Histoire des écoles de Moon-sur-Elle (1881-2000)
Depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle avec la présence attestée de maîtres d’école, et le milieu du XIXe siècle avec la construction du bâtiment de l’école actuelle en 1843 et l’aménagement d’un bâtiment pour l’école des filles près de l’église en 1862, plusieurs générations d’enfants de Moon ont pu recevoir une instruction primaire minimale.
Les lois scolaires de 1881-82 de la IIIe République avec Jules Ferry posèrent un cadre définitif pour instaurer une école publique primaire obligatoire dans chaque commune. Moon fonctionna avec 2 sites : l’école des garçons située près de la mairie et l’école des filles près de l’église. En 1938 fut inaugurée une troisième école, l’école intercommunale du Quartier de la gare, dont le bâtiment était situé sur Sainte-Marguerite d’Elle.
L’école des garçons (le bâtiment date de 1843)
L’école des filles (1862-1961)
Fiche : résumé de l’article
Les lois scolaires de Jules Ferry en 1881-82
Avant les lois scolaires de 1881-82, il existait déjà des écoles à Moon-sur-Elle, celle des garçons au village et celle des filles à l’église. Les lois de Jules Ferry instituèrent une école primaire obligatoire pour tous les enfants dans chaque commune, gratuite et laïque. Malgré cette obligation, l’instituteur M. Tiphaigne, notait encore à la fin du XIXe siècle, de l’absentéisme qui touchait au moins 1 élève sur 5, selon nos sources. Dans le cadre de la laïcité obligatoire, une nouvelle institutrice, formée à l’Ecole Normale de Coutances, fut nommée à l’école des filles de Moon en 1894. Elle y resta jusqu’à sa retraite en 1929.
Au cours des années 1930, la croissance démographique de la commune nécessita la création d’une troisième classe en 1936, celle de la classe mixte des petits, qui fut rattachée à l’école des garçons. Quant au quartier de la Gare, une école intercommunale avec les communes de Lison et de Sainte-Marguerite d’Elle a vu le jour en 1938.
La fermeture du site de l’école des filles en 1961
Avec la loi sur la mixité, avec la baisse démographique de la commune, elle s’accéléra dans les années 1960-70, et avec la création du collège de Saint-Clair-sur-Elle en 1963, le site de l’école des filles fut fermé en 1961, ainsi que la troisième classe. Désormais le site du village, mairie-école, abritait les 2 classes mixtes, dans le cadre de bâtiments agrandis avec la construction d’un nouveau groupe, inauguré en 1956.
Un nouveau dynamisme dans les années 1980-90
Il a fallu attendre un nouvel élan, impulsé par le maire, M. Arthur Turmet dans les années 1980-90, pour aboutir à la création d’une classe maternelle en 1986 et d’une quatrième classe en 1987. Le groupe scolaire s’étoffa de 2 nouveaux bâtiments. Par la création d’une Amicale des parents d’élèves dans les années 1980 et par le dynamisme de l’équipe enseignante, plusieurs activités purent se développer : classes découvertes, activité piscine, fête de Noël, le journal « le Petit Moonais ». A l‘entrée dans le XXIe siècle, 95 enfants fréquentaient l’école de Moon-sur-Elle.
Article
L’école de Jules Ferry : une école gratuite, obligatoire et laïque instituée en 1881-82
Premier principe, une école gratuite
La gratuité était la condition nécessaire pour instaurer une école obligatoire. L’Etat se substitua aux parents dès 1882 pour prendre en charge le traitement total des instituteurs. Les communes ne versèrent plus aucune rémunération aux instituteurs, mais durent assurer le logement des instituteurs, la location ou l’acquisition de locaux scolaires avec leur entretien, et assurer l’acquisition du mobilier scolaire
Après 1881, les parents de Moon n’eurent plus besoin de payer les 1.75 francs mensuels pour rétribuer l’instituteur. Il en fut de même pour la commune qui versait une rétribution de 0.75 franc mensuelle pour les enfants de familles indigentes.
En 1879 le conseil avait recensé 26 familles indigentes soit 99 personnes dont une cinquantaine d’enfants sur les 800 habitants de la commune. Toutes les communes durent en 1882 instituer une caisse des écoles, que Moon déclina dans un premier temps. La commune arguait qu’il existait déjà un Bureau de bienfaisance, dont un conseiller municipal Louis Roussel et le curé Henri Morisset étaient les délégués. Un fond de 200 francs annuel de ce Bureau servait à la distribution gratuite de pain à l’école pour le dîner de chaque jour des élèves indigents et à l’achat de fournitures aux mêmes élèves.
Moon dut verser encore 400 francs environ annuels (soit 20 % du coût) pour le traitement des instituteurs jusqu’en 1888 (1)
Jules Ferry (1832-93), ministre de l’Instruction publique entre 1879 et 1885
Second principe, une école obligatoire
La loi rendit obligatoire la fréquentation de l’école primaire pour tous les enfants de 6 à 13 ans. Des Commissions municipales scolaire furent instituées en mai 1882, afin de lutter contre l’absentéisme, fréquent au moment des travaux agricoles, mais aussi avec l’envoi des enfants au travail, notamment chez les familles pauvres qui préféraient quelques revenus à l’instruction. L’absentéisme des filles était une autre préoccupation. Leur horizon étant de devenir une femme au foyer « occupée au ménage », seule une éducation religieuse importait.
La Commission dressait la liste de tous les enfants de 6 à 13 ans et la remettait au directeur de l’école qui tenait un registre d’appel. En cas de 4 absences de l’élève dans le mois sans justification admise, le parent était convoqué en mairie par la Commission pour y être entendu. En cas de récidive, la Commission pouvait ordonner l’inscription du nom du parent responsable à la porte de la mairie avec le fait relevé, et cela, pendant 15 jours à 1 mois.
Présidée par le Maire Mr Regnouf de Vains, et constituée de 4 délégués désignés par le conseil (3 conseillers Mrs Heussebrot, Hervieu, Demagny et le curé l’Abbé Morisset), et de l’Inspecteur du primaire, la commission municipale avait pour fonction de surveiller et d’encourager la fréquentation des écoles.
Au début des années 1890, sur un échantillon de 60 élèves de l’école des garçons (2), 1/3 étaient fils de journaliers, 1/3 fils de cultivateurs, 1/4 fils de cheminots et le reste fils d’artisans. L’instituteur, Mr Tiphaigne déplorait encore une fréquentation irrégulière de l’école pour une douzaine d’élèves, soit 1 élève sur 5 de notre échantillon.
Ainsi les frères Louis et Jules L., fils d’une journalière, « Louis, élève médiocre venant rarement à l’école – Jules, n’a pas fréquenté depuis la rentrée (1890), vient rarement en classe » ou Eugène L. fils de cultivateur « élève sage, peu studieux, fréquentant irrégulièrement »
ou les frères Eugène et Lucien G. fils de cheminot « Eugène ne venait pas en classe 1 mois sur 4, aussi restait-il ignorant – Lucien, comme ses frères, intelligent, mais fréquentant rarement, négligence des parents »
Certains quittaient l’école avant l’âge de 13 ans comme Ernest L. fils de journalier « a quitté l’école à 12 ans pour aller travailler chez un cultivateur – bon petit garçon, mais pas de mémoire ».
