants, psaumes et prières prévus à l’obit. S’ajoutait une somme pour le trésor qui fournissait les cierges et pour le coustour qui sonnait les cloches.
Ces fondations répondaient certes à un grand élan de piété religieuse et à un attachement à leur église, mais elles marquaient aussi la volonté des fondateurs de laisser leur mémoire inscrite dans le temps et d’asseoir une notoriété reconnue.
De façon indirecte, ce cartulaire nous apprend aussi qu’au XVe siècle des paroissiens étaient ensevelis dans l’église. Être plus proche de l’autel, du chœur de l’église où se célébraient les offices et se réciter les prières, pouvait accroitre la possibilité de rejoindre plus rapidement le Paradis. Cette pratique nous la retrouvons largement inscrite dans les BMS (registres des baptêmes, mariages, sépultures) de Moon, au cours des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Une pratique réservée au clergé, aux nobles et aux petits notables de la paroisse.
La grande angoisse de l’Au-Delà à l’époque du cartulaire
Ce cartulaire nous est précieux, car il nous révèle l’une des grandes préoccupations des habitants de la paroisse de Moon de l’époque, l’angoisse de l’Au-Delà. Confrontés à la mort, leur âme allait-elle rejoindre le Paradis ou serait-elle vouée à la damnation et à l’Enfer ?

Le Christ Juge et désigne avec ses deux gestes, opposés, le Paradis céleste à sa droite, le monde souterrain de l’Enfer à sa gauche, (tympan de l’église abbatiale de Conques des XI-XIIe siècles).GL
La vie ici-bas n’était qu’une étape dans le voyage vers l’Au-Delà et vers le Salut. Se garder du péché au cours de sa vie terrestre pouvait permettre d’obtenir le salut. Le salut personnel dans l’au-delà était une valeur qui devait guider toute vie chrétienne.
Une centaine d’obits fondés, conservés dans le cartulaire de la paroisse Moon
Le cartulaire de Moon contient les copies de 32 obits antérieurs à 1477, date de la commande du cartulaire par l’église de Moon, dont le plus ancien remonte à 1401. S’y ajoutent une dizaine d’obits fondés au moment de la rédaction du registre en 1477-78.
La tenue régulière du registre après 1478, jusque dans la première moitié du XVIe siècle, a permis de conserver les fondations de 48 autres obits.
A cette centaine d’obits clairement énoncés, s’ajoutent une quinzaine de messes fondées avant 1478 qui répondaient aux mêmes attentes « Pour Dieu, pour lui, sa femme, père et mère, et autres parents et amis … ».
Pourquoi ces fondations ?
En aumônant une rente annuelle à l’église de leur paroisse, le donateur espérait par la célébration d’une messe anniversaire chaque année et par les prières, contribuer au salut de son âme et de celle de sa famille et ses amis.
La formule consacrée, transcrite dans ces actes, était bien souvent la même : « Fait pour Dieu et pour être ledit donneur, la défunte sa femme, ses père, mère, parents, amis et bienfaiteurs participants et accueillis en bienfaits, matines, messes, vêpres, vigilles, prières et oraisons, qui désormais seront faits, dis et célébrés en ladite église, … et aussi pour avoir par chacun an, en icelle église, un obit pour le salut des âmes d’eux, parents et amis ».
Cette formule traduisait le désir, dans cette marche vers le Salut, d’être entouré par ses proches, ses parents, ses amis et bienfaiteurs, mort ou vivants.
Les populations du Royaume de France au XVe siècle avaient été fortement éprouvées par les crises. Les guerres, celle de Cent-Ans, l’occupation anglaise de 1417 à 1450, la peste endémique depuis son arrivée en 1348 qui tua un tiers de la population européenne, les disettes comme en 1437/39 ou en 1481/82 (1) furent les fléaux des XIVe et XVe siècles. La population de Moon n’était plus que de 55 foyers en 1467 après la guerre de Cent Ans, soit environ 250 habitants. A titre de comparaison les paroisses de Saint-Clair abritait 51 foyers en 1497, Airel 100 foyers en 1461, Cartigny 90 foyers en 1467 (2).

La mort était omniprésente. A partir du XIVe siècle le Christ était de plus en plus représenté comme un Christ soumis à la mort, avec un corps souffrant et sanglant. Le thème de la Passion du Christ se développait. Les pieds du crucifié furent montrés fixés l’un sur l’autre par un seul clou, au lieu de deux antérieurement. Les jambes fléchies infligeaient une torsion inconfortable (3). Le thème de la Piéta contemporain des XIVe et XVe siècle, avec Marie tenant sur ses genoux le corps de son fils Jésus au moment de la descente de la croix, évoquait aussi la mort et la souffrance du Christ.


Calvaire du XXe siècle à Moon, au carrefour du Quesnot (don famille Pignolet), le Christ est représenté crucifié avec un clou à chaque pied. La Pietà par Michel-Ange datée de 1499, contemporaine du cartulaire de Moon (basilique Saint-Pierre) – GL
Seul, face à l’épreuve de la mort et à la peur de la justice de Dieu, le fondateur de l’obit se rassurait par la présence de ses proches et les prêtres de l’église. Les prières, les aumônes et les messes pouvaient intercéder en faveur du pardon de ses péchés. L’autre désir, certes non formulé, mais espéré, fut de demeurer vivant dans la mémoire de ses contemporains et de ses descendants par ces messes anniversaires.
Qui sont les fondateurs ?
Le clergé de la paroisse
Messire Rogier Carbonnel, prêtre vicaire de Notre-Dame de Bayeux, fondait en 1461 (ft 56) et en 1463 (ft 53), par une rente annuelle de 68 sous, 5 obits à célébrer chaque année, pour son oncle Robert Carbonnel, prêtre curé de la moyenne et grande portion de la paroisse de Moon jusqu’en avril 1461. En 1488, Messire Rogier Carbonnel confirmait les obits créés pour son oncle en 1463 (ft 90).
Sur la centaine d’obits répertoriés dans le cartulaire, 37 obits, soit un tiers des obits, furent fondés par les prêtres de la paroisse. Les prêtres curés de la paroisse, soucieux du Salut de leur âme, furent les fondateurs les plus généreux en ces XVe et début XVIe siècle, auprès de l’église de Moon. A leurs yeux, cette multiplication d’offices nourrissait l’espoir que leur âme puisse rejoindre plus rapidement le Paradis.

La mise au tombeau : le Christ et le linceul avant la mise au tombeau (sépulture de Guillaume Lavieille, prieur de l’abbaye normande de Saint-Wandrille, inhumé en 1506, contemporaine du cartulaire) – GL
16 prêtres au moins, liés à la fondation d’obits, sont recensés dans le cartulaire de Moon :
–Maître Jehan Fouchier : curé de Moon pour la grande portion vers 1425
Rente annuelle de 45 sous 1 obit pour son salut (ft 82).
–Messire Robert Basley : curé de Moon pour la prébende, au moins de 1407 à environ 1447
Rente annuelle de 2 boisseaux de froment + 2 sous et 11 deniers 1 obit pour son salut (ft 65).
–Maître Nicole Boullenc : curé de Moon avant 1458
Rente annuelle de 35 sous 2 messes à requiem pour son salut (ft 57).
-Messire Robert Carbonnel : curé de Moon pour la moyenne portion, décédé en avril 1461
Rente annuelle de 68 sous 5 obits pour son salut (ft 53 – ft 56).
–Messire Guillaume Boulenc : prêtre en 1467
Rente annuelle de 10 sous 1 obit pour son salut (ft 60).
–Maître Richart Godes : curé de Moon pour la grande portion, au moins de 1448 à 1463
–Rentes annuelles de 6 livres et de 30 sous 1 obit et 1 messe Notre-Dame chaque dimanche pour son salut et ses parents (ft 39 et ft 93).
–Maître Jehan de Hennot : curé de Moon pour la prébende en 1476
-Rente annuelle de 10 sous 1 obit destiné principalement à sa mère Marion de Hennot (ft 77).
–Maître Richart Lorence : prêtre chapelain fermier desservant la cure du fief du roi (ft 85), soit curé de la moyenne portion en 1477 (ft 85, ft 77)
Rente annuelle de 2 boisseaux de froment en 1477 1 obit annuel (ft 81).
-Maître Richard Laurence : curé de Moon pour la grande portion en 1503 (est-ce le même ?)
Rente annuelle 22 sous 6 deniers en 1503 1 obit pour son âme et celle de ses parents (ft 99).
–Maître Jehan Ragoult : curé de Moon pour la moyenne portion avant 1504
Don de 2 livres + une rente annuelle de 10 sous 1 obit de 2 messes anote N-D (ft 94).
–Maître Mathieu Boulenc : curé de St-Germain des Oulmes en 1506
Rente annuelle de 4 livres 6 messes anote de requiem pour lui et sa famille (ft 96).
–Maître Richard Bauquet : curé de Moon pour la grande portion en 1506
Rente annuelle de 40 sous 3 obits pour son salut et celui de sa famille (ft 96).
–Maître Pierres Delamare : curé de Moon en 1507
Rente annuelle de 20 sous 1 obit pour son salut (ft 98).
–Messire Fleury Lecanu : prêtre chapelain de la cure du fief le Roi en 1504 (ft 91)
Rente annuelle de 20 sous 2 obits pour lui et ses parents, en 1510 (ft 100).
-Messire Jacques Jouan : curé de Moon en 1518
Rente de 6 boisseaux de froment, 1 mectent d’avoine et 1 gueline 2 obits, pour ses parents Laurent et Raouline Jouans, et pour lui et son frère après décès (ft 101).
–Un prêtre « ycelui prebtre » : en 1540
Rente annuelle de 64 sous 3 obits (ft 108).
–Maître Guillaume Cauvelande : curé de Moon en 1549-56
Rente annuelle de 110 sous en 1549 6 obits
Rente annuelle de 50 sous en 1556 4 obits doubles (ft 52)