Tombe de la famille Tiphaigne (le fils Eugène) au cimetière de Moon : A la mémoire d’Eugène Tiphaigne directeur d’école, officier d’académie – né à Moon le 1er mars 1874 – décédé à Torigni s/ Vire le 22 7bre 1927 – de Profundis
Troisième principe, la laïcité
La loi de 1882 institua l’instruction morale et civique au programme remplaçant l’instruction religieuse. L’instruction religieuse devait désormais se faire en dehors des édifices scolaires. A cette fin, les écoles devaient, outre le dimanche, vaquer un jour par semaine (le jeudi), pour permettre aux parents la liberté de donner une instruction religieuse. Les commissions scolaires cantonales furent consultées pour choisir les nouveaux manuels afin de remplacer les livres religieux qui servaient de base pour l’instruction.
La loi de 1886 décida de confier exclusivement l’enseignement à un personnel laïc dans un délai de 5 ans, écartant ainsi les personnels issus des congrégations religieuses.
L école normale des filles fut créée seulement en 1883 et inaugurée en 1886, celle des garçons datait de 1832 dans la Manche
Edouard Tiphaigne instituteur public à Moon depuis 1869 remplissait les conditions. Quant à l’institutrice Aimée Renard issue des congrégations religieuses, arrivée à Moon en 1862 à l’école spéciale des filles, elle fut remplacée au cours des années 1880 par Madame veuve Bauquet. Aimée Renard fut inhumée le 19 janvier 1918 à Moon, elle était âgée de 89 ans.
Ce fut en 1894 que fut nommée à l’école des filles de Moon Marguerite Sénéchal, jeune institutrice âgée de 22 ans, née à Saint-Lô, issue de l’Ecole normale des filles de Coutances. Cette école fut créée seulement en 1883 et inaugurée en 1886. Marguerite Sénéchal répondait au cadre de la loi de 1886 fixée sur la laïcité. Marguerite Sénéchal fit sa carrière à Moon jusqu’en 1929. Elle décéda à Cherbourg en novembre 1949 âgée de 77 ans.
L’école, un enjeu politique
Entre la jeune République, née en 1870, qui voulait inculquer les valeurs républicaines et l’Eglise monarchiste qui contrôlait l’instruction des enfants, le conflit se durcit. L’Eglise et la IIIe République s’affrontèrent sur la question des manuels, sur les enjeux de l’instruction morale et de la laïcité : neutralité à l’égard de la religion ou anticléricalisme…
« Le tour de la France par … » manuel scolaire de lecture sur 2 orphelins quittant l’Alsace-Lorraine annexée par la Prusse et traversant la France. Cet ouvrage de librairie de l’école laïque a formé des générations d’élèves, un ouvrage moralisateur qui enseignait devoir et patrie.
Ce conflit eut-il des répercussions à Moon ? Difficile d’y répondre ? Le conseil municipal était dirigé par le châtelain de Moon, Mr Regnouf de Vains. Les familles rurales de la Manche restaient encore très attachées à une instruction religieuse et aux rites comme la première communion.
Le conseil avait désigné le curé de Moon comme membre de la nouvelle Commission scolaire créée en 1882, présidée par le maire. Cette délégation fut reconduite en 1884 et 1888 par le conseil (1), malgré la loi de 1886 qui imposait un personnel laïc. Aussi le préfet refusa cette nomination de 1888, l’abbé Morisset étant inéligible. Gustave Pignolet, conseiller, le remplaça en 1889.
Quant à Edouard Tiphaigne l’instituteur public de l’école des garçons, il était fils d’agriculteur et appartenait à ce monde des familles rurales de la Manche. Secrétaire de mairie à Moon, il entretenait des contacts réguliers avec la municipalité et entra d’ailleurs au conseil municipal une fois à la retraite, en mai 1900.
La classe d’adultes d’hiver
L’une des ambitions de l’école publique et laïque, outre de former des citoyens républicains, était l’égalité, un des 3 mots de la devise républicaine. Ces cours ouverts aux garçons adultes, ils ne pouvaient pas être mixtes selon la loi, fonctionnaient déjà depuis une vingtaine d’années à Moon.
Réorganisés par le décret de 1884 et rattachés à l’école primaire, le conseil municipal les jugeait encore en 1884 comme « un véritable bienfait pour les illettrés et les jeunes gens qui désiraient maintenir et compléter leurs connaissances primaires », ces cours d‘adultes garçons furent maintenus à Moon. Les cours avaient lieu le soir en hiver après le travail, une période creuse pour les travaux agricoles. La classe consistait toujours en cours de révision (lecture, écriture et calcul) pour les illettrés, auquel s’ajouta désormais un cours de perfectionnement (plusieurs matières) pour approfondir.
Pourtant à partir de l’hiver 1885-86, ils furent supprimés à Moon. Le conseil justifia son refus, « ces cours ne sont pas régulièrement suivis… », (ils) « ne produisent pas les résultats qu’on serait en droit d’attendre ». Par ailleurs, « la commune est étendue et les villages disséminés (sont) loin de l‘école… ». Il était vrai que le fait de venir à pied de certains hameaux éloignés, le soir en plein hiver après la journée de travail, ne favorisait pas la fréquentation de ces cours.
Mais la raison principale restait le financement. La subvention d’Etat disparaissait, le maître étant rétribué désormais directement par l’Etat. La commune devait assurer seule les frais. Au début des années 1880 la commune versait 80 francs pour l’instituteur et 20 francs pour les frais de chauffage et d’éclairage, couverts par une subvention jusqu’en 1884.
Si nous reprenons notre échantillon des 60 élèves de l’école des garçons scolarisés au début des années 1890, la plupart des enfants des cultivateurs et des journaliers quittaient l’école pour aller « travailler à l’agriculture »
comme Camille. fils de journalier, ou comme Alphonse L. fils de cultivateur « rentré dans sa famille où il se livre aux travaux de l’agriculture, fera un bon cultivateur » notait l’instituteur.
Alphonse L. avait décroché son certificat d’études en juin 1896.
Pour les fils de cheminots, nous disposons peu d’informations car la plupart ne restait que quelques années à l’école de Moon, suivant les parents selon leurs nouvelles affectations comme à Caen, Lisieux, Granville, Argentan ….
A 12–13 ans, la page de l’école était tournée pour la grande majorité.
Elève ayant eu le Certificat d’études en juin 1890, a quitté l’école le 23 juin 1890 pour aller dans l’agriculture. (registre matricule scolaire des garçons tenu par l’instituteur de Moon).
Cette ambition de l’école de promouvoir l’égalité se heurtait en cette fin du XIXe siècle à la condition sociale très modeste de nos familles rurales. Après l’obligation scolaire, beaucoup perdait cet apprentissage des fondamentaux, pour tomber dans l’illettrisme.
Sur les 60 garçons scolarisés au début des années 1890 à Moon, 11 élèves obtinrent leur certificat d’études soit seulement 1/5 de nos élèves. Le mérite fonctionnait, 5 élèves sur les 11 étaient des fils de journaliers.
Pourtant sur les 10 élèves reçus, dont l’instituteur indiqua l’activité après le CEP, la majorité furent placés dans l’agriculture, 7 élèves, 1 autre comme garçon épicier, 1 chez un maçon,. Un seul, Louis L. fils de cultivateur entra en 1895 à l’école supérieure à Saint-Lô.
Mais François D., fils de journalier, qui avait été présenté au certificat d’études en juillet 1895, l’avait obtenu à l’âge de 11 ans. Les parents le retirèrent de l’école peu de temps avant son anniversaire des 12 ans, en février 1896. L’instituteur rédigea l’observation suivante « Elève studieux et appliqué se conduisant bien, aimant beaucoup la lecture. Les parents pauvres l’ont placé chez un cultivateur ».
En 1898 le conseil maintenait toujours son refus mais acceptait cette classe d’adultes au cas où « l’instituteur est prêt à assurer s’il la jugeait à propos « mais sans la financer. En 1898, un nouvel instituteur Mr Léopold Gautier fut nommé à Moon, et Mr Edouard Tiphaigne l’ancien instituteur de Moon parti en retraite, entra au conseil municipal en mai 1900… Or ces cours furent rétablis au cours de l’hiver 1900-01 et financés jusqu’à l’après-guerre.
Le certificat d’études primaires élémentaires
Tous les élèves ne le passaient pas. L’instituteur se faisait l’honneur de présenter des candidats ayant toutes les chances de l’obtenir, même avant l’âge des 13 ans.
Les élèves de Moon passaient le CEP au chef-lieu du canton, soit à Saint-Clair. Mr Tiphaigne présenta 16 élèves entre 1889 et 1896 (2), 14 le décrochèrent
comme Charles G. fils de jardinier en juin 1893 « bon élève, doux, d’un caractère timide. Conduite exemplaire, travaillant sérieusement et avec succès ».
2 élèves échouèrent au CEP, l’un en 1890 et l’autre en 1891. L’instituteur, dans ses observations, notait que 7 autres auraient pu l’avoir
comme Alphonse O. en 1894, fils de journalier, « élève intelligent, mais peu appliqué ; aurait pu avoir son certificat d’études s’il avait fréquenté régulièrement et s’il avait travaillé ».
Et nous-mêmes, serions-nous reçus ? voici quelques sujets proposés dans les cantons du département de la Manche aux élèves lors des sessions de l’année 1912.
Composition française (1912)
Vous avez appris qu’un de vos cousins, jeune apprenti à la ville, commençait à fréquenter les cabarets. Vous lui écrivez pour lui donner les conseils dont il semble avoir besoin et le mettre en garde contre les dangers de l’alcoolisme dont vous lui dépeignez les ravages sur la santé, l’intelligence, la volonté.
Calcul (1912)
1 – Quels seront au bout de 6 mois et 20 jours, les intérêts d’une somme de 32.50 francs placés à 4% l’an ?
2 – On a vendu les ¾ d’une propriété, puis la moitié du reste et on ne possède plus que 4 hectares de terrain. Quelle était la superficie première de la propriété, et quelle en est la valeur, à 1.50 franc le mètre carré.
Histoire géographie (1912)
1 – Que savez-vous de Louis XIV ?
2 – La deuxième République. Quand et comment fut-elle proclamée ? Quand et comment périt-elle ?
3 – Les grandes villes de la région du Nord de la France. Quelques détails sur chacune d’elles ?
4 – L’Algérie. Ses divisions naturelles. Son climat. Ses habitants. Ses productions.
La guerre 1914-18
Nous ne disposons pas de sources sur l’école de Moon pour cette période. Nuls doutes que les enfants furent élevés dans l’esprit patriotique et mobilisés dans cet effort de guerre. L’instruction civique figurait au programme et dans toutes les classes. La carte de France avec la tache noire rappelait aux enfants le souvenir des provinces perdues. La ligne bleue des Vosges alimentait l’idée de revanche.
Charles Gouye, fils de jardinier, qui avait obtenu à l’école de Moon le certificat d’études en 1893, devenu jardinier comme son père, s’était installé sur Lison. Mobilisé en 1914, il fut tué au début du conflit, en octobre 1914 laissant 2 orphelins.
Ernest Lahaye que nous avions évoqué et qui avait quitté l’école dès l’âge de 12 ans en juillet 1896, devenu charpentier, fut mobilisé en août 1914 et décéda de ses blessures en octobre 1914 laissant 2 orphelins.
Nombreux étaient les écoliers qui avaient un père, un frère, ou un oncle … parti sur le front.
Si nous prenons les classes d’âge nées à Moon entre 1890 et 1895, soit 35 garçons ayant survécu à la mortalité infantile et qui avaient 20 ans entre 1910 et 1915, plus d’un sur quatre fut tué lors du conflit (10 tués, 20 survivants, 5 non retrouvés dans nos recherches).
Ce fut la « génération du feu ».
Les Alexandre (Lecanu), Léon (Simion), Florent (Degouet), Emile (Decaen), Georges (Poirier), Paul (Lemerre), Charles (Jeanne), René (Lefrançois), Emile (Langlois) et Lucien (Capelle) qui étaient assis sur les bancs d’école de Moon à la fin des années 1890, furent tués au front à l’âge de leurs vingt ans.
A travers les épreuves du Certificat d’Etude Primaire Elémentaire, nous retrouvons cette mobilisation patriotique, comme lors de cette session de 1916 dans la Manche. Parmi les sujets :
Dictée (1916)
Aux écoliers
Jeunes gens, au travail, ou plutôt au combat, car vous aussi vous êtes déjà dans la mêlée. Dès aujourd’hui, vous êtes au service de la patrie.
A l’œuvre tous, et sans délai ; il faudra travailler plus et davantage, pour être plutôt prêts à prendre vos postes d’action. Ainsi resterez-vous dignes de votre grand pays. Ainsi seulement pourrez-vous payer l’immense dette contractée envers ceux qui auront gardé cette patrie dont le sol, maintenant partout semé de sépultures de héros, vous devient deux fois plus sacré.
Chaque jour, matin et soir, en ce moment, entendez-vous, ils tombent. Ils saignent, ils meurent, et c’est pour vous, c’est pour les vôtres, c’est parce qu’ils se font tuer ainsi, ces frères sublimes, que tout à l’heure vous pourrez retrouver votre foyer paisible et vos mères toujours vivantes. Albert Sarrault
Questions :
1 Donner des mots de la même famille que « œuvre », » dette ».
2 Justifier l’orthographe de plutôt (pour être plutôt prêts).
3 Que signifie l’expression « contracter une dette » ? De quelle dette s’agit-il ici ?
Composition française (1916)
Votre voisin, qui ne sait pas écrire, vous charge d’écrire en son nom à son fils qui est soldat sur le front ; vous lui donnez des nouvelles de sa maison, de son pays. Vous terminerez par des paroles d’encouragement.