Copie de la danse macabre de Bâle de 1439 (exposition au musée du Louvre 2024 – Figures du fou) – clergé et chevaliers emmenés vers la mort – GL
Dans les années 1450/1500 les images des danses macabres se multiplièrent dans des fresques peintes de personnages squelettiques, entraînant vers la mort tout le monde. Tous les humains étaient destinés à mourir, les puissants comme les pauvres. Le roi de France Louis XI (1461-83) contemporain du cartulaire de Moon, roi très pieux, multipliait une dévotion superstitieuse, pratiquait le culte des reliques, participait aux pèlerinages et portait de nombreuses médailles pieuses à son chapeau.
Les Cauvelande tabellions royaux et seigneur en partie de Moon à la fin du XVe siècle
La famille Cauvelande fonda de nombreux obits, soit 18 qui s’ajoutaient aux 10 obits de Maître Guillaume Cauvelande prêtre. Les Cauvelande de Moon étaient liés au début du XVe siècle aux Cauvelande, bourgeois de Saint-Lô, Colin Cauvelande au XVe possédait le Port Cavelande sur la Vire, et fut tabellion du roi pour le siège de Saint-Lô, son père Robin possédait le Quai au Vin à la fin du XIVe (4).
Les Cauvelande à Moon furent tabellions du roi, de père en fils au cours du XVe siècle à la sergenterie de Saint-Clair sur Elle, et au siège du fief du Hommet. A la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, Denis Cauvelande fut qualifié de seigneur de Moon pour la partie relevant du fief du Hommet. Denis Cauvelande, tabellion royal, trésorier de la fabrique de l’église de Moon, commanda en 1477 le cartulaire de Moon.
-Thomas Cauvelande et sa femme Michielle : bourgeois de Saint-Lô, fils de feu Jehan et frère de Jehan Cauvelande en 1463
Rente annuelle de 5 sous, de 4.5 boisseaux de froment, d’1 boisseau d’avoine, mesure de Moon, et d’1 gueline pour 1 obit pour lui, sa femme et ses parents avec la célébration d’une messe annuelle perpétuelle (ft 48).
–Jehan Cauvelande, père de Denis Cauvelande,
Rente annuelle de 9 sous pour 1 obit pour le salut de son âme (ft 84), confirmé par son fils Denis en 1477.
–Denis Cauvelande, fils Denis Cauvelande, seigneur de Moon en partie
Rente annuelle de 30 sous aux curés des trois cures pour 12 messes secrètes en douze mois de l’année, célébrées en l’église de Moon pour son salut et celui de son épouse Guillemyne Pipart. (ft 108).
-Jehan Cauvelande, fils feu Jehan, marié à Marie Duchemin
-Rente annuelle de 30 sous et d’1.5 boisseau (ft 91) en 1504, 3 obits pour lui, sa femme Marie et leur fille Robine et le versement de 5 boisseaux de froment annuels au trésor, pour l’achat du pain béni le jour du Pâques, à partager entre les paroissiens (ft 91).
-Rente annuelle de 18 sous et de 4 boisseaux de froment versée au trésor de l’église de Moon en 1516 pour le salut de son âme, de celles de son épouse, leurs pères et mères et parents » et aussi pour le vin et le pain distribués aux paroissiens de Moon qui avaient communié le jour de Pâques (ft 29).
Déjà un aïeul, Jehan Cauvelande, bourgeois de Saint-Lô demeurant à Moon, avait fondé en juillet 1402 une rente annuelle de 5 sous au trésor de l’église, pour avoir du vin le jour du Pâques (ft 6).
Sans oublier Maître Guillaume Cauvelande, prêtre à Moon, qui par une rente annuelle de 110 sous fondait vers 1549 six obits, puis en 1556, quatre obits doubles par une rente annuelle de 50 sous (ft 52)
Les petits notables ruraux de la paroisse

Copie de la danse macabre de Bâle de 1439 (exposition au musée du Louvre 2024 – Figures du fou) – le peuple, aubergiste et paysan emmenés vers la mort – GL
La fondation la plus ancienne d’un obit, conservée par le cartulaire, fut celle d’un petit notable, Guillaume Agoullant en 1401. Il donnait une rente annuelle de 3 boisseaux de froment, pour une messe à Requiem le jour de son obitement, et 2 sous et 1 gueline pour l’obit de sa femme Perrote. (ft 67).
La moitié des obits fondés, furent le fait de paroissiens de Moon, dont les familles appartenaient à la petite notabilité de la paroisse. Des membres de ces familles participaient au conseil du trésor qui administrait les biens de l’église de Moon, voire pouvaient être désignés comme trésoriers de la fabrique de l’église de Moon. Certains avaient même au sein de leurs familles, un de leurs membres entré dans la prêtrise.
Plusieurs étaient désignés comme clercs dans les actes du cartulaire. Par ce terme de clerc, il pouvait être entendu que cette personne ait reçu une instruction, « celle qui sait » mais aussi l’homme entré dans l’état ecclésiastique qui a reçu la tonsure. Dans le cartulaire de Moon, ils étaient désignés comme clercs aidants pour la célébration des obits et à ce titre bénéficiaient d’une part de la rente versée.
Prenons les Lecanu qui fondèrent 5 obits. Thomas Lecanu et sa femme Marion Rignon en 1438 fondaient un obit pour le salut de leurs âmes. Thomas Lecanu en 1445, participait au conseil du trésor de l’église de Moon. Denis Lecanu créait une rente annuelle de 2 boisseaux de froment en 1454 pour un obit, puis en 1477 par une rente annuelle de 2 boisseaux et 8 sous pour trois obits (ft 77).
Denis Lecanu membre du conseil de la fabrique de l’église de Moon en 1444, devint en 1455 le trésorier de la fabrique. A partir de 1461, il était désigné comme clerc aidant, participant à la célébration des offices notamment lors des obits. En 1477, Denis Lecanu fut même désigné comme procureur pour défendre les intérêts du trésor de l’église de Moon lors d’un procès, aux côtés de Denis Cauvelande, l’initiateur du cartulaire de Moon. Face à une contestation de versement d’une rente annuelle de 6 sous, faite par Colin Ducastel, pour l’obit de Geuret de Clouey, le trésor avait porté l’affaire devant le tribunal (ft 83).
Au XVIe siècle, les Lecanu étaient toujours présents dans les instances du trésor de l’église de Moon, Jehan Lecanu en 1508 était membre du conseil et clerc participant aux obits, tout comme Girot Lecanu en 1540. Cette notabilité, elle était reconnue. Messire Fleury Lecanu nommé prêtre de Moon fut prêtre chapelain de la cure du fief le Roi en 1504 (ft 91), soit la cure de la moyenne portion.

Les Lecanu, une vieille famille de Moon, encore présente au XXe siècle. Tombeau de la famille Lecanu, dont celui d’Alexandre Lecanu, poilu de 14-18, tombé au champ d’honneur en 1915 – GL
Des familles fondatrices d’obits, liées au conseil du trésor de l’église de Moon, comme les Lefèvre, les Durand, les Delalande, les Vyard, les Lecarpentier, les Esnault, les Le Vieul, les Leconte et les Ledot firent les mêmes aumônes. Certains furent nommés par le conseil comme trésorier pour l’année, Gabriel Durand en 1440, Laurent Delalande en 1473, Jehan Ledot plusieurs fois dans les années 1470.
Jehan Ledot aumôna 10 sous de rente annuelle en 1502 pour l’obit de Michiel Ledot et Rogière sa femme, ses père et mère, et pour Perrine Godes, jadis femme dudit Ledot ft 94). Sa femme Perrine par son nom, relevait de la famille de Maîtres Jehan, Robert et Richard Godes, prêtres au milieu du XVe siècle à Omblie, à Brévands et à Moon. En 1506 Jehan Ledot donnait une nouvelle rente de 10 sous pour célébrer un obit pour le salut de son âme. Les contenus en fin de messe, Libera et suffrages, devaient être récités devant le crucifix où ses père et mère et femme furent inhumés.
Parmi les familles fondatrices d’obits, des membres furent également des clercs aidants à la célébration des offices comme les Guelle avec Jehan en 1471 ou Denis en 1478, comme Delamare avec Robin en 1473 par ailleurs trésorier en 1463, comme Duquesnay avec Jehan en 1477, comme Mouisson avec Jehan en 1461, comme Le Vétier avec Thomas en 1461, comme Castel ou Ducastel avec Richard en 1473 et Robin en 1477.
Quelques familles fondatrices d’obits, avaient un membre entré dans la prêtrise, les Boullenc, Delamare – Scellot, Lecanu et Bauquet.

Ces familles de petits notables ont laissé leurs noms à des villages de Moon (carte de 1831 par Bitouzé – Dauxmesnil)
Plusieurs veuves, à l’approche de la mort, « mues en dévotion », fondèrent des obits pour assurer leur salut. Ainsi en 1450-51, Jouenne veuve Jouan Goulet aumôna en 1450, une rente annuelle de 7 sous et 6 deniers pour célébrer chaque année un obit le jour de sa sépulture (ft 69). Perrete veuve de Denis Langlois donna 13 sous en 1450 pour célébrer deux obits, pour elle, le jour de sa sépulture, et pour ses amis (ft 63). Simone veuve de Cami Esmalles s’engageait sur une rente de 10 sous et 3 deniers pour son obit (ft 69).
Pour une célébration de leur propre obit, nous retrouvons Agnès Duquesnay en 1457, Perrote veuve de Robin Lefèvre dit le Vétier en 1463 et Perrine veuve de Jehan Nicolle en 1507. Pour elles et leurs maris, Perrette veuve de Jehan Le Harivel en1491, Coliche veuve de Jehan Gaultier en 1508, Guillemine veuve de Jehan Mouesson en 1508 et Thomine veuve de Raoulet Lefèvre dit le Vétier en 1510 fondèrent des obits.
En quoi consistait le cérémonial d’un obit ?
Les fondateurs énonçaient leurs volontés sur le déroulement de la cérémonie anniversaire prévue après leur mort. Si la messe de Requiem en était le fondement, des offices complémentaires et prières pouvaient être formulés. Le Libera, chanté à la fin de la messe des morts, les matines qui précédaient la messe ou les vigiles célébrées la veille, étaient les plus demandées. Chacun restait son propre maître dans l’élaboration de son obit.
Les prières de leur entourage, les messes célébrées par le clergé pouvaient aider à la rédemption du défunt et au Salut de son âme dans l’Au-Delà. L’aumône, les prières, la célébration de messes, la célébration de l’office des morts étaient reconnues officiellement par l’Eglise, comme des formes de suffrages utiles aux âmes.
Une messe de Requiem
Pour l’énorme majorité, les 4/5 des obits, la célébration d’un obit consistait en une messe « anote de requiem », soit, une cérémonie en souvenir du défunt avec une prière pour l’âme de ce défunt. Cette messe des morts, dite parfois « des trespassés » dans le cartulaire, était chantée, ce qui requérait la présence de clercs aidant le prêtre curé.
Dans la messe de requiem, un psaume et le Dies Irae, en chant grégorien, remplaçaient l’Alléluia. Le Dies Irae s’inspirait de l’Apocalypse. Cet hymne liturgique se référait au Jugement dernier et à la peur de la colère de Dieu.
« Dies irae, dies illa, solvet saecclum in favilla, teste Davis cum Sibylla ! … »
« Jour de colère, que ce jour-là, où le monde sera réduit en cendres selon les oracles de David et de la Sybille. Quelle terreur nous saisira lorsque le Juge apparaîtra, pour tout juger avec rigueur ! … le livre alors sera ouvert où tous nos actes sont inscrits … et rien ne restera impuni … O Roi d’une majesté redoutable, toi qui sauves les élus par grâce, sauve-moi, source d’amour… », le Dies irae traduisait bien l’angoisse des paroissiens de Moon à l’heure du Jugement.