Histoire géographie (1916)
1 – Quels souvenirs vous rappellent les noms de Condé, Turenne, Luxembourg, Villars ?
2 – Napoléon écrasa la Prusse en 1806, dites en quelles circonstances ; citez les principales victoires remportées et faites connaître ce qui s’en suivit.
3 – Faites connaître avec précision la situation des régions suivantes : Argonne, Hauts de Meuse, Woëvre.
4 – La Loire d’Orléans à la mer : nature et direction de son cours, affluents, limites du bassin, villes arrosées.
Monsieur Léopold Gautier instituteur à Moon depuis 1898 perdit ses 2 fils à la fin de la guerre, André en octobre 1918 âgé de 28 ans et Léon en février 1919 âgé de 23 ans, des suites du conflit. Parti en retraite aux Oubeaux en automne 1919 avec sa femme et sa fille, il ne survécut que peu au drame, décédant à l’âge de 58 ans en mars 1921.
Histoire de France, cours élémentaire, classique Hachette 1952, manuel du primaire (école de Moon).
La création de nouvelles classes dans les années 1930
« 130 élèves prévus à Moon dont 70 filles, un record pour Mlle Jourdan institutrice «
Fin 1931, l’Inspecteur primaire de la Manche demandait la création d’une troisième classe. Mlle Jourdan nommée à l’école des filles à Moon en 1931, elle resta jusqu’en 1950, faisait l’école à 50 élèves, et Mr Dubois nommé à l’école des garçons de Moon en 1930, il resta à Moon jusqu’à sa retraite en 1961, assurait la classe à 43 écoliers. Dans un premier temps, Le conseil refusa une création.
Mais en 1935, 57 filles étaient recensées à l’école des filles et 58 garçons à l’école des garçons. On était loin du règlement qui fixait la barre à 36 élèves par classe. Vu le manque de place, Moon ne prenait les enfants qu’à partir de l‘âge de 6 ans alors que selon la loi, les enfants de 5 ans devaient être admis.
La création d’une école intercommunale à la Gare en 1938
En 1929, le réseau des Chemins de fer de l’Etat, les cheminots et les briquetiers d’Airel-Moon et de Lison réclamèrent avec insistance un groupe scolaire sur la gare. Au début des années 1930, 300 cheminots vivaient sur la gare : les services de l’exploitation, de la traction, des voies et bâtiments, des ambulants des postes auxquels s’ajoutaient les briquetiers des tuileries de Lison. Tout un village s’était créé autour de la gare sur les communes de Sainte-Marguerite et Lison dans le Calvados et de Moon dans la Manche.
Si le conseil municipal de Moon se montrait favorable, il refusait de s’engager pour des raisons financières, arguant du fait que la commune avait lancé un lourd emprunt en 1928 pour le plan d’électrification des campagnes.
Dans cette chanson composée pour la fête du Quartier de la gare en 1930, nous retrouvons cette demande de l’école sur la gare. Cette chanson se terminait toutefois sur le bien-vivre dans ce quartier.
(Lison était un nœud ferroviaire entre la ligne Paris-Cherbourg et Lison-Lamballe).
L’année 1932 fut l’année-tournant pour le quartier de la gare. Lison, avec Mr André Galliot maire et industriel, fut la première commune à donner son accord en mars 1932. La commune de Moon était encore partagée en février 1932 avec 6 conseillers pour et 6 conseillers contre. Mr Fissot favorable au projet, le nouveau maire de Moon élu en février 1932, après le décès du maire précédent Mr Hérel, prit une délibération en ce sens. Sainte-Marguerite suivit également.
En mars 1934, le conseil municipal de Moon fixa la limite d’accès entre les deux écoles. Les habitants au nord de la route de Bayeux-Périers relevaient désormais de l’école du Quartier de la gare.
Six années furent nécessaires pour assurer l’ouverture de l’école intercommunale de la gare, en 1938. Le projet était complexe puisqu’il portait sur 3 communes et 2 départements. L’Etat débloqua enfin le subventionnement à hauteur de 50 % au début de l’année 1937. La construction de 2 classes, un préau et un logement pour 2 couples put être lancée sous la direction de l’architecte Mr Cochepain, l’école étant implantée sur Sainte-Marguerite d’Elle, au bord de la grande route. L’inauguration eut lieu le dimanche 25 septembre 1938 avec discours, banquet, cavalcade de chars décorés et la journée s’acheva par un grand bal.
La création d’une troisième classe à l’école de Moon en 1936
Quant à la troisième classe à Moon, il fallut attendre novembre 1935 pour que la commune donnât son accord, vus les effectifs annoncés, « 130 élèves prévus à Moon dont 70 filles, un record pour Mlle Jourdan institutrice » selon la délibération du conseil.
Dans l’urgence, pour la rentrée scolaire de 1936, le conseil décida d’installer provisoirement la troisième classe dans la salle de réunion de la mairie à l’étage du bâtiment de l’école des garçons. Un poêle à charbon fut acheté pour le chauffage de la pièce. Cette classe devenait mixte et assurait les cours pour les petits du CP. Faute de logement pour la nouvelle institutrice, Mme Hamel reçut une indemnité de logement de 300 francs par an. A l’école des filles, l’électricité fut installée en 1933.
Pour la rentrée de 1935, l’horaire d’hiver fut généralisé à la demande des instituteurs. Jusqu’à cette date, en hiver les écoliers avaient cours de 8h 30 à 11 h 30 le matin, et 1h à 4h l’après-midi, l’été les horaires passaient à 9h – 12 h le matin et 1h 30 – 4h 30 l’après-midi. Mlle Jourdan argumentait du fait que la fin de l’école dès 16 h permettrait de mieux préparer les candidats au certificat d’études.
La création d’une troisième classe à l’école de Moon en 1936
Quant à la troisième classe à Moon, il fallut attendre novembre 1935 pour que la commune donnât son accord, vus les effectifs annoncés, « 130 élèves prévus à Moon dont 70 filles, un record pour Mlle Jourdan institutrice » selon la délibération du conseil.
Dans l’urgence, pour la rentrée scolaire de 1936, le conseil décida d’installer provisoirement la troisième classe dans la salle de réunion de la mairie à l’étage du bâtiment de l’école des garçons. Un poêle à charbon fut acheté pour le chauffage de la pièce. Cette classe devenait mixte et assurait les cours pour les petits du CP. Faute de logement pour la nouvelle institutrice, Mme Hamel reçut une indemnité de logement de 300 francs par an. A l’école des filles, l’électricité fut installée en 1933.
Pour la rentrée de 1935, l’horaire d’hiver fut généralisé à la demande des instituteurs. Jusqu’à cette date, en hiver les écoliers avaient cours de 8h 30 à 11 h 30 le matin, et 1h à 4h l’après-midi, l’été les horaires passaient à 9h – 12 h le matin et 1h 30 – 4h 30 l’après-midi. Mlle Jourdan argumentait du fait que la fin de l’école dès 16 h permettrait de mieux préparer les candidats au certificat d’études.
source: document en mairie de Moon
Crise sociale et inflation des années 1930
La pause du midi ne permettait pas à tous les écoliers de rentrer chez eux, certains avaient plus de 2 à 3 km à pied. Ils venaient avec une gamelle froide qu’ils ouvraient le midi à proximité de l’école. Certains allaient prendre ce repas au café d’en face. Pendant les mois d’hiver, le Bureau de bienfaisance communal établissait une liste d’élèves de familles « indigentes » qui bénéficiaient gratuitement de la cantine scolaire et de fournitures scolaires. En 1913 un marché avait été conclu entre le Bureau de bienfaisance et Mr Yvrande pour la nourriture des enfants admis à la cantine scolaire. En 1936-37, 11 familles, soient 19 élèves, ont pu profiter en hiver de la cantine gratuite chez Mr Georges Lemieux aubergiste, le Bureau versant 2.25 francs par repas par enfant. Quant aux fournitures scolaires, le Bureau fournissait aux instituteurs la somme de 4.50 francs par élève admis à la gratuité par mois. L’inflation exacerbait la crise sociale.
En février 1938, le conseil municipal de Moon « protestait contre toute augmentation du prix de pain ». Il estimait « qu’un journalier agricole, père de de 3 à 4 enfants, qui gagne 10 francs par jour, il lui est impossible de nourrir sa famille si on considère que la famille a besoin de 3 kgs de pain par jour. Il reste environ 2 francs pour acheter un peu de viande et se vêtir puis payer le propriétaire. Il en résulte une sous-alimentation des enfants. »
La Seconde guerre mondiale
L’hiver 1939-40 et la drôle de guerre
En novembre 1939, en plein épisode de la Drôle de guerre, Mlle Jourdan avec l’Ecole des filles de Moon centralisa les dons en espèce et en nature pour la confection de chandails, chaussettes et cache-cols pour les soldats de la commune envoyés sur le front. « Les tricoteuses bénévoles et les fillettes de l’école se sont mises au travail et les résultats déjà obtenus sont très satisfaisants », selon le journal local (4),. Les Anciens combattants avaient versés une somme de 200 francs à Mlle Jourdan « au nom de nos soldats, merci à toutes » ainsi que 300 francs provenant d’une souscription dans la commune. Quant à la commune elle avait prélevé une somme de 200 francs pour acheter de la laine destinée à la confection de vêtements pour les soldats nécessiteux de Moon. L’année suivante, en novembre 1940, les instituteurs insistèrent auprès des élèves pour qu’ils fassent le ramassage de vêtements en faveur du secours national d’hiver.
La rentrée scolaire 1940, « La Kommandatur se tient dans l’école » intercommunale de la Gare
En juin 1940, le front s’était effondré ouvrant le pays à la Débâcle. Les troupes allemandes arrivèrent sur le Quartier de la gare de Lison, le 19 juin 1940, selon Simonne Lemière coiffeuse au quartier de la gare (3). A peine deux ans après son ouverture, l’école de la gare devint une école inutilisée. Une fanfare allemande de 100 musiciens y fut hébergée à la mi-août 1940 et la Kommandatur se tenait dans l’école en automne 1940 selon Simonne Lemière. Les enfants du secteur de la gare durent faire la rentrée des classes de 1940 dans un garage.
Le Quartier restait dangereux, soumis aux mitraillages des avions anglais sur la gare et les machines. Les bombardements commencèrent en automne 1943 mais s’intensifièrent au printemps 1944 et la population dut se réfugier dans les campagnes, après les bombardements du 24 mai 1944, 32 maisons étaient inhabitables (3).
L’école inter-communale de la gare fut remise en état à partir de 1945. Les bombardements et l’explosion d’un train de munitions américain le 15 janvier 1945 à l’entrée de la gare avaient endommagé l’école. De gros travaux de réfection durent être entrepris à l’école intercommunale de la gare. Les cheminots puis les communes travaillèrent à la réfection de l’école. Les réparations à effectuer s’élevaient à 836 446 francs dont 20 % à charge des communes. Le conseil de Moon dans sa séance du 17 janvier 1947 considérait qu’elle n’avait pas à payer ces frais, car ces travaux résultaient « de faits de guerre (bombardement, explosion du train de munitions américain en gare de Lison en janvier 1945) et que ces dommages devraient être couverts par l’Etat ».
Mr Dubois instituteur- secrétaire de mairie,
A l’école de Moon, la distribution des prix ne put avoir lieu à la suite de l’invasion de juin 1940. Le conseil municipal décida qu’à la rentrée scolaire de septembre 1940 une distribution de livres de bibliothèque serait faite dans les classes.
Mr Dubois directeur de l’école des garçons exerçait également la fonction de secrétaire de mairie. A ce titre, il gérait la distribution des tickets de rationnement auprès de la population. Face à la charge de travail, un emploi d’auxiliaire fut créé au 1er janvier 1943 afin de l‘aider, surtout qu’en septembre 1943, une centaine de réfugiés de la région cherbourgeoise arrivèrent dans la commune.
Les tickets d’alimentation (pain) existaient encore début 1949 dans le contexte de la reconstruction d’après-guerre (titres en mairie de Moon)
Mlle Jourdan institutrice des filles, membre d’un réseau de résistance
Mlle Henriette Jourdan, institutrice de l’école des filles jusqu’en 1950, était membre de la Résistance, sur la liste d’un groupe rallié au Front national, tout comme l’adjoint de la commune Jules Lecarpentier cheminot. Le Front national, mouvement de Résistance intérieure créé par le Parti communiste français en 1941, avait fait de la gare de Lison un centre de distribution de tracts d’information et de propagande pour l’ensemble du département selon Marcel Levéel, jeune cheminot (5). Louis Marguerite, futur adjoint de Moon de 1947 à 1965, était le responsable de la cellule de la gare constituée d’une dizaine de cheminots. Ils passaient par l’intermédiaire de Jean Lamotte, instituteur à Airel, un responsable du Front national, pour être en relation avec le BCRA (Bureau Central de renseignements et d’Action) à Londres. La filière consistait à stocker, cacher les tracts et organiser la distribution.
Louis Marguerite cheminot responsable de la cellule de la Résistance sur la gare de Lison (source Henri Levéel)
De nouvelles classes réclamées dans l’après-guerre
Avec le baby-boom d’après-guerre et des années 1950, l’apogée du dépôt cheminot à la gare et des tuileries, de nouvelles classes furent réclamées. La commune de Moon décida dans sa délibération du 29 février 1948 de se tenir à un ordre de priorité pour les écoles
- Extrême urgence – travaux de réfection totale de la 2ième classe de l’école des garçons et renouvellement du matériel scolaire de cette classe.
- La construction d’une classe à l’école de garçons pour libérer la salle de mairie dans laquelle se tient provisoirement la 1ère classe de l’école, cette situation ne pouvant durer plus longtemps.