Tympan de l’église abbatiale de Conques : à gauche les élus qui entrent au Paradis, à droite les pêcheurs engloutis dans la bouche d’un démon à la gueule de monstre – GL
Quelques variantes de messes furent formulées. Quatre fondateurs demandèrent des messes du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit, troisième personne de la Sainte-Trinité, était sollicité pour le salut de leur âme, tout comme était implorée la miséricorde de la Sainte-Vierge. Notre-Dame était la sainte patronne de la paroisse de Moon.
Quelques rares messes en secret, messes basses non chantées, furent demandées comme celle voulue par Geuret de Clouey (ft 83), une messe en secret selon le vieux missel de Moon.
La construction du cérémonial
Dans l’acte de la création de l’obit, fait de leur vivant, chacun formalisait avec précision ses choix.
Pour la moitié des obits, la messe de requiem était complétée par les matines en précédent de la messe, les matines des trépassés. Les matines étaient le premier office célébré avant le lever du jour. « Voici que l’ombre de la nuit commence à s’affaiblir, l’aurore commence à éclairer le ciel », écrivait Abélard dans le livre d’heures, un livre de piété de la fin du Moyen-Age. Les matines alternaient une récitation de psaumes psalmodiés et des lectures de textes saints. Elles symbolisaient le chemin qui allait des ténèbres vers la lumière, celle de la Révélation. « La mort n’a plus d’emprise sur nous » selon Saint-Paul.
L’autre forte demande, était celle des vigiles voulues par environ 40 % des fondateurs d’obits. La vigile, un office du soir célébré la veille d’une fête religieuse ou des obsèques, consistait en une récitation de prières. Cette prière nocturne, semblable à une veillée du soir, se percevait comme un dialogue avec Dieu. Les vigiles les plus célèbres étaient celles de feu le roi Charles VII, livre écrit en 1483 contemporain du cartulaire, qui développait la figure du roi combattant.

« icy commencent les vigilles de la mort du feu roy Charles septième à neuf psaulmes et neuf leçons », une forme liturgique qui alterne neuf psaumes et neuf leçons par groupe de trois, comme dans la vigile des morts (partie supérieure de la première page, les funérailles de Charles VII mort en 1461- enluminure sur parchemin de 1483, Bibliothèque nationale de France).
La vigile pascale était le modèle de l’office des vigiles. Cette veillée, le soir du Samedi saint, par l’attente du Christ ressuscité, annonçait l’espoir, celui de la victoire du Christ sur la mort.
Chaque fondateur d’obit avait son exigence, à chacun sa vigile. Une longue liste d’exemples de vigiles se retrouve dans le cartulaire avec les saints sollicités suivants : vigile selon Saint-Andrieu, selon Saint-Jean-Baptiste, selon Saint-Jacques et Christophe, selon Saint-Martin, selon le Saint-Sacrement, selon Saint-Symon et Saint-Jude, selon Saint-Mathieu et Saint-Lô, selon Saint-Denis, selon Saint-Laurent, selon Saint-Michel, selon Saint-Clément, ou la veille de fêtes religieuses : le vendredi devant Pâques, la Notre-Dame à la mi-août, ou la Toussaint.
Plus de 40 % des fondateurs ajoutaient à la cérémonie de l’obit, le Libera, chanté à la fin de la messe de Requiem. Les participants entonnaient alors le Libera me, Domine, « Libérez-moi, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour redoutable, … ». Quelques-uns y ajoutaient les suffrages, des prières faites à Dieu pour le salut de leur âme, ou des oraisons, une méditation adressée à Dieu ou aux Saints intercesseurs.
Un fondateur sur trois ajoutait à la messe de Requiem et aux matines, les vêpres, office du soir avant la nuit. Comprenant des chants, des lectures et des prières d’intercession, les vêpres étaient la prière solennelle du soir.
Les heures canoniales qui rythmaient la vie des campagnes médiévales commençaient avec les matines, puis laudes, prime, tierce, sexte au zénith du soleil, enfin none, vêpres au coucher du soleil, complies. Les cloches des églises pouvaient indiquer ces heures.

Le Paradis dans la sérénité vu par le tympan de l’église abbatiale de Conques : A la porte un ange accueille les élus, Abraham y siège avec deux enfants dans la Jérusalem céleste aux tours crénelées, au-dessus Sainte Foy de Conques est prosternée devant la main de Dieu – GL
Enfin quelques donateurs prévoyaient de payer le coustour (sacristain) pour sonner les cloches pendant l’office de l’obit ou pour annoncer la célébration de l’office. Le trésor fut payé également par quelques donateurs pour assurer l’allumage des cierges du luminaire pendant la messe ou pour célébrer « des vêpres à neuf lichons », c’est-à-dire avec chandeliers.
Quelques cérémoniaux très élaborés
Les trois exemples suivants nous montrent la construction d’une mise en scène complexe, avec des choix très précis dans les éléments du cérémonial.
Messire Rogier Carbonnel pour son oncle Robert Carbonnel, prêtre de la moyenne portion en son vivant, fit verser au trésor à partir de 1463, une rente annuelle de 60 sous pour la célébration de 4 obits (ft 53). Chaque obit devait être constitué de la messe de requiem avec la lecture du Libera à la fin de la messe, devant la sépulture du défunt, complétée par les matines du matin et les vigiles du soir.
Les quatre messes devaient être dites à 8 heures du matin aux mercredis des quatre temps, soit au printemps lors du Carême, à l’été lors de la semaine de la Pentecôte, à l’automne avec la semaine de la Sainte-Croix en septembre, et enfin à l’hiver en décembre avec une semaine de l’Avent. Les prêtres étaient tenus de rappeler les dits obits, les dimanches précédents les quatre mercredis, au moment de l’offrande à la grande messe. Pour garantir l’exécution de ce cérémonial, la présence du prêtre Richart Godes et des clercs aidants aux obits furent notée lors de l’acte de fondation en 1463.
Autre obit très élaboré, celui de Messire Richart Laurence, prêtre de la cure grande portion de Moon, qui prévoyait dès 1502, pour l’après de sa mort, un office le jour anniversaire de son trépas pour le salut de son âme, de celles de ses parents et de ses amis (ft 99).
La messe de requiem avec vêpres et matines des trépassés étaient d’abord demandées. Il était prévu de chanter la « comandasse », soit une prière pour les morts avec le psaume 119, le Béati immaculati, et les autres psaumes anciens et oraisons, le tout en précédent de la messe. A la fin de la messe, seraient dits et chantés le Libera Notre-Dame avec les oraisons et suffrages, devant l’us du cancheel (porte du chancel, soit la clôture du choeur), sur la tombe et sépulture de feu Robin Laurence, prévue à l’entrée et auprès de la porte du chancel.
Les Durand, avec Thomas et son fils Jehan, une famille de notables au sein de la société rurale de Moon, liés aux Cauvelande, seigneurs en partie de Moon, élaborèrent tout un cérémonial en 1519 pour l’obit de Jehannyne, fille de défunt Jehan Cauvelande, femme de Thomas Durand, trépassée le 30 juillet.
« … pour avoir par chacun an, en icelle église, une messe anote de requiem avecques vespres et matines des trespassés, en précédent de ladite messe, et en fin, Libera avec les oraysons et suffrages, à ce aconstenutz, anotes à l’offrende dicelle messe, pour l’obit desdits Thomas Durand et sa femme, le pénultyème jour de juillet, laquelle femme à ce trespassée, le pénultyème jour de juillet devrain passé, et avecques ce que lesdits curés et clers seront tenuz dire et chanter, par chacun an, en temps advenir, le jour de Pasques en grant, après vespres et complits dictes en icelle église, Libera me domine avecques les oraysons et suffrages que aconstenuez, lequel Libera se commancira devant l’autel Nostre Dame, aprèz lesdits vespres et complits acheuvés et est en continuant le chant dudit Libera en allant, en manière et passion, sur les tombes et sépultures des prédécesseurs desdits Durand, estant au cimeterre dicelle église, et pour le salut de leurs asmes … près de la croix dudit lieu, vers le presbitaire du fief le Roy … et ledit coustour pour sonner les cloches dicelle église, ledit jour de Pasques, pendant qu’on chantera ledit libera, aura six deniers tournois … » (ft 105).

Le village de la Duranderie, sur la rive droite de la vallée de l’Elle – GL
Ces choix dûment réfléchis sur le cérémonial de l’obit et de son déroulement, témoignaient d’une création d’obit propre à chacun. Les fondateurs d’obits eurent recours à toute une théâtralité pour la mise en scène de leurs exigences, à travers le choix des offices, des prières, le recours au coustour pour sonner les cloches ou au trésor pour allumer le luminaire pendant l’office.
Quel calendrier retenu pour la célébration de l’obit ?
La date anniversaire de leur trépas, un fondateur sur trois
28 fondateurs, soit 1 sur 3, avaient fait le choix de la date anniversaire du décès de leur parent ou la date de leur trépas. Neuf actes ne comportent pas de mention sur la date de la célébration de l’obit.
Dans le cas d’un obit célébré de leur vivant, le paroissien, soit 5 à 6 fondateurs, avait prévu de faire évoluer son cérémonial, généralement une messe Notre-Dame, avant son trépas qui devenait après sa mort une messe de Requiem, comme le fit Guillaume Lecarpentier en 1476, mu en dévotion (ft 76). La date de célébration, de leur vivant, s’appuyait sur le jour d’une fête religieuse, comme celle de Notre-Dame ou de la Saint-Michel, puis glissait, après, à celle de leur trépas. Perrote veuve de Robine Lefèvre dit le Vétier avait retenu en 1463 le lendemain de la Saint-Michel en octobre, pendant son vivant, puis celle de son trépas (ft 73).
L’intercession et la protection d’un saint, un fondateur sur quatre
Un fondateur sur quatre avait retenu comme date, celle de la fête d’un saint. Le culte des saints conduisait les paroissiens à recourir à l’intercession des saints pour plaider le salut de leur âme auprès du Seigneur. La Vierge-Marie fut la plus populaire pour 8 fondateurs qui demandèrent une messe Notre-Dame, notamment de leur vivant. En 1432, Guillaume Scellot créait une messe Notre-Dame du vivant de sa femme Guillemette puis une messe des morts après le décès de Guillemette, mais avec une vigile de la Vierge-Marie (ft 64).



La Vierge Marie, Sainte patronne de la paroisse de Moon (retable de l’église de Moon – GL), Saint-Clair (fontaine Saint-Clair-sur-Elle – GL), l’Archange Saint-Michel (maître-autel de Moon – GL)
Trois autres fondateurs s’appuyèrent sur Saint-Michel, saint-patron de la Normandie. Thomas Lecanu fit une rente annuelle de 10 sous pour une messe à la Saint-Michel en octobre, pour les âmes de ses parents, sa femme Marion Rignon et pour lui (ft 62).
Des saints locaux furent sollicités comme Saint-Clair, nom de la paroisse voisine et ermite du IXe siècle, comme en 1447 (ft 67), pour Robert Basley qui fut prêtre curé de la prébende à Moon. Saint-Gerbolt (Saint-Guerboult dans l’acte), ancien évêque de Bayeux au VIIe siècle et saint vénéré dans la Manche, fut sollicité pour Robin Delamare et confirmé en 1478 (ft 86).
Un fondateur s’appuya sur son propre saint protecteur. Jehan Symon, chevalier écuyer de Saint-Magloire (Maglore dans l’acte) donna une rente de 3 boisseaux de froment en 1477 (ft 80) pour une messe de Requiem avec matines, à célébrer le 24 octobre, jour de la Saint-Magloire.
Sainte Catherine, qui apparut à Jeanne d’Arc à partir de 1425, Sainte-Agnès, Saint-Denis, Saint-Martin, Saint-Nicolas furent d’autres saints invoqués pour le choix de la date anniversaire de l’obit.
Le calendrier religieux, un fondateur sur quatre
Cette piété révélée par les messes anniversaires du défunt, par un cérémonial élaboré et par le culte des saints montre l’attachement des paroissiens de Moon à la religion et à l’église. Les temps forts du calendrier religieux se retrouvent dans un quart des créations d’obits.
Trois temps hautement symboliques pour le salut de l’âme, ont conduit un fondateur sur quatre à faire ce choix dans la date de leur obit.
Le cycle de Pâques précédé du Carême, qui culmine lors de la Semaine sainte, s’achève à la mort de Jésus. Mais il aboutit à la Résurrection à Pâques et ouvre un espoir, celui d’accéder au Royaume des Cieux. L’Ascension et la Pentecôte, marquent la fin du temps pascal.
Quatorze fondations, relevées dans le cartulaire, ont privilégié ce temps du Carême et de la Semaine sainte. Toute une symbolique pour les chrétiens de l’époque, car le Christ est sorti victorieux dans son combat spirituel, après avoir passé quarante jours passés dans le désert et dans le jeûne, et à Pâques il triompha de la mort. Cette fête entrouvrait l’espoir de la résurrection. Un choix qui pouvait accéder au salut de leurs âmes.



La Passion du Christ et le Chemin de croix dans l’église de Moon (3 stations: 11-12-14) – GL
En 1457 Agnès Duquesnay de Moon, aumônait 5 sous tournois de rente annuelle pour son obit. La messe anote de Requiem à célébrer le second lundi de Carême, devait être annoncée le premier dimanche de Carême à la grand-messe (ft 71). Autre exemple en 1478, les mariés Girot Le Vieul et sa femme Robine donnaient une rente annuelle de 10 sous pour une messe anote de requiem,avec les matines des trépassés avant la messe, et le Libera à la fin de la messe, à célébrer le troisième mercredi de Carême (ft 85).
La Pentecôte, 50 jours après Pâques, marque la fin du temps pascal. Le Saint-Esprit, la troisième personne de la Trinité, apparut aux disciples de Jésus. Qui suit la Révélation, sera sauvé. Jouenne veuve de Clément Bailleul aumôna 6 sous annuels en 1455, pour célébrer un obit d’elle et de son défunt mari, et de ses parents, « le vendredy devant Penthecauste une messe anote de requiem, fait pour Dieu et en omosne » (ft 75). Thomas Lefèvre fils de feu Marguerin créa en 1462 un obit pour son âme et celles de son père et mère, le mercredi après le St-Sacrement (ft 63). La Fête Dieu était fixée le deuxième dimanche après la Pentecôte, une fête qui se répandit aux XIVe et XVe siècles. Elle affirmait la présence réelle du Christ Sauveur dans l’Eucharistie.
La Toussaint était le second temps symbolique. Il allie la fête des Saints et la fête des morts qui commémore tous les défunts le lendemain. Les défunts ne sont pas oubliés, cette fête permet de vivre dans l’espérance de la Résurrection.
5 fondations s’y référaient. Messire Jacques Jouan prêtre et son frère Jehan avaient fondé en 1518 un second obit qui devait se faire le jour d’après la fête des trépassés, après le décès de Messire Jacques Jouan (ft 101).
Enfin le cycle de Noël, avec le temps de l’Avent et de la Nativité, fête la naissance de Jésus, le Messie envoyé par Dieu pour sauver les hommes. C’est Dieu qui s’est fait homme pour sauver les hommes.
3 fondateurs avaient fait le choix de ce temps pour leur obit. Thomas Cauvelande, bourgeois de Saint-Lô a créé en 1463 une rente annuelle pour l’église de Moon afin de célébrer une messe perpétuelle à Noël pour son âme et celles de sa femme Michielle, de ses parents et amis (ft 48).
Les fêtes des Quatre-Temps
Pour les quelques fondateurs de plusieurs obits, le choix s’était porté sur un étalement dans l’année liturgique dont les fêtes des Quatre-Temps. La liturgie des Quatre-Temps sanctifie le début de chaque saison. La semaine des Quatre temps était une semaine de jeûne, de pénitence et de recueillement spirituel les mercredi, vendredi et samedi.
A la fin du Moyen-Age ces fêtes d’obligation revenaient tous les trimestres. Le dimanche de la semaine des Quatre temps était consacré au souvenir des défunts. Messire Rogier Carbonnel créait en 1463 quatre obits pour son oncle Robert Carbonnel, prêtre curé de Moon, en son vivant. Quatre messes anote de requiem étaient dites à 8 heures du matin aux mercredis des Quatre-Temps (ft 53).




Les Quatre-Temps, le calendrier liturgique épousait le cycle des saisons qui rythmait la vie des campagnes paysannes (chemins de Moon aux quatre saisons). – GL
Le choix de plusieurs fondateurs pour un obit, vus précédemment, recoupait d’ailleurs les fêtes des semaines des Quatre-Temps. Guillaume Durand en 1432 (ft 67), Agnès Duquesnay en 1457 (ft 71) avaient retenu la première semaine du Carême. Jouenne veuve Bailleul en 1455 (ft 75), Richard Godes en 1478, prêtre à Moon en son vivant, portaient leurs choix sur la semaine de la Pentecôte dont le le vendredi des 4 temps pour Richard Godes (ft 23). La semaine qui suivait la fête de la Sainte-Croix en septembre marquait le troisième Temps. Geuret Piquenart avait retenu en 1449 (ft 74) la semaine suivant le troisième dimanche de l’Avent, dernier terme des fêtes des Quatre-Temps.
Quant à Maître Mathieu Boullenc, mu en dévotion, il avait fondé en 1505, six messes anote de requiem pour le salut de son âme et de celles de sa famille, ses défunts père et mère, frères et sœurs, oncles. « C’est à savoir le 1er jour d’avril, le second le 1er jour de juin, le tiers le 1er jour d’août, le quart le 1er jour d’octobre, le cinquième le 1er jour de décembre et le sixième le 1er jour de février pour le salut des âmes des dessus dits » (ft 96).
La première messe était fixée en avril. Pâques à l’époque du cartulaire marquait le début de l’année. La date de Pâques était fixée au premier dimanche après la première lune suivant l’équinoxe de printemps. Dans cet acte du cartulaire de 1503 nous retrouvons cette formulation « Ce fut fait, … le 6e jour d’avril l’an de grace 1503 avant Pasques, à conter selon l’usaige du diocèse de Coustances » (ft 103).
Enfin Denis Cauvelande, fils Denis Cauvelande seigneur de Moon, mu en dévotion, pour le salut de son âme et de celle de son épouse Guillemyne Pipart, avait fondé 12 messes, « 12 messes secrètes en 12 mois de l’an, fait pour Dieu et en aumône, et pour être ledit donneur, ses père, mère, parents et amis, tant vifs que trépassés, participants et accueillis à tous les bienfaits, prières, oraisons qui désormais seront célébrés en l’église de Moon » (ft 108).
Quel était le prix d’un obit ?
L’argent donné par les fondateurs d’obits servait à payer les messes anniversaires et les divers offices complémentaires. Par ces aumônes faites au clergé et au trésor de l’église de Moon, ils manifestaient leur attachement à leur église.
Pour les croyants de l’époque, l’Au-Delà était divisé entre deux royaumes, ceux de Dieu et de Satan. Ils s’affrontaient dans un combat, celui du bien et du mal.

Tympan de l’église de Conques : le curieux, ci-dessus – les 2 royaumes, ci-dessous – GL

Dans la géographie de l’Au-Delà, le voyage de l’âme conduisait celle-ci vers le Paradis céleste. Le royaume de Dieu, souvent représenté par un jardin, était un lieu idyllique comme celui de l ‘Eden avant qu’Adam et Eve en fussent chassés. Les élus qui avaient sauvé leur âme, par une vie exemplaire, y étaient conduits.
Le Purgatoire, terme apparu au XI e siècle et enseigné au XIIIe, un dogme l’admit comme troisième lieu, lors du concile de Lyon en 1274, était vécu comme un enfer provisoire. Si la faute était légère, l’attente serait courte et l’âme sauvée pouvait entrer au Paradis. Les dons faits par la famille, les prières dites par l’entourage, les messes célébrées par le clergé pouvaient assurer un « rachat de l’âme » plus rapide et effacer les péchés.
L’Enfer était le lieu réservé aux âmes damnées, les condamnés tombaient dans la bouche du diable. Ils étaient privés de la vision de Dieu pour l’éternité et étaient soumis aux peines infernales et supplices.