- La participation pour 1/3 à la construction de la 3ième classe à l’école de la gare.
1)Au cours de l’été 1949, des travaux furent entrepris en urgence pour la 2ième classe de l’école des garçons. « Les tables de la classe jugées antiques et contraire au principe d’hygiène « furent changées également. L’ensemble fut achevé au cours de l’été 1950.
2)Le plan de la construction d’une classe et d’un logement à l’école des garçons de Moon avec un préau est approuvé en 1952 et un terrain à côté de l‘école est acheté pour ce projet.
3)Entretemps une troisième salle de classe fut construite à l’école de la gare, puis en 1952 fut approuvé la création d’une quatrième classe à l’école de la gare.
Ecole des filles au milieu des années 1950 avec Madame Desmonts institutrice entre 1955 et 1960
Ecole des filles, photo prêtée par Yolande Cotigny ( Mme Ménard)
Devant 1ère rangée : Mr Ernest Gilles (maire) – Marie-Louise Quesnel – Geneviève Auvray -Solange Vimond – Yolande Cotigny – Gilberte Littée – Michelle Mahaut – Jacqueline Pitrey – Mme Desmonts institutrice
2ième rangée : ? Vimond – Annick Leran – Annick Auvray – Colette Férey – ? Valette – ? Hardy
3ième rangée : Raymonde Ledoyer – Christiane Legast – Raymonde Fontaine – Simone Fontaine – Françoise Michon – ?
4ième rangée : Annick Houelle – Janine Robiolle – Georgette Férey – Joëlle Lepage – Mireille Férey.
Ecole des garçons, photo prêtée par Michel Guillot
1er rang (de gauche à droite) : Mr Dubois instituteur – Michel Vasse – Guy Legaste – André Launay – René Hardy – Michel Guillot – Daniel Boisard – Mr Ernest Gilles maire
2ième rang : Claude Gosset – Yannick Littée – Daniel Menant – Gilbert Cotigny – Ange Pitrey
3ième rang : Patrick Pascolini – André Heulin – Gérard Menant – Louis Daguet – Jean-Michel Turmet – Jean-Pierre Turmet
La construction du nouveau groupe scolaire à l’école de Moon en 1956
Enfin la première pierre de la construction à l’école des garçons de Moon fut posée le 13 janvier 1955 lors d’une cérémonie avec la présence de Mr Ernest Gilles maire, Mr de la Moissonnière conseiller général, Mrs les entrepreneurs et les instituteurs : Mr Dubois directeur de l’école des garçons, Mme Desmonts directrice de l’école des filles et Mme Michon institutrice adjointe à l’école des garçons.
La nouvelle construction entraîna une redistribution des salles au sein du vieux bâtiment. La mairie descendit au rez-de-chaussée.
L’inauguration du groupe scolaire à l’école des garçons de Moon eut lieu le 18 juin 1956, présidée par Mr le préfet Henri Larrieu, en présence des Inspecteurs de l’Académie et de l’enseignement primaire, de Mr de la Moissonnière conseiller général, du conseil municipal et du personnel enseignant.
La nouvelle construction avec le préau, les sanitaires, la salle de classe et le logement au bout à gauche, groupe portant la plaque de la date de la première pierre posée en 1955.
Ce 18 juin 1956 fut une journée marathon avec 18 inaugurations d’écoles. Le préfet avec les autorités, quittèrent Saint-Lô à 7h 30 du matin pour commencer leur marathon à Beaucoudray à 8 h, firent la pause déjeuner à Quibou et terminèrent à Moon-sur-Elle à 19h 30 où fut offert un vin d’honneur pour clore la journée.
La Manche libre rapporta ainsi cette journée dans son édition du 25 juin 1956 :
« Nouveau record, le 18 juin M.le Préfet inaugurait 18 écoles en 12h 15 minutes »
… l’épreuve de régularité, digne des spécialistes des Rallyes touche à sa fin. On peut flâner un peu avant de se rendre à Moon-sur-Elle qui est cependant sous nos roues à l’heure prévue : 19h. 30. Dernier coup de ciseau, dernière plaque, la 18e. « cette école qui fait partie du 1er programme départemental de constructions scolaires en commandes groupées a été inaugurée le 18 juin 1956 par M. Henri Larrieu, Préfet de la Manche, M. Fernand Mory étant Inspecteur d’Académie et M. Gilles maire ».
Cette fois-ci le cycle des inaugurations est bien terminé. … Maintenant, c’est l’heure de la détente. Chacun sable le champagne en mangeant des biscuits et des gâteaux secs, on plaisante un peu. Néanmoins, M. le Maire y va de son petit discours ; M. de la Moissonnière aussi. Ceci appelle évidemment un mot de M. Henri Larrieu. « Nous sommes en fin de parcours, dit ce dernier, les chevaux, comme dans les courses, sont un peu fatigués. » … Le sprint final est réservé pour le retour vers Saint-Lô où l’on arrive alors que la brume commence à tomber ».
La construction de Moon faisait partie de la 1ère tranche des commandes groupées dont le programme fut conçu par M. Cochepain, architecte.
Dans son édition du 8 juillet 1956, La Manche libre publia les dernières photos du marathon d’inauguration dont celle de Moon-sur-Elle.
Avec pour légende : Moon-sur-Elle ! Terminus. La journée est terminée, on peut se détendre un peu. M. de la Moissonnière Conseiller général du canton de Saint-Clair, M. le Maire et M. le Préfet « trinquent » cordialement sous le regard amusé de M. Cardot (Directeur adjoint départemental du Ministère de la reconstruction et du Logement) – photo R. Pouchin la Manche libre)
La construction d’une cantine scolaire en 1961
Dans cet ensemble moderne, manquait encore une cantine scolaire. Les doléances des parents s’exprimèrent dès la fin de l’année 1956, « les enfants éloignés étant contraints de prendre le repas froid à proximité des écoles ». Le conseil y fut favorable et la construction démarra en 1960. L’ouverture eut lieu le lundi 4 décembre 1961 avec Mme Tiphaine comme cuisinière, rémunérée sur la base de 9 nouveaux francs par jour, portée à 12 NF en octobre 1962. La surveillance étant assurée par l’institutrice Mme Bénéteau, rémunérée 4 NF pour 2 heures de surveillance. Le prix du repas pour les enfants fut fixé à 1.30 NF.
Le conseil avait décidé de faire « cultiver le jardin inculte du presbytère (il n’y avait plus de curé résident depuis 1953) pour avoir des légumes destinés à la cantine scolaire et de confier l’entretien du jardin au préposé au cimetière » ; un circuit court et local devenu très tendance aujourd’hui !
La vie de l’école dans les années 1950/60
Un seul site scolaire en 1961 au bourg de Moon
A la rentrée scolaire de 1961, l’école des filles de Moon fut fermée et les effectifs furent regroupés sur un seul site, celui du groupe scolaire de l’école des garçons de Moon agrandi en 1956. La municipalité de Moon acta en 1962 « la gémination des écoles », terme ancien utilisé par la municipalité qui consistait à réunir l’école des garçons et l’école des filles et constituer ainsi des classes mixtes. Le bâtiment de l’école des filles fut désaffecté en 1965, le conseil estimant que « le bâtiment ne sera plus jamais utilisé avec la réforme scolaire (le collège se généralisait) » et fut mis en vente le 20 avril 1966.