Tympan de l’église abbatiale de Conques : Satan a posé ses pieds sur le paresseux, l’avare est pendu par le cordon de sa bourse, d’autres sont livrés aux flammes de l’Enfer, châtiés par les démons. – GL
Dans le cartulaire de Moon, au moins 75 rentes furent inscrites pour justifier le paiement de la centaine d’obits commandés.
Des rentes annuelles versées en argent à la Saint-Michel
Plus des deux tiers, 56 au total, des donations furent versées en argent. Le montant moyen d’un obit, s’élevait à une dizaine de sous en rente annuelle, la fourchette allant de 5/6 sous, à 12/16 sous.
Les grosses donations étaient le fait du clergé de Moon, très attaché à leur église et très soucieux d’assurer le salut de leur âme et de leurs proches parents, par la fondation de plusieurs obits. Les donations dépassaient les 20 sous pour les prêtres comme avec Maître Richart Bauquet en 1506 prêtre de la grande portion (ft 96) ou avec Messire Pierre Delamare en 1507 (ft 98). Elles atteignaient les 60 sous de rente annuelle, comme en 1463 pour quatre obits destinés au salut de Messire Robert Carbonnel, prêtre en son vivant de la moyenne portion (ft 53).
La somme de six livres (soit 120 sous) fut donnée en 1463 par Maîtres Jehan et Robert Godes, prêtres, pour le salut de leur frère Maître Richart Godes, prêtre de la grande portion en son vivant, et le salut de leur famille, avec la messe Notre-Dame du dimanche matin et à défaut par une autre charité (ft 39). Maître Mathieu Boullenc, prêtre, assurait une rente annuelle de 6 livres en 1505, pour six messes anote de Requiem pour son salut et celui de sa famille (ft 96).
Les Cauvelande, seigneurs de Moon pour la partie relevant du fief du Hommet, firent de nombreuses donations. Denis Cauvelande, fils de feu Denis seigneur en partie de Moon en son vivant, créait une rente annuelle de 30 sous pour 12 messes secrètes, une chaque mois, à célébrer en l’église de Moon (ft 108). En 1504 Jehan, fils Jehan, fondait une rente pour trois obits (ft 91) et en 1516 une rente pour distribuer le vin et le pain à Pâques en l’église de Moon (ft 29). Guillaume Cauvelande prêtre au milieu du XVIe siècle aumônait deux rentes entre 1533 et 1556, la première de 110 sous par an pour six obits, la seconde de 50 sous par an, pour 4 obits ft 52). La branche de Saint-Lô avec Thomas Cauvelande, bourgeois de Saint-Lô créait une rente annuelle en 1463 pour un obit, sous la forme d’une messe perpétuelle (ft 48) célébrée en l’église Notre-Dame de Moon. Si ces prêtres de Moon et la famille Cauvelande, bourgeois de Saint-Lô résidant à Moon au début du XVe siècle, tabellions royaux au XVe et seigneurs de Moon en partie à la fin du XVe siècle étaient guidés par une profonde piété, ils désiraient aussi par leur générosité affirmer leur notabilité et leur rang social au sein de ces sociétés rurales, tout en laissant une mémoire dans le temps.

En s’appuyant sur une estimation, qui demeure aléatoire (voir article sur le cartulaire de Moon), le boisseau de blé contenait une trentaine de litres, mesure locale, soit près de 25 kilos, pour un prix de 2.5 à 3 sous à la fin du XVe siècle.

Le sou d’argent : créé en 1266 sous Saint-Louis (le gros tournois).
Le double tournois créé sous Philippe le Bel valait 2 deniers.
(1 livre tournois valait 20 sous, 1 sou tournois valait 12 deniers tournois).

Des rentes annuelles versées en nature à la Saint-Michel
Le versement d’une rente en nature était également accepté. Cette forme se pratiqua surtout au XVe siècle à Moon. Sur les 12 cas recensés dans le cartulaire, 10 dataient d’avant 1480. Le coût d’un obit valait en moyenne le versement annuel de trois boisseaux de froment, la fourchette allant de 2 à 4 boisseaux, voire 5 en 1482. Pour quelques cas, s’ajoutèrent un boisseau d’avoine, ou un mectent de pommes ou une gueline (volaille).
Thomas et Jehan Cauvelande créèrent leurs rentes sous une forme mixte, une partie en argent et une partie en nature. Jehan Cauvelande donna en 1504 une rente annuelle de 30 sous et 1.5 boisseau de froment pour les obits et 4 boisseaux de froment au trésor pour le vin et le pain de Pâques (ft 91). Mais sur les 75 rentes fondées, seulement sept le furent sous cette forme mixte.
Un clergé rémunéré pour la célébration de ces obits
Tout un ensemble de prêtres, de chapellains, de diacres, de sous-diacres, de clercs étaient mobilisés pour dire les messes et les obits, pour délivrer les sacrements et célébrer les fêtes du calendrier religieux, offices qui rythmaient la vie des habitants de Moon, une petite paroisse rurale.
Pour la grande majorité des obits créés dans le cartulaire de Moon, la règle de répartition de la rente était la suivante : 1/3 pour le prêtre célébrant et 2/3 pour les clercs aidant à la célébration. Dans un seul cas, la totalité de la rente alla aux prêtres. Ce fut pour la célébration de 12 messes secrètes à la demande de Denis Cauvelande, fils Denis. Cette messe non chantée ne nécessitait pas la présence de clercs aidant. « Lequel (Denis) meu en dévocion désirant le sallut de son asme et de Guillemyne Pipart son épouze, de sa bonne volonté confessa avoir donné et omosné affin de héritaige … … aux curez des trois cures de l’église parroissiale dudit lieu de Moon et à leurs successeurs en ladite église parroissiale. C’est assavoir trente solz de rente à avoir et prendre par chacun an au terme Saint Michiel … » (ft 108).
Cette donation de la fin XVe – début XVIe siècle, nous informe que l’organisation du clergé sur la paroisse de Moon s’articulait autour de trois cures. Le prêtre curé de la grande portion relevait du fief du Hommet, Messire Richart Bauquet la desservait en 1504 (ft 91). Le prêtre curé de la moyenne portion relevait du fief du roi, Maître Jehan Ragoult en fut le curé à la fin du XVe siècle (ft 94). Le prêtre curé de la petite portion dépendait du chanoine du chapitre de la cathédrale de Bayeux, patron de cette prébende. Elle était desservie par Me Jehan de Sanson en 1504 (ft 91).
L’aumône de 20 sous, de Guillaume Boullenc faite en 1458 nous apprend qu’un diacre et un sous-diacre voire chapellain, payé 5 deniers, aidaient aux deux messes d’obit de feu Nicolle Boullenc, oncle et ancien prêtre curé de Moon, le prêtre célébrant touchant 2 sous et 6 deniers, les clercs 6 sous et 8 deniers (ft 57). Certains prêtres exerçaient comme chapelains, tel Maître Richart Lorence fermier et chapellain du fief le Roy en 1476 (ft 77) ou Maître Fleury Lecanu prêtre chapelain de la cure du fief le roi en 1504 (ft 91).
Les prêtres curés titulaires des trois cures célébraient chacun leur tour, la messe Notre-Dame du dimanche et la messe du lundi matin selon un acte de fondation collective en 1464 « Enssuit la copie de la lettre de pluseurs rentes données et omosnées par plusieurs personnes pour ladite messe nommée Notre-Dame et pour la fondacion dicelle du lundy matin … icelle rente par condicion que les curés dicelle parroisse diroient et cellebreroient icelle messe chacun à son tour »(ft 40).

L’église de Moon était desservie par trois cures : la grande portion, la moyenne portion et la prébende – GL
Les prêtres étaient assistés dans la célébration des obits par des clercs aidants. Selon les exigences des fondateurs, les clercs participaient aux chants des messes, à la psalmodie des psaumes, aux récitations des prières et recevaient la communion. A ce titre, ils bénéficiaient des 2/3 de la rente, s’ils étaient présents. Ainsi en 1478 (ft 85), la liste des clercs participants en obits avait été précisée lors de l’enregistrement du don pour l’obit de Gyrot Le Vieul et de sa femme « Denis Lecanu, Gabriel Groult, Guieffroy Lelesant, Denis Durant, Robin Delamare et Jehan Cauvelande tous clers et ayant participacion en obits dicelle église ».
Au XVIIIe siècle, des prêtres obitiers existaient encore à Moon comme Robert Gillot, diacre en 1728 puis prêtre obitier en 1732 et inhumé en octobre 1743, âgé de 55 ans.
Le trésor de l’église de Moon sollicité dans la célébration des obits
Les donateurs sollicitaient le trésor pour fournir les supports matériels de la célébration des obits. Parmi leurs exigences, celle de l’allumage des cierges du luminaire pendant l’office, ou de chandelles pendant les vêpres ou les matines. Cette lumière fut mentionnée pour plus d’une vingtaine de fondations d’obits.
En 1425 Maître Jehan Fouchier, prêtre curé de la grande portion, donnait au trésor une rente annuelle 19 sous « pour avoir chacun an … le lumynaire dicelle parroisse ardant sur sa sépulture… « pendant la messe solennelle de son obit (ft 82). Guillaume Scellot donnait en 1432, 6 deniers au trésor pour le luminaire de l’église, dont un des cierges devait brûler pendant la messe (ft 64). Simone veuve de Cami Esmalles, demandait en 1451 l’allumage de deux cierges pendant la messe contre une rente annuelle de quinze deniers au trésor (ft 70). Quant aux deux obits demandés pour Nicolle Boullenc, ancien prêtre, « … les trésoriers dudit trésor … seront tenus … trouvés trois sierges ardans … », payés parune rente annuelle de35 sous (ft 57).
Jehan de Hennot prêtre curé de la prébende, quant à lui, avait demandé en 1476 une célébration des matines et vêpres « avec 9 lichons » (une liche est un chandelier, bougeoir selon le dictionnaire de l’ancien français de Godefroy) fournis par le trésor, payé 6 deniers (ft 77). Jehan Nicolle versait 2 sous et 6 deniers pour des vêpres « avec 9 lichons » en 1477, dans le cadre d’un obit pour le salut des âmes de sa famille (ft 79), tout comme Jehan Cauvelande en 1477 également, pour une messe anote de requiem avec matines à 9 lichons en précédent de la messe le 15 octobre pour le salut de son âme et de ses amis. Denis Cauvelande son fils confirma cette rente (ft 84).
Le pain béni et le vin distribués à Pâques, après que les paroissiens ont eu communié, étaient achetés par le trésor qui avait reçu la rente annuelle en conséquence, celle des Cauvelande.
Le coustour (le sacristain) était parfois désigné dans l’acte de fondation, pour sonner les cloches. Il ne touchait qu’une petite fraction de la rente annuelle, en moyenne 6 deniers, soit un demi-sou. Il sonnait les cloches pour annoncer la célébration de la messe ou des matines en mémoire du trépassé. Dans le cérémonial très élaboré de l’obit de Thomas Durand et de sa femme en 1519, le coustour devait sonner les cloches le jour de Pâques pendant le chant du Libera (ft 105). Sonner les cloches, voir servir à l’obit pouvait être demandé au coustour comme le demanda Jehan Nicolle en 1477 (ft 79) pour le prix de 9 deniers
Comment le donateur s’assurait de la pérennisation de la célébration de son obit ?
Le fondateur dictait ses volontés avec précision le déroulement futur de l’obit, la répartition de la rente à verser entre le clergé, les clercs et le trésor de l’église de Moon. Il insistait par exemple sur la présence effective des clercs aidants, afin de bien assurer le caractère solennel de la célébration, une rente versée aux seuls « … clers qui aideront à dire icelle … ».
Messire Guillaume Boullenc prêtre exigea en 1467 pour son obit, que les clercs « … se revestir des sourpelix de ladite église… » et que seuls « … les clers qui à ce seront depuis le commencement, ainsy qu’il a constienne jusques en laffin… » (ft 60). Cette obligation stipulée de la part d’un prêtre montrait qu’il ait pu assister à des abus. Des clercs peu scrupuleux, intéressés par la seule rente, venaient à l‘office sans participer à tous les chants et prières demandés par le défunt.
Afin d’assurer la pérennité de la célébration de l‘obit, le donateur faisait inscrire dans l’acte d’aumône, la source du financement de la rente à verser chaque année à la Saint-Michel. Elle pouvait être versée par des membres désignés de sa famille ou par leurs héritiers, ou prélevée sur des héritages ou des terres exploitées.
Feu Me Robert Basley, en son vivant prêtre curé de la prébende, avait donné et aumôné aux prêtres, clercs et successeurs à Moon 2 boisseaux de froment, mesure de Moon, et 2 sous 11 deniers le tout à prendre à la Saint-Michel sur les héritiers Ler (ft 111, de l’an 1477). « … c’est assavoir lesdits deux bouisseaulx sur les héritiers Jehan Ler, justicier une pièce de terres assise illec en camp d’Aigneaulx … et lesdits deux soulz onze deniers sur Denis Ler, justicier sur trois pièces de terre assises illec (ici), en fieu de la prébende, l’une sur le moulin de Moon, …, la deuxième en Long Camp, jouxtant les héritiers Jouan du Rachinay et bute au chemin de Cerizy, la troisième jouxtant lesdits héritiers Goulet et bute audit fieu de Saint Cler, selon les lectres passées devant Colin Lemoyne(tabellion royal) annexées… ».
En 1510, Messire Fleury Lecanu, prêtre de la paroisse de Moon, donna 20 sous de rente, « … pour dix solz tournois sur tous telz héritaiges tant en foncière qu’en rentes, comme il a acquis en hamel de la Planque et illecques (lieux) environ en ladite parroisse, et pour les autres dix solz tournois sur tous telz heritaiges comme il lui est venu et escheu de la mort et trespas du deffunct Denis Lecanu, son père … ». Cette aumône devait assurer la célébration de deux obits à la Saint-Nicolas en mai et le jour de son trépas, chaque année (ft 100).
Comment l’église de Moon s’assurait de la perception de la rente dans le temps ?
L’énonciation dans l’acte du nom de la personne ou de la terre sur laquelle reposait le versement de la rente, apportait au clergé et au trésor de l’église de Moon la garantie du versement de la rente annuelle à la Saint-Michel. Lorsque la perception de la rente s’appuyait sur une terre, ou un héritier, un historique des cessions de ce bien ou de la filiation de la personne pouvait être dressé.
En 1432, Guillaume Durant de Moon, « meu en dévotion », donna 4 boisseaux de froment, mesure de Moon, à la St-Michel, aux prêtres et clercs de l’église de Moon, une rente à prendre sur Jehan Bauquet de Moon et ses héritiers, pour un obitement perpétuel. La rente de 4 boisseaux avait été achetée par le père de Guillaume Durant, Thomas, en 1417 à Guillaume Colette, qui lui-même l’avait achetée en 1410 à Robin Lebas, rente que sa femme Ameline avait héritée (ft 67).
En cas de contestation de la part de l’héritier ou de l’exploitant de la terre sur laquelle la rente était assise, le trésor pouvait s’appuyer sur les termes de l’acte de donation et porter l’affaire devant les tribunaux.
En 1477, Colin Ducastel refusait de payer les 6 sous de rente dus à la St-Michel aux prêtres, aux clercs de l’église de Moon pour l’obit de Geuret de Clouey, une rente assise sur une terre à Saint Cler au lieu la Borderie, donnée jadis par Geuret de Clouey à l’église de Moon. Le clergé fit un procès à Colin Ducastel devant la haute cour de justice de Montenay. Ce dernier dut reconnaître tenir la terre des prêtres et clercs, et devoir payer la rente, ainsi que verser les arrérages depuis le dernier terme Saint-Michel (ft 83).
Pour éviter de déboucher sur un procès, le désaccord pouvait se clore par la conclusion d’un accord, négocié à l’amiable entre les deux parties.
En 1477, Guillaume Guelle, agissant, pour lui et ses frères, héritiers de Jehan, obtint un accord avec les prêtres, les clercs et le trésor, afin d’alléger les rentes des héritages de défunt Jehan Guelle, jugées trop chargées et que les héritiers Lucas, Richart et Guillaume Guelle, refusaient de payer. La rente annuelle due de 32 sous et de 4 boisseaux de froment fut abaissée à 17 sous et 4 boisseaux de froment. Seuls trois arrérages furent exigés (ft 78).
Le cartulaire, commandé en 1477 par le trésor de Moon, avait pour but de recenser et d’inscrire les donations faites et les rentes dues au trésor de l’église de Moon. Celles-ci avaient été dispersées lors des désordres créés, notamment par la guerre de Cent-Ans et l’occupation anglaise. Désormais dans son bon droit, le trésor et le clergé pouvaient en exiger les versements.
L’ensevelissement dans l’église de Moon
De façon indirecte, le cartulaire nous informe que la pratique de l’ensevelissement à l’intérieur de l’église de Moon existait déjà au XVe siècle.
Avoir son corps inhumé dans l’église, c’était l’espoir de voir son âme rejoindre plus vite le Paradis, et d’être auprès de Dieu. La célébration des offices religieux, les prières et les chants qui s’élevaient vers Dieu, bénéficiaient au salut des âmes des défunts.
Les quelques mentions dans le cartulaire concernent des membres du clergé ou leur famille, comme Me Jehan Fouchier en 1425 (ft 82), ou Messire Robin Laurence en 1502 (ft 99) inhumé devant la porte de la clôture du chœur, ou Girete veuve de Guillaume Boullenc en 1473 (ft 61).
La famille des Cauvelande, tabellions du roi, avec Jehan Cauvelande et sa femme, furent ensevelis devant l’autel Saint-Jacques en 1504 (ft 91).
Un notable de la paroisse, Jehan Ledot, trésorier de la fabrique de l’église de Moon y figure aussi. Ses parents furent inhumés devant le crucifix (ft 96). Par contre les Durand, autres petits notables de la paroisse, furent enterrés dans le cimetière mais près de la croix du cimetière (ft 105 de 1519).
Cette pratique de l’ensevelissement dans l’église se poursuivit aux Temps modernes jusqu’au XVIIIe siècle. L’édit de 1776 interdit les inhumations dans l’église pour des raisons sanitaires.
Les places les plus proches du chœur et du grand autel étaient les plus recherchées, mais aussi les plus chères. L’analyse de la répartition des tombes au sein de l’église de Moon traduit bien les hiérarchies sociales de la paroisse de Moon.

Eglise de Moon : la nef au premier plan, le chœur au fond, la chapelle Sainte-Barbe s’ouvre sur le chœur à droite – GL
Seuls les ordres privilégiés étaient représentés dans le chœur avec le clergé, et la noblesse. La famille des Bauquet, seigneurs et patrons de Moon aux XVIIe et XVIIIe siècle, furent inhumés dans le choeur de l’église et dans la chapelle seigneuriale Sainte-Barbe. Marie Bauquet, dame et patronne de Moon, veuve du seigneur de Moon, fut inhumée devant le grand autel en 1662. Une autre branche de nobles à Moon, les Guéroult, liés aux Bauquet, eut le droit d’être ensevelie entre 1641 et 1766 dans la chapelle Sainte-Barbe (6).