Ce tournant de 1961 avec 2 classes mixtes signifia la disparition de la troisième classe, celle des petits, créée en 1936.
Mr Dubois instituteur de l’école des garçons, en place depuis 1930, prit sa retraite en 1961, année du regroupement des 2 écoles. Resté sur Moon, il occupait toujours la charge de secrétaire de mairie. Il se retira en en 1979 pour des raisons de santé. Ce fut aussi la fin d’une figure centrale de la commune, celle de l’instituteur-secrétaire de mairie, qui avait cours à Moon depuis les années 1820. Quant à Mr Dubois, c’était la fin d’une présence de près de 50 années. Désormais furent recrutées des secrétaires de mairie de métier.
Campagne de distribution de lait à partir de 1955
En 1954, le chef du gouvernement Pierre Mendès-France avait lancé une campagne d’amélioration de l’hygiène alimentaire des enfants de l’école. Inquiet des effets de la malnutrition de l’après-guerre et de la consommation d’alcool précoce des Français, il fut décidé de distribuer quotidiennement un verre de lait et du sucre aux enfants de l’école. Son slogan s’énonçait ainsi « pour être studieux, solides, forts et vigoureux, buvez du lait ».
La distribution d’alcool dans les cantines pour les enfants de moins de 14 ans fut interdite en 1956
à droite: Pasteur, père de la vaccination, récupéré pour la promotion du vin .
à gauche: Buvard d’une élève de l’école de Lison de l’année scolaire 1949-50, vantant le cognac.
La commune mit en place la distribution de lait à l’école en janvier 1955 pour chaque jour de classe : un verre de lait (du super-lait de la laiterie du Pont de Soulles à Coutances, puis à la rentrée scolaire de 1955 du lait homogénéisé stérilisé de la coopérative « Elle et Vire »), du sucre et 2 biscuits par élève. Une femme de service chargée du chauffage du lait fut rémunérée au cours de ces années 1950.
Certificat d’études et promenade scolaire
L’école républicaine de la IVe République enseignait les principes et les valeurs de la République définis depuis Jules Ferry : une morale laïque, la citoyenneté, l’idéal patriotique, l’instruction, le travail, le progrès et l‘égalité. Afin d’honorer ces valeurs de travail, d’instruction et de mérite, la municipalité décida de récompenser les enfants reçus au certificat d’études. 6 élèves ayant passé avec succès le CEP de juin 1955 furent les premiers à recevoir chacun une somme de 1000 francs, une récompense reconduite les années suivantes.
Tous les élèves de Moon fréquentant les écoles de Moon ou l’école intercommunale de la gare bénéficièrent à partir de 1950 « d’une promenade de fin d’année scolaire » organisée par la municipalité. Le conseil privilégia la mer, le repas pris à Asnelles. En 1950 ce fut Vierville-sur-mer, en 1957 fut intégrée la visite du cimetière américain à St-Laurent-sur-mer et Arromanches, puis ce furent les plages de la Manche comme Barneville-Carteret en 1958, ou Jullouville en 1959, ou Carolles en 1960. En 1962 ce fut Paris pour les plus grands et la mer pour les plus petits.
Cimetière américain de Colleville-sur-mer inauguré en 1956, visité par les écoliers de Moon en 1957
Si en 1963 les instituteurs demandèrent à limiter cette sortie scolaire aux grands élèves « dans un but éducatif. », le conseil continua à décider des promenades scolaires annuelles au cours des années suivantes, comme celle à St-Malo et au barrage de la Rance en 1965. Les conseillers participaient aux sorties. Selon Monique ou Michel, anciens élèves, le bus partait avec les élèves et les instituteurs vers la mer, les conseillers et le maire suivaient en voiture. Une promenade scolaire très festive pour les conseillers, qui avaient oublié le verre de lait de Mendès-France, selon les souvenirs des élèves. Cette organisation se poursuivit jusqu’au milieu des années 1970. Le 17 juin 1975, les 2 institutrices Mme Degouet et Mme Poulain organisèrent la promenade scolaire au Mont-Saint-Michel avec Mr Dubois ancien instituteur et secrétaire de mairie, Mme Fouchard cantinière et son mari et Mr Turmet conseiller. En 1978 fut organisée une classe de mer financée par les parents, une subvention et une participation de la commune.
2 classes seulement de 1961 à 1986
Au cours de ces années 1960-70, l’école de Moon fonctionna seulement avec 2 classes mixtes. Si la commune avait encore 900 habitants en 1962, elle n’avait plus que 579 habitants en 1982. L’exode rural qui touchait les campagnes, la disparition des petites exploitations agricoles, le départ des jeunes vers les villes avec les emplois urbains, la fermeture du dépôt SNCF (gare de triage, halte et entretien des locomotives) à la gare de Lison en 1954-55, (restaient encore les cheminots affectés à l’exploitation de la gare et au service de la voie) et la fermeture des tuileries dans les années 1970 expliquèrent cette chute des effectifs scolaires.
L’autre explication, fut l’ouverture d’un collège à Saint-Clair-sur-Elle. En été 1961, la commune de Moon adhéra au syndicat intercommunal de transports d’élèves vers le CEG de Saint-Clair-sur-Elle. Désormais les écoliers pouvaient quittaient l’école de Moon dès l’âge 11 ans, pour le collège.
Mr Levavasseur avait pris la suite de Mr Dubois en 1961. Mme Degouet institutrice arrivée en 1969, devint la première femme conseillère municipale à Moon, lors d’une élection complémentaire en 1979. Au renouvellement du conseil municipal en 1983, sur les 15 membres élus, 4 femmes entrèrent au conseil. Une « manifestation de sympathie » en présence des habitants marqua le départ de Mme Degouet de l’école de Moon le 25 juin 1983.
Un nouveau dynamisme de l’école de Moon dans les années 1980-90
La création d’une classe de maternelle à Moon en 1986
La politique volontariste en matière de logement avec Mr Turmet maire, à partir de 1979 favorisa une remontée des effectifs. La commune avait lancé des accessions à la propriété avec un lotissement communal, puis avec 3 parcelles communales sur le quartier de la Pomme d’Or et de la Croix de Moon, auxquelles s’ajoutèrent 3 tranches d’HLM qui firent que la population passa de 579 habitants au recensement de 1982 à 792 habitants en 1990.
La commune, située à 13 km de la ville préfecture de Saint-Lô bénéficia aussi de la rurbanisation. A partir de la fin des années 1970, les couples cherchaient un logement, un terrain hors de la ville pour s’installer dans les communes rurales qui environnaient la ville. Être propriétaire d’un pavillon individuel avec son jardin et sa pelouse, le rêve des classes moyennes, devenait une réalité par un foncier moins cher qu’en ville et la facilité de se déplacer avec la voiture.