Le cartulaire de Moon, un témoignage de la ferveur religieuse des paroissiens du XVe siècle
Ce cartulaire qui a conservé une centaine de fondations d’obits, nous a transmis le témoignage de la piété des paroissiens de Moon de l’époque, animés par une forte ferveur religieuse auprès de leur église paroissiale et de leur clergé.
Cette demande de célébrations de messes anniversaires de leur trépas, témoigne également d’une angoisse, celle du salut de leur âme. La mort n’était qu’une étape de leur vie qui les menait de la vie terrestre à celle dans l’Au-Delà, avec une peur, celle de tomber dans les tourments de l’Enfer souterrain.
Accompagnés par les prières de leurs proches et la célébration d’offices religieux, plaçant leur confiance en l’intercession de la Sainte-Vierge, Sainte patronne de la paroisse, et des Saints, ils espéraient gagner plus rapidement les Cieux et le Paradis.
Mais tous ne disposaient pas des mêmes moyens financiers pour assurer le salut de leur âme, pour faire face au défi de l’oubli et à la fragilité de la trace laissée par leur passage sur la terre. Seuls, le clergé, le seigneur, les petits notables ruraux de la paroisse purent aumôner la fondation de leur obit et élaborer un cérémonial très personnel.
Face à ces donations et aumônes faites pour accéder au Paradis, l’Eglise se compromit dans des abus, comme la vente d’Indulgences pour la construction de la basilique actuelle de Saint-Pierre de Rome. Ils conduisirent à une rupture au sein de la Chrétienté. Luther et les protestants enseignèrent que seule la foi en Dieu et en à sa Parole, contenue dans la Bible, suffisaient pour espérer le Salut. L’homme ne pouvait pas se sauver seul, par lui-même et par ses seules œuvres. Seul Dieu accorde la Grâce.
Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les derniers actes du cartulaire datent des années 1550, le Bessin fut une terre du protestantisme et la paroisse de Moon fut touchée par ce mouvement. Dans l’ancien cadastre Napoléon, une terre à Moon porte le nom de cimetière des Huguenots.
Gilbert Lieurey
Sources :
- Histoire du Bessin, Edmond de Laheudrie (Res Universis 1991, volume 1)
- Fouages cahier Léopold Delisle, t. 25, page 154, 1976 – bibliothèque nationale ms fran 25015 ou 25915 n° 377 (table de Bayeux).
- La civilisation féodale, Jérôme Baschet (2004)
- Annuaire de la Manche 1898, article d’Edouard Lepingard
- Ft (91) : feuillet d’une page numérisée du cartulaire de Moon par les Archives de la Manche
- Registres paroissiaux des BMS de Moon
- Photos GL : photos Gilbert Lieurey
- « Meu en devocion et pensant au prouffit et salut de lame de lui et de tous ses parens … » Les bourgeois de Caen, la mémoire et l’au-delà (1396-1500) – Denise Angers, 2010.
Annexes
Feuillet 67 (page 89 ADM) : copie de la plus ancienne fondation d’obit datant de 1401.
Obit pour Guillaume Agoullant montant trois bouisseaulx de fourment que paie à présent Jehan Guelle.
Donne par extrait de registre 16e jour de novembre 1401 devant Colin Lemoyne /2 tabellion en la sergenterie de Saint- Cler, Guillaume Argoullant de Moon omosne aux prestres et /3 clers, trois bouisseaulx de fourment de rente, mesure de Moon, par la main de Jehan /4 Guelle sur léritage qui fut Perrin Bute. Et fut ce fait pour dire une messe par chacun /5 an, pour les asmes du père, de la mère dudit Guillaume, desdits enffans et aultres amys /6 trespassés, et de lui et de sa femme. Et par ainsy que le prestre qui dira la messe aura /7 le tiers, et les clers qui l’aideront à dire auront les deux parts. Et seront les héritiers /8 dudit Guillaume tenus à fournir sur le lieu, et est la vollenté audit Guillaume que l’en chante /9 la messe par chacun an, faict comme il suiva le mardy avant la fête Cratherine, que la messe /10 soit de Notre Dame, et après son décès au jour de son obitement et de requiem. Et /11 dorénavant à item, ung obit que ledit Guillaume avoit fait de six soulz sur Guillaume Scellot, /12 il le revocque. Tesmoings Jouhan Cauvelande et Colin Dupont. Cest présent extrait a este / 13 fait et signé par moy ledit Denis Cauvelande, tabellion en ladite sergenterie à ce auctorisy /14 par justice après le trespas dudit tabellion.
Collacion faicte D.Cauvelande (paraphe)
Revoquier, revocquer : rappeler, faire revenir (dictionnaire Godefroy)
Feuillet 67 (page 90 ADM) fondation d’obit en 1432 par un petit notable de la paroisse, à célébrer lors de la première semaine du Carême.
Obit pour Guillaume Durant, montant quatre boisseaulx de fourment de rente que paie à présent les hoirs de Thomas Bauquet.
Copie à tous ceulx que ces lectres verront et orront, Pierres Tailleboys garde du séel /2 des obligacions de la viconté de Baïeux, salut. Savoir faisons que par devant Marguerin /3 Lemoyne, tabellion juré commis en la sergenterie de Saint Cler, soubz Michiel Pépin, /4 fut présent Guillaume Durant de la parroisse de Moon, meu en dévocion. Lequel de sa bonne /5 et franche vollenté confessa avoir donné en obitement en perpétuité, affin de la rente /6 au prestre et clers de l’église de Notre Dame de Moon. C’est à savoir quatre bouisseaulx de froment, /7 mesure de Moon, à avoir et recevoir par chacun an, mes dorénavant par /8 la main de Jehan Bauquet dudit lieu de Moon et de ses héritiers, au terme Saint Michiel /9 dudit lieu de Moon en septembre. Lesquels quatre bouisseaulx de fourment, Robin Lebas et Ameline sa femme, /10 à cause d’elle, dudit lieu de Moon, vendirent et transportèrent à Guillaume Collete l’an /11 1410, le 10e jour d’aoust devant Guillaume Vaquerie, tabellion pour lors en /12 la sergenterie de Saint Cler ,et ledit Guillaume Collete les vendit et transporta à Thomas /13 Durant, père dudit donneur, le 1er jour de juing l’an 1417, /14 devant Guillaume Dumesnil, tabellion en la sergenterie d’Isigny, le tout jouxtant et que /15 il est le plus à plain contenu, ces lectres sur ce faictes par my, lesquelles ces présentes /16 sont annexées, à justicier pour ladite rente jouxtant le contenu en icelles lectres annexée. /17 Et fut ce fait pour dire vespres et vigille, le jeudy de la première sepmaine /18 de Caresme, et une messe le vendredy dicelle sepmaine, pour lame dudit feu /19 son père et de sa mère, et de lui et de sa femme, quant eulx seront allés de vie à décès, /20 et de tous leurs aultres biennfaictours et amis vifs et trespassés. Et avoir deulx /21 bouisseaulx dicelle rente, aux vespres et vigille, et deux bouisseaulx à la messe, et aura /22 le prestre qui dira icellui service le tiers, et cheulx qui l’aideront à dire les deulx /23 pars, et est la vollenté dudit donneur que iceulx vespres, végille et messe, soit /24 des trespassés. Laquelle rente, ledit donneur promist garantir, se de son fait ou /25 de ceulx dont il a le droit, estoit empeschie en aucune manière. Et quant à tout /26 ce devant dit, sans jamais aller, ni faire aller au contraire, icellui donneur en /27 obliga pour lui et pour ses héritiers, tous leurs biens meubles et héritages présents et/28 advenir, où que ilz soient à prendre, à vendre par office de justice, pour ce entérigner /29 et pour rendre tous coustz, missions et despens fais et eubz. Pour ce, en tesmoing /30 ces lectres sont séellées dudit séel à la rellacion dudit juré, sauf aultry droit. Ce fut /31 fait en la présence de Raoul Guisle et de Denis Ler tesmoings à ce, le 11e jour de juillet /32 en l’an de grace 1432, ainsy signé M.Lemoyne. Donne par /33 copie soubz les signes de Denis Cauvelande et Jehan Bauquet, tabellions en /34 ladite sergenterie, le 18e jour de mars l’an 1476.
Collacion faicte D.Cauvelande (paraphe)
Feuillet 99 (page 122 ADM) obit fondé en 1503 par Richard Laurence prêtre de Moon, au cérémonial très élaboré
Obbit pour messire Richart Laurence prestre par luy fondé, à estre fait après son déceps, monctant aux prestres et clers quinze soulz tournois, à la messe Nostre Dame cinq soulz, et au trésor 2 soulz 6 deniers.
Messire Richart Laurence, prebstre de la parroisse de Moon, chappelain et desservant l’église dudit /2 lieu pour la cure duHommet, donne et omosne afin aux curés et clers participans es obitz /3 dicelle église, et à la fondacion et escroissement des messes Nostre Dame des trespassés fondées /4 en ladite église, tous les dymence et lundys de l’an audit terme Saint Michiel, aprèz la mort /5 et trespas dudit messire Richart, et audit trésor dicelle église, vingt-deux soulz six deniers tournois /6 de rente, à avoir et prendre par chacun an, audit terme, sur une pièce de terre en clos /7 nommé le Clos Delalande, audit messire Richart Laurence appartenant, assis tant audit lieu de Moon que /8 en la parroisse d’Airel, jouxtant la Rue Delalande et Girart de Creully escuïer des costés, bute /9 d’un but au chemins Saint Cler et d’autre à Guillaume Alain, et sur chacune partie et. Et fut, ce /10 fait pour Dieu et en omosne, et pour estre ledit messire Richard, ses père, mère, parens, amys /11 et bienffaicteurs, tant vifz que trespassés, participans et acuillis en bienffaicz, /12 matines, messes, vespres, végilles, priaires et oraysons, qui désormais seront fais, /13 ditz et célébrés en icelle église. Et aussy pour ce que lesdits curés et clers seront tenus /14 dire et célébrer et chanter en icelle église, chacun an, aprèz la mort et trespas dudit /15 messire Richart, le jour dudit trepas, une messe de requiem avecques vespres et /16 matines des trespassés, et mesmes aussy dire et chanter la comandasse (1) qui se /17 … par Béati immaculati, avecques les aultrez pseaulmes anciennes et oraysons, /18 à ce aconstenues, de dire le tout en précédent dicelle messe. Et avecques ce, dire et chanter /19 en laffin dicelle, Libera me domine avecques les oraysons et suffrages, devant l’us du /20 cancheel (2) dicelle église, sur la tombe et sépulture de feu Robin Laurence, estant /21 à l’entrée et auprès d’icelluy hus, ou sur la sépulture dudit messire Richart, en cas /22 qu’il seroit en sépulture en ladite église ou en cimetière, pour le salut des asmes dudit /23 messire Richart, sesdits père et mère, parens et amys, ainsy que dessus esdit. De la /24 quelle rente, lesdits curés et clers auroient, pour faire dire et célébrer lesdits services, /25 quinze tournois, lesdites messes Nostre Dame et des trespassés cinq soulz tournois, et le trésor /26 pour trouver le luminaire en faisant icelluy service aura deux soulz six deniers tournois, /27 et ne receuct lesdits curés, clers et trésor aucune choze de la dite rente, jucques /28 aprèz le deceps dudit messire Richart par ainsy, aussy que icelluy service d’obit /29 ne sera point fait, jucques aprez son deceps. Et laquelle rente, icelluy messire /30 Richart promist gairantir vers tout, pour luy et pour ses hoirs, et icelle fournir /31 et faire valoir sur tous ses autres heritaiges, sans dechie ne /32 admenistement. Tesmoings messire Richart Lecarpentier prestre et Thomassin /33 Esnault, fait le 20e jour de feuvrier l’an mil cinq centz et deux, devant Denis /34 et Jehan ditz Cauvelande, tabellions en siège duHommet.