Au début des années 1980, le conseil constatait que le nombre d’élèves se réduisait avec les 2 seules classes primaires, et qu’il fallait se projeter dans la création d’une classe maternelle En 1983 il s’exprimait ainsi : « une classe maternelle permettrait de drainer vers notre école les enfants à partir de 2 ans qui continueraient pour la plupart une scolarité jusqu’à leur départ en secondaire. Les constructions nouvelles et en cours nous laissent espérer une trentaine d’enfants qui pourraient fréquenter cette maternelle ». Après l’accord de l’Inspection, et un subventionnement de l‘Etat à hauteur de 50%, la construction fut lancée en 1986 sur un terrain derrière le groupe scolaire.
La seconde classe en 1985-86 avec Mlle Besnard institutrice à droite et Mlle Laurence Marie aide maternelle à gauche, avant l’ouverture de la maternelle en 1986
L’ouverture de la maternelle se fit à la rentrée scolaire de 1986, avec Mme Jocelyne Hérauville nommée institutrice. Avec cette ouverture, une garderie fut instituée permettant aux parents qui travaillaient de laisser leurs enfants. 2 emplois à mi-temps furent créés pour l’assistance à la maternelle et la surveillance de la garderie. La distribution de lait à la maternelle, non pas sous la forme du verre de 1955, mais la briquette, fut opérationnelle à la rentrée de janvier 1987.
La classe maternelle 1987-88 avec Mme Hérauville institutrice à gauche et Mme Faucon assistante maternelle à droite
La création d’une quatrième classe à Moon en 1987
La conséquence immédiate de la croissance des effectifs avec la maternelle fut la création d’une quatrième classe dès la rentrée scolaire de 1987. Le bal du déménagement de la mairie reprit, la mairie remontant à nouveau au premier étage pour laisser place aux écoliers. Cette installation provisoire dura 8 années. Quant aux logements des écoles, avec les départs de Mme Guihur et Mme Poullain en 1987 et 1988, les logements des écoles furent désormais loués à des particuliers.
La 4e classe avec le C.E. en 1991-92 et Mr Jean Mesnildrey, instituteur et directeur de l’école
Création d’une Association de parents d’élèves à la fin des années 1980
La création d’une Association des parents d‘élèves à la fin des années 1980 allait permettre de financer par l’organisation de manifestations (repas, lotos, concours de belote, de pétanque, …) des classes découvertes pour les plus grands et des cours à la piscine de Saint-Lô. La première fut une classe de mer dans la Manche en 1994, puis la classe volcans en Auvergne en 1996 et ensuite une classe préhistoire en Dordogne en 1998 à Montignac.
Source: Ouest-France automne 1992
A Noël, un spectacle composé de petites scènes de théâtre, de contes, de danses et de chants avant l’arrivée du père Noël était organisé par les instituteurs.
Spectacles de Noël (à droite danse des lapins en 1991)
Petite mise en scène avec Mr Rey-Dorène instituteur et les élèves à Noël 1991
Fête du bicentenaire de la Révolution française en 1989 à Cherbourg, élèves de Moon avec Mr Rey-Dorène
A l’inititative de Mr Rey-Dorène, instituteur, un journal de l’école fut créé, « le Petit Moonais », au début des années 1990.
En 1998, les enfants de la classe des CE furent associés à la démarche d’un artiste local, Mr Desbouis pour réaliser une frise, un bas-relief, ornant le mur de la cantine. Ce bâtiment ne présentait pas un grand intérêt architectural au départ mais le pari fut réussi. Désormais on ne verrait plus avec le même regard cette construction.
L’œuvre fut inaugurée avec les élèves et l’artiste le 6 juillet 1998.
Dans le Petit Moonais, les élèves ont intitulé leur article « une œuvre d’art à Moon, la cantine embellie ! » et les premières lignes du compte-rendu sont ainsi rédigées : « la chaleur de l’été a fait pousser à Moon-sur-Elle des plantes étranges venues d’ailleurs. Elles ont germé dans l’imagination d’Eric Desbouis, artiste sculpteur. Le passant aura tout loisir pour admirer cette réalisation, mais la classe des CE. A eu le privilège de suivre la création de l’œuvre…»
L’an 2000
Avec 4 classes, fréquentées par plus de 90 enfants, l’école de Moon connaissait une belle dynamique pour aborder le XXIe siècle.
En conclusion, laissons la parole à Pauline de la classe des CM1-CM2, qui nous parle de sa rentrée scolaire de l’an 2000 dans « mots d’enfant » du journal le Petit Moonais :
« Le jeudi 31 août 2000, dès que je me suis levée à 8h 00, je pensais à l’école, à la maîtresse que j’allais avoir et à retrouver mes copains et copines. Pendant mon petit-déjeuner, je pensais toujours à ma journée. J’ai mis mes vêtements et mes chaussures neufs que j’ai eus pour mon premier jour d’école.
Je suis arrivée à l’école. Je suis allée mettre mon cartable sous le portemanteau. J’ai vu qu’il y avait beaucoup d’enfants dans la cour et j’ai apprécié jouer avec mes copines et mes copains.
L’entrée dans la classe était agréable parce que des meubles ont été déplacés comme les tables, le bureau, l’armoire, un des tableaux. Et puis, il y avait aussi une bibliothèque. J’ai été surprise parce que je croyais que nous allions être 22 élèves comme l’année dernière mais nous ne sommes que 16.
J’ai vraiment aimé préparer ma carte d’identité. On va toutes les envoyer à nos correspondants de Caen à côté de Bayeux.
Le midi, je suis rentrée à la maison. Maman m’a demandé comment s’appelait la maîtresse, je lui ai répondu Mademoiselle Montigny.
L’après-midi, il faisait très beau. Alors, nous sommes sortis faire une balle aux prisonniers. A la récréation, je suis allée jouer à l’élastique avec d’autres CE2. A 16h 30, j’ai vu tous les écoliers qui sortaient : l’école était finie.
Cette première journée était très agréable. Elle m’a permis de rencontrer de nouveaux élèves Pierre-Alexandre et Alexandre en CE2 ET Lisa en CM1. »
Gilbert Lieurey
Sources :
1-registre des délibérations du conseil municipal de Moon – archive en mairie de Moon
2-registre matricule tenu par l’instituteur de l’école des garçons de Moon portant ses appréciations sur les succès, les aptitudes et la conduite des élèves pendant leur séjour à l’école (60 élèves nés entre 1878 et 1885) – archive en mairie de Moon.
3- « La guerre » journal intime d’une jeune femme normande entre 1939 et 1945 – Simonne Lemière, Epsilon Editions mars 2004.
4-l’Avenir du Bessin et du Cotentin et le journal d’Isigny réunis du 15/11/1939 n°46
5-Rails et Haies par Marcel Levéel « 19 ans en 44 » – Editions Eurocibles – 2004
6-Lison-gare, village écartelé, mémoire Rémi Pézeril 1973
–Photos Gilbert Lieurey