Collacion faicte D.Cauvelande (paraphe)
- Comandasse, commandace : prière pour les morts différente des vigiles ou de l’office des morts
- Beati imaculati : psaume 119 (118) de la Bible qui commence par Beati imaculati in via … (Heureux ceux qui sont intégres dans leur voie …)
- L’us du cancheel : la porte du chancel (clôture, balustrade qui sépare la nef du chœur, du maître-autel)
Feuillet 96 (page 119) : obit fondé en 1505 par le trésorier du trésor de l’église de Moon
Obit pour Jehan Ledot monctant aux prestres et clers neuf solz tournois et au trésor douze deniers tournois.
Jehan Ledot, de la parroisse de Moon, donne et omosne afin avoir aux curés, clers et trésor dicelle /2 parroisse, dix soulz tournois de rente, à avoir et prendre par chacun an, au terme Saint Michiel, /3 par la main dudit donneur, justicier et sur tous ses héritaiges et sur chacune partie et pour /4 le tout, touteffoys que mestrer en sera, fait pour Dieu et en omosne,. Et pour estre ledit /5 donneur, la deffuncte sa femme, ses père, mère, parents, amys et bienffaicteurs participans /6 et accuillis en bienffais, matines, messes, vespres, vigilles, priaires et oraisons, qui /7 désormais seront fais, ditz et célébrés en ladite église. Et aussy pour avoir par chacun /8 an en icelle église, la végille Nostre Dame my oust, une messe anote de requiem, avecques /9 matines des trespassés en précédent dicelle messe, pour le salut des asmes des dessus dits, /10 et pour l’obit dudit Jehan Ledot, avecques Libera et suffrages aconstenus en la fin dicelle /11 messe, devant le crucefix où sesdits père et mère et femme sont inhumés. De laquelle /12 rente, lesdits curés et clers auront neuf soulz, et le trésor douze deniers. Et laquelle /13 rente, icellui Ledot ou ses hoirs pouvront baillier, tourner et assoir auxdits curés /14 clers et trésor, en ung lieu seullement en la dite parroisse, en rente foncière, laquelle assuicte, /15 ilz seront tenus prendre et accepter par my, ce que ledit Jehan Ledot et sesdits hoirs là seront /16 tenus gairantir et fournir. Tesmoings Guillaume Bayvel et Raoul Leharivel. Fait /17 le 27e jour de may l’an mil cinq cents et cinq, devant Denis et Jehan ditz Cauvelande, /18 tabellions en siège duHommet.
Collacion faicte D.Cauvelande (paraphe)
Feuillet 100 (page 123 ADM) 2 obits fondés en 1510 par Me Fleury Lecanu prêtre de Moon.
Deux obbitz pour messire Fleury Lecanu prestre, monctant aux curés et clers 18 soulz tournois, et au trésor 2 soulz.
Donne par extraict de registre, le 10e jour de may mil cinq centz dix, devant esdits Denis et /2 Jehan dit Cauvelande tabellions, et vénérable et discrète personne messire Fleurens Lecanu, /3 prestre de la parrroisse de Moon. Donne et omosne affin et aux curés, clers et trésor de l’église dudit /4 lieu, vingt solz tournois de rente à avoir, et à prendre par chacun an, au terme de Saint Michiel, par /5 la main dudit messire Fleurens. Et à justicier pour dix solz tournois sur tous telz héritaiges tant /6 en foncière qu’en rentes, comme il a acquis en hamel de la Planque et illecques environ en ladite parroiss., /7 Et pour les autres dix solz tournois sur tous telz heritaiges comme il lui est venu et escheu de /8 la mort et trespas du deffunct Denis Lecanu, son père, et dont icelluy messire Fleury est encore /9 à prendre, saisy, et sur chacune partie diceulx comme dit est, quant mestrer en sera. Fait pour Dieu /10 et en omosne, et pour estre ledit donneur, ses feux père, mère, frères, seurs, parens et amys, /11 tant vifz que trespassés, participans et acuillis en tous les bienffaics, qui désormais /12 seront faitz, ditz et célébrés en icelle église. Et aussy pour avoir, par chacun an, en icelle / 13 église, deux messes anote avecques matines des trespassés en précédent de chacune desdites messes, /14 et Libera anote en laffin de chacune dicelles messes, pour deux obbitz pour ledit messire /15 Fleury et parents, amys trespassés. C’est à savoir l’un desdits obbitz le jour Saint Nicolas en may, /16 et l’autre le jour du trespas et décès dudit messire Fleury, lequel obbit ne se fera jucque /17 aprèz son décès. Et aussy il ne payera que dix solz tournois pour ledit premier obbit, sadite /18 vie durante, de laquelle rente, lesdits curés et clers auront dix-huit solz tournois, et le trésor /19 pour trouver le lumynaire et a… pour ce faire, aura deux solz tournois du nombre, desquelz /20 vingt solz tournois de rente, ledit donneur retient condicion de… assiecte, auxdits curés clers et trésor, /21de dix solz tournois en bonne et suffisante assiecte, en ladite paroisse ou en la parroisse d’Airel, en ung lieu seulement. /22 Laquelle assiecte quant faicte sera, esdits curés clers et trésor seront tenus prendre et accepter par /23 my, ce que ledit messire Fleury et ses hoirs la seront tenus gairantir et sommer sur tous leurs /24 biens et héritaiges. Tesmoings Thomas Lefoullon et Guillaume Rouxelin. Ce présent extraict a este /25 signé, par moy Guillaume Cauvelande, filz dudiz Denis Cauvelande, à ce auctorisy par justice, pour /26 l’inconvénient de la veue advenu audit Denis Cauvelande.
collacion faicte G.Cauvelande (paraphe)
Trésoriers (2) et membres du trésor de l’église de Moon
1439 : Thomas Sevestre, Perrin Lefèvre dit le Vétier.
1444 : Jehan Lelaizant et Marguerin Alain.
1444 : Gieffroy Lelaizant et Marguerin Alain.
1444 Conseil : Thomas Raoul, Denis de Lecanu, Marguerin Lemoigne, Henry Broult, Guillaume Delalande, Perrin Gerbost, Michel Ledot, Jehan Guelle, Guillaume Boullenc, Guillaume Lecarpentier
1445 : Robin Laurence et Guillaume Bouchart.
1445 : conseil du trésor : Guillaume Boullenc, Michel …, Guieffroy Lelaizant, Jehan et Richart dit Lefèvre, Estienne Groult, Thomas Lecanu, Guillaume Durant, Denis Ler, Thomas Guisle, Perrin et Guillaume dit Delalande tous parroissiens dicelle parroisse.
1445 (ft 111) : Robin Laurence et Guillaume Bouchart – psts mêmes personnes que ci-dessus.
1448 : Guillaume Boullenc et Jehan Guelle (ft 14 et 111), ft 112 (Jehan Guelle le Jeune).
Présents : Robin Laurence, Jehan Mouisson, Thomas Lefèvre, Thomas Durant, Jehan Ledot, Guillaume Bouchart, Jehan Rivière, Estienne Groult, tous de Moon. + Messires Richart Godes et Robert Carbonnel prêtres curés de Moon, maistre Guillaume Boullenc prestre (ft 14 et 111)
1455 : Perrin de Baupteiz, Denis Lecanu.
1459 : Guillaume Boullenc, Jehan Guelle le Jeune.
1459 : Guieffroy Lelaizant, Jehan Boullenc.
1460 : Gieffroy Lelaizant et Guéroult.
1459 : Gieffroy Lelaizant et son compagnon Jehan Boullenc.
1460 : Gieffroy Lelaizant et Jehan Groult.
1461 : mestre Richart Godes, prestre curé de la grant porcion dudit Moon, mestre Guillaume Boulenc et Martin Gouet prestres, Jehan Guelle, Gabriel Groult, Jehan Mouisson, Thomas Le Vétier, Denis Lecanu et Gieffroy Lelaisant tous clers agissant pour les prêtres et clercs de ND de Moon (don de 8 sous de Rogier Carbonnel pour messe des trespassés ft 57 )
1463 : Robin Delamare. Conseillers : Guillaume Vyart, Guillaume Lelezant, Jehan Canut
Juin 1464 : Jehan Le Dot et Jehan Boullenc.
1464 : Gieffroy Lelaizant et Ledot.
Paroissiens présents: Jehan Durant, Jehan Duquesnay, Girot Lebreul, Jehan Lefèvre, Raoul Lefèvre, Charles Lefèvre, Denis Lecanu, Henri Esnault.
1465 : Gieffroy Lelesant représente le trésor au tabellionnage de Quicbou (vente d’une rente par Thomas Bauquet ft 56)
1470 : Perrin de Bauptéis (ft 44).
1473 : Henry Esnault et Laurent Delalande.
Conseil : Jehan Ledot, de Jehan Durant, Robin Ducastel, Gabrieul Groult, Denis Lecanu, Guieffroy Lelaizant, Guillaume Vyart l’aisné, Colin Ducastel, Guillaume Guelle, Lucas le Vétier, Guillaume Vyart le Jeune, Perrin Leveugueux, tous parroissiens de ladite parroisse de Moon.
1473 : prêtres et clercs (ft 61) maistre Robert Foliot et Guillaume de Henriot prestres fs… curé du Hommet et de la prébende, maistre Richart lecarpentier, Richart Lorence, Jehan Lelesant prestres, Richart Ducastel, Gieffroy Lelesant, Denis Lecanu, Gabrieul Groult et Robin Delamare tous clers et ayant participacion en ladite parroisse.
1477 : Denis Cauvelande, Jehan Ledot.
Conseil du trésor : Jehan Durant, Jehan Fouchier, Henry Esnault, Guillaume Vyart, Robin Castel, Colin Ducastel, Henry Groult, Jehan Aubret, Jehan Duquesnay, Guillaume Lecarpentier, Denis Lecanu, Robin Lecoqu.
1477 : Conseil du trésor : témoins après procès hte cour de justice de Montenay, Denis Cauvelande et Denis Lecanu procureurs pour les prêtres rente de 4 sous à verser pzr Thomas Lefèvre – témoins : mestre Richart Lorence prêtre, Jehan Durant, Richart Lefèvre, Jehan Leconte, Guillaume Ducastel, Girot Le Breul, Gabriel Groult, Guillaume Vyart, Raoul Leharivel, et Thomas Le Breul. (ft 84)
1478, 1479 : Denis Cauvelande et Jehan Ledot.
1478(ft 93) conseil : maistre Robert Sausson dit Foliot, Richart Laurence et maître Mathieu Boulenc prêtres fermiers et desservants en ladite église, maîstre Richart Lecarpentier prêtre, Gabriel Groult, Denis Lecanu, Jehan Groult, Fleury Groult, Thomas et Jehan dis Levieul, Denis Guelle et Denis Cauvelande, tous ayant participation en obbitz de ladite église.
1480 : Jehan Ledot et Denis Cauvelande.
1482 (ft 87) : Denis Ler et Robin Delamare.
1519 (ft 105) : Présents vénérables et discrètes personnes, maîtres Richard, Robert et Guillaume dits Bauquet, curés d’icelle église, maître Mathieu Boulenc, curé de Cartigny, maître Pierre Thouaye, messires Richard Lecarpentier, Richard Laurence, Jacques Jouan et Jehan Lelesant, présents Guillaume Bauquet, Denis Cauvelande le Jeune et Jehan Cauvelande son fils, Georget Viart, Jehan Lecarpentier, Girot Lecanu, Georget Groult, tous clercs ayant participation esdits obits.
1540 (ft 108) liste des membres du trésor vénérables et discrètes personnes maistres Richard et Robert dits Bauquet prêtres et curés des 2 grandes portions de cette paroisse, pour eux et pour la cure de la prébende dudit lieu, et messire Pierres Lenglois et maistre Thomas Meslier ? prêtres, Jehan Lecoquelin, Girot Lecanu, Denis Castel, Gabriel Durand et Thomas (Guerout, Guiraut, Groult ?) trésoriers dicelle église